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Retour sur les récentes chutes de neige record au Japon
MétéoSuisse-Blog | 14 février 2025

La côte ouest du Japon ainsi que l’île d’Hokkaido ont été frappées au début du mois de février par d’abondantes chutes de neige qui ont paralysé les transports, fermé les aéroports et enseveli les autochtones. Quelques explications sur la situation météorologique responsable.

Le 5 février 2025, les chutes de neige persistaient le long de la côte ouest du Japon et sur l'île d'Hokkaido suite à l'arrivée d'air continental arctique en provenance de la Sibérie. Photo : JIJI Press/EPA
Le 5 février 2025, les chutes de neige persistaient le long de la côte ouest du Japon et sur l'île d'Hokkaido suite à l'arrivée d'air continental arctique en provenance de la Sibérie. Photo : JIJI Press/EPA
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Chutes de neige abondantes avec localement des records

Entre le 3 et 5 février 2025, des cumuls de neige fraîche de l’ordre de 129 cm en 48 heures ont été relevés à Shirakawa dans la préfecture Gifu, soit un record selon l’agence météorologique japonaise. En seulement 12 heures, cette même localité a enregistré 48 cm, comparables aux valeurs relevées à Toyama (50 cm) ou encore à Jyoetsu (45 cm) dans la Préfecture Niigata située le long de la côte occidentale de l’île principale. Sur l’île nord d’Hokkaido, d’autres chutes de neige records ont été enregistrées en seulement 12 heures, notamment à Obihiro (120 cm), Shiranuka (69 cm), Urahoro (77 cm) ou encore Memuro (105 cm). Ces chutes de neige abondantes ont paralysé les transports avec de nombreux vols et trains annulés entre Tokyo et les préfectures le long de la côte ouest ainsi que sur l’île d’Hokkaido.

Situation météorologique responsable

Ces chutes de neige records ont été produites par l’enchainement de plusieurs phénomènes météos.

  • Premièrement, une profonde dépression s’est creusée sur la Mer du Japon le 3 février le long du front polaire séparant de l’air arctique Sibérien à l’arrière et de l’air maritime plus doux (maritime polaire modifié) à l’avant. Cette dépression s’est ensuite dirigée vers le nord-est en direction de la côte ouest de l’île principale du Japon puis de l’île plus au nord d’Hokkaido. Ce faisant, au passage des zones frontales associées à la dépression, un important apport d’humidité s’est dirigé vers ces régions avec à la clé, d’importantes précipitations.
Fig 1 : image satellite infrarouge du creusement de la dépression sur la Mer du Japon le 03 fév 2025 vers 10h UTC avec les zones frontales et les masses d'air rajoutées pour le contexte.
Fig 1 : image satellite infrarouge du creusement de la dépression sur la Mer du Japon le 03 fév 2025 vers 10h UTC avec les zones frontales et les masses d'air rajoutées pour le contexte. (Source : Windy.com, Himawari JMA, plus annotation frontales MétéoSuisse)
  • Deuxièmement, cette humidité est venue s’encastrer le long des reliefs occidentaux des deux îles et également le long de la côte sud de l’île d’Hokkaido. L’encastrement de cette humidité contre les reliefs, comparable aux situations de barrage contre les Alpes chez nous, a engendré un important soulèvement de la masse d’air et a accentué les cumuls de précipitations au vent de ces chaînes montagneuses.
Fig 2 : schéma conceptuel du soulèvement du flux d'air engendré par le relief le long des côtes occidentales de l'Ile principale du Japon ainsi que sur l''île d'Hokkaido, occasionnant de fortes chutes de neige au vent de ces reliefs par barrage.
Fig 2 : schéma conceptuel du soulèvement du flux d'air engendré par le relief le long des côtes occidentales de l'île principale du Japon ainsi que sur l''île d'Hokkaido, occasionnant de fortes chutes de neige au vent de ces reliefs par barrage. (Source : googlemaps.com plus annotations et schéma MétéoSuisse)
  • Enfin troisièmement, et pas des moindres, un important « effet de Mer », à l’arrière du front froid au sein de la masse d’air arctique sibérienne, a fortement accentué et prolongé les chutes de neige le long des côtes occidentales des deux îles les 4 et 5 février. Ces « Sea effect snows » sont assez fréquentes en hiver le long des côtes occidentales du Japon. Elles prennent naissance lorsqu’il existe une différence de température suffisamment importante (souvent > 13 °C) entre la température de l’air vers 1500 m et la température de l’eau de surface de la Mer du Japon. De surcroît, le flux dominant doit également être dirigé du continent asiatique en direction du Japon. Ensuite, avec cet air sibérien se déplaçant au-dessus de cette mer « relativement douce », la masse d’air de basses couches se déstabilise rapidement. Cela favorise le développement de lignes d’averses parallèles au flux qui prennent de plus en plus d’ampleur à fur et à mesure qu’elles se propagent en direction des côtes nippones. En fonction de l'ampleur du profil instable, ces averses peuvent parfois évoluer jusqu’au stade de l’orage et occasionner des chutes de neige intenses avec des éclairs et du tonnerre, ce que l’on nomme des « thundersnows ». Ce processus est comparable à celui qui se produit le long des côtes orientales des Grands Lacs américains lorsque des masses d’air continentales polaires ou arctiques en provenance du Canada viennent surplomber les lacs dans un courant d’ouest à nord-ouest.

Facteurs météorologiques aggravants

Dans le cas des « Sea effect snows » du Japon, deux facteurs aggravants tendent à rendre ces chutes de neige encore plus exceptionnelles. Le premier, c’est la largeur de la Mer du Japon qui engendre un temps de résidence plus long de la masse d’air arctique au-dessus de l’eau comparé à ce qui peut se produire sur les Grands Lacs en Amérique du Nord. Ce « fetch » conséquent donne aux averses plus de temps pour se développer au-dessus de l’eau avant d’atteindre les côtes. Le deuxième, c’est le courant d’eau douce de surface en provenance du sud qui navigue dans la Mer du Japon connu sous le nom du « Tsushima warm current ». Ce courant a deux effets principaux sur l’occurrence de ces chutes de neige engendrées par la mer. Le premier, c’est que ce courant chaud et salé empêche une partie de la Mer du Japon de geler en cours d’hiver contrairement à ce qui peut se produire durant certains hivers sur les Grands Lacs d’Amérique du Nord. Une fois que la surface de l’eau est gelée, il n’est plus possible de produire ce type de chutes de neige puisqu’elles naissent à partir de la différence de température entre celle de l’eau et celle de l’air. Le deuxième, c’est que ce courant chaud accentue la différence de température entre la surface de l’eau et celle de l’air arctique située au-dessus. Cela rend l’atmosphère de basses couches plus instable, favorisant des chutes de neige plus intenses et susceptible de durer plus longtemps avec même parfois une composante orageuse. Ensuite, le coup de grâce comme mentionné précédemment, c'est le relief avoisinant les côtes nipponnes qui provoque un soulèvement supplémentaire de la masse d’air et qui contribue à accentuer encore davantage les cumuls de neige.

Fig 4 : schéma conceptuel montrant le profil vertical d'une bande d'averse de "lake-effect ou sea-effect snow". Plus le temps de résidence "fetch" sur le plan d'eau est important, plus les averses convectives auront le temps de se former et de gagner en ampleur avant de déverser leurs chutes de neige sur les côtes. Plus instabilité est prononcée au-dessus de l'eau, plus les cumulus pourront grimper et plus les averses seront conséquentes. La présence d'un relief à proximité des côtes accentueront les précipitations au vent de cette orographie.
Fig 4 : schéma conceptuel montrant le profil vertical d'une bande d'averse de "lake-effect ou sea-effect snow". Plus le temps de résidence "fetch" sur le plan d'eau est important, plus les averses convectives auront le temps de se former et de gagner en ampleur avant de déverser leurs chutes de neige sur les côtes. Plus instabilité est prononcée au-dessus de l'eau, plus les cumulus pourront grimper et plus les averses seront conséquentes. La présence d'un relief à proximité des côtes accentueront les précipitations au vent de cette orographie. (Source : The COMET program, METED/UCAR/NOAA.)
Fig 5 : la présence du courant marin chaud de surface sur la Mer du Japon en provenance du sud nommé le courant Tsushima permet d'accentuer la différence de température entre l'eau et la masse d'air de basses couches lors d'intrusions d'air sibérien au-dessus du plan d'eau. Cela permet d'amplifier les bandes de chutes de neige des "sea-effect snows".
Fig 5 : la présence du courant marin chaud de surface sur la Mer du Japon en provenance du sud nommé le courant Tsushima permet d'accentuer la différence de température entre l'eau et la masse d'air de basses couches lors d'intrusions d'air sibérien au-dessus du plan d'eau. Cela permet d'amplifier les bandes de chutes de neige des "sea-effect snows". (Source : https://www.healthcare.nikon.com/en/well-being/detail04.html)