Avant de nous lancer dans le vif du sujet, revenons sur quelques notions indispensables à la compréhension de cette inégalité météorologique à l’échelle de l’Europe.
La pression en altitude, qu’on nomme communément « géopotentiel » dans le jargon météorologique, détermine les conditions météorologiques régionales et locales. En effet, du géopotentiel découlent la direction et la force du vent en altitude. Et ce sont les vents d’altitude, ces fameux « courants-jets » qui conditionnent la provenance et donc les caractéristiques des masses d’air. Vous comprenez alors l’importance des pressions, en particulier de la présence de hautes et basses pressions.
Ces derniers jours et encore ce samedi, le champ de géopotentiel à très haute altitude visible sur la carte suivante indique qu’une crête de haute pression (qu’on appelle une dorsale) s’étire sur l’Europe de l’ouest, alors qu’à l’est un vaste système dépressionnaire (désigné par le terme de « cut-off ») stagne sur la Mer Noire.
Cette configuration a des conséquences très différenciées entre :
Les températures sont ainsi très contrastées entre l’ouest de l’Europe où les premières primevères et jonquilles sortent, tandis qu’à l’est un froid glacial domine et avec lui, des chutes de neige en cas de précipitations.
La carte des températures minimales relevées ce samedi 22.02 au petit matin présentée ci-dessous est édifiante : de minima proches de 10 °C sur la France, on descend sous 0 °C en passant la Hongrie, et même sous -10 °C en Ukraine. Relevons les températures particulièrement basses sur l’ensemble du pourtour de la Mer Noire, dont la température de surface se situe entre 4 et 12 °C (selon SeaTemperature Info) !
Regardons d’un peu plus près le résultat de l’interaction de l’air froid avec la Mer Noire qui représente une surface d’eau importante à l’échelle régionale. La différence de température entre l’air qui afflue sur la Mer Noire et l’eau de surface est conséquente et contribue à un phénomène spectaculaire, sur les images satellite comme pour les régions qui en subissent les conséquences : l’effet de lac, qu’on pourrait même qualifier d’effet "de mer" dans le cas présent.
Sur l’animation satellite ci-dessous, on observe que des trainées de nuages se forment au contact de l’eau de la Mer Noire progressivement plus chaude vers le sud : ces nuages naissent du fait de mouvements ascendants de l’air qui est réchauffé par en bas par les eaux plus chaudes de la Mer Noire. Une fois formés, ces nuages - qui ne sont rien d’autre que les cumulus qu’on peut observer aussi chez nous- dérivent dans l’axe du vent et s’organisent en lignes. Comme les eaux se réchauffent en allant vers le sud, l’apport de chaleur par en bas se renforce et les cumulus poursuivent leur développement. S’ils gonflent suffisamment pour atteindre le stade de congestus, ils donnent alors des averses, sous forme de neige vu les températures particulièrement basses.
Tant que l’apport d’air froid se maintient sur la Mer Noire, les averses défilent et accumulent d’importantes quantités de neige sur la côte située sous le vent de la Mer Noire, soit la côte nord de la Turquie. Cette situation persistant depuis 2 jours a occasionné et occasionne encore de nombreuses perturbations, notamment à Istanbul.
Ce même phénomène se produit chez nous lorsque de l’air froid s’écoule sur un lac dont les eaux de surface sont plus chaudes : c’est ainsi qu’on peut observer des averses à répétition sur la Riviera alors qu’à Evian le temps est parfaitement sec, comme lors de la situation analysée dans ce Blog du 23 septembre 2023.
Ce « lake-effect » survient dans de nombreuses régions du monde, avec un impact plus ou moins dévastateur. L’effet de lac a d’ailleurs récemment fait parler de lui lors des chutes de neige exceptionnelles au Japon et revient sous le feu des projecteurs à chaque tempête de neige dans l’Etat de New York.
En prenant un peu de recul avec l’image satellite visible ci-dessous, voyez-vous d’autres effets de lac ou de mer ? Réponse juste après…
On distingue les mêmes motifs d’alignements nuageux au sud de la Grèce, très probablement générés par l’interaction de l’air froid avec les eaux de surface chaudes de la Mer Méditerranée.
Bon week-end à toutes et à tous !