L’année 2023, la deuxième la plus chaude en Suisse depuis le début des mesures en 1864, a été caractérisée par quelques événements météorologiques marquants. Certains ont même fortement frappé les esprits. Nous en avons relevé dix, en toute subjectivité. Ils sont classés par ordre chronologique.
Le changement d’année 2022/2023 s’est produit dans une extrême douceur. Le 1er janvier 2023 à 0h00, il faisait 18,4 °C à Delémont ou 13,1 °C à La Chaux-de-Fonds.
Sur l’ensemble de la journée du 1er janvier, l’anomalie thermique a été de +9 °C en moyenne nationale. A Delémont, la température moyenne journalière a atteint 18,1 °C, soit 17 °C de plus que la norme 1991-2020. C’est habituellement une température moyenne journalière relevée au mois d’août !
Finalement, la journée du 1er janvier est celle qui a présenté l’anomalie thermique la plus élevée en 2023 en moyenne suisse.
Avec une température maximale de 20,2 °C relevée à Delémont le 1er janvier, un nouveau record de chaleur pour un mois de janvier a été établi, pas seulement pour Delémont, mais pour l’ensemble du Nord des Alpes.
En raison d’une fin d’année 2022 et d’un début d’année 2023 extrêmement doux, le manque de neige a été frappant en moyenne montagne au début du mois de janvier. Par exemple, le 8 janvier 2023, il n’y avait pas de neige au sol à Grächen en Valais (1550 m), à Andermatt dans les Alpes centrales (1440 m) et à Bivio dans les Grisons (1770 m). Un manteau neigeux n’a commencé à se constituer qu’à partir de la deuxième décade du mois de janvier.
La situation ne s’est guère améliorée en février. Les températures douces et le manque de précipitations ont entraîné un manque extrême de neige dans certaines régions de montagne. Plusieurs sites dont les mesures ont débuté il y a environ 60 ans ont enregistré le mois de février le moins enneigé comme à Andermatt, à Grächen en Valais ou à Bosco-Gurin (1486 m) au Tessin.
Sur l’ensemble de l’hiver, à Arosa (1880 m), la hauteur moyenne de neige n'a atteint que 30 cm entre décembre et février. La dernière fois qu'une valeur aussi basse a été enregistrée, c'était au cours de l'hiver 2016/17.
Le 26 février, une forte bise a balayé le Nord des Alpes, déclenchée par un fort courant de nord-est entre un anticyclone centré sur l’Ecosse et une dépression sur le golfe de Gênes. En plusieurs endroits, des vitesses de vent record ont été mesurées pour des situations de bise. Les stations météorologiques de MétéoSuisse ont enregistré les valeurs les plus élevées depuis 1981 avec 103 km/h à Mathod, 101 km/h à St-Prex et 99 km/h à Genève-Cointrin.
Pour Genève-Cointrin, il s’agit de la plus forte de bise depuis le début des mesures automatiques en 1981, devant les 95 km/h du 14 novembre 2004. La période de retour de rafales de l'ordre de 100 km/h à Genève est de l’ordre de 15 à 25 ans.
Le 31 mars, une dépression tempétueuse nommée Mathis s'est déplacée de l'Angleterre vers la mer du Nord. La Suisse s'est retrouvée sous le flanc sud de cette dépression, là où les vents sont les plus forts. Le point culminant de la tempête a été atteint dans l'après-midi. Des rafales de 70 à 100 km/h, voire localement de 110 à 120 km/h, ont été enregistrées en plaine. Dans le cadre d'un orage, Koppigen (BE) a même enregistré 136 km/h en soirée, ce qui peut être qualifié d'exceptionnel. En effet, le record précédent de 119 km/h, établi le 23 juin 2022, a ainsi été largement battu.
Cette tempête est à l’origine du déraillement de deux trains circulant sur des lignes à voie étroite dans le canton de Berne, blessant 15 personnes.
C’est probablement l’événement météorologique qui a le plus frappé les esprits en 2023, notamment en Suisse romande.
Le 24 juillet vers 11h15, le ciel s’est soudainement assombri entre Le Locle et La Chaux-de-Fonds et les éléments se sont rapidement déchaînés avec une pluie battante et surtout de très fortes bourrasques de vent, sans doute accompagnées d’une tornade. L’anémomètre à l’aérodrome des Eplatures a mesuré une rafale à 219 km/h. Cette tempête aussi violente que brève a provoqué d’énormes dégâts et on a malheureusement déploré la mort d’une personne et d’une quarantaine de blessés.
MétéoSuisse est en train de rédiger un rapport complet concernant cet événement extraordinaire. Il sera disponible dans quelques semaines sur notre site internet dans la rubrique Publications scientifiques.
Quelques heures après La Chaux-de-Fonds, un orage de grêle a lourdement frappé la plaine valaisanne d’Evionnaz à Bramois. L’événement a été peu relayé, aussi bien par MétéoSuisse que par les médias nationaux, car les yeux ont été rivés sur La Chaux-de-Fonds. Le coteau viticole a été concerné jusqu’à la commune d’Ayent. Des dégâts d’intensité variable ont été constatés en fonction des régions et des cultures. Pour le secteur des fruits et légumes, les dégâts ont été significatifs. Les grêlons ont pu atteindre une taille jusqu’à 4 cm de diamètre.
Du 18 au 25 août, une canicule intense s’est abattue au-dessus de la Suisse, suite à l'établissement d'un dôme de chaleur. La Suisse n'avait jamais connu une période de chaleur aussi longue et intense à cette époque de l'année, que ce soit au Nord ou au Sud des Alpes. La chaleur a atteint son paroxysme le 24 août. De nouveaux records de chaleur pour un mois d’août ont été établis sur 20 sites disposant de longues séries de mesures. Pour 6 stations, des records absolus de chaleur ont été battus aussi bien en plaine qu’en montagne : 38,5 °C à Nyon / Changins, 38,2 °C à Payerne, 37,6 °C à Sion, 33,5 °C à Disentis, 31,5 °C à Montana et 21,8 °C au col du Grand-Saint-Bernard.
C’est à Genève qu’il a fait le plus chaud en Suisse avec une température de 39,3 °C. Il s'agit de la température la plus élevée jamais enregistrée au Nord des Alpes et en Valais au cours d'un mois d'août. En revanche, il avait fait légèrement plus chaud à Genève le 7 juillet 2015 avec 39,7 °C. Le record suisse reste détenu par Grono (GR) au Sud des Alpes avec 40,5 °C le 11 août 2003.
Dans la nuit du 20 au 21 août 2023, l'isotherme du zéro degré a atteint l'altitude record de 5298 m au-dessus de la Suisse. Le précédent record de 5184 m, établi le 25 juillet 2022, a été largement dépassé.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2023, l'isotherme du zéro degré a atteint la deuxième valeur la plus élevée jamais enregistrée avec une altitude de 5253 mètres.
La climatologie de la hauteur de l’isotherme du zéro degré a été complètement réécrite, puisque 6 valeurs record ont dorénavant été établies en 2023. Les mesures de l'altitude quotidienne de l'isotherme du zéro degré sont effectuées depuis 1954 à l'aide de ballons météorologiques lancés depuis Payerne.
La date du 25 août 2023 restera certainement longtemps gravée dans la mémoire des habitants de Locarno. La période caniculaire très intense s'est terminée par une série de cellules orageuses, fortes dans les Alpes, particulièrement violentes et dévastatrices dans la région de Locarno. Les grêlons mesurés dans la région de Locarno ont présenté des diamètres compris entre 4 et 7 cm. Des grêlons de plus de 5 cm présentent des périodes de retour d'au moins 30 à 50 ans. L'événement est donc exceptionnel pour la région concernée. Même le parc à instruments du site de MétéoSuisse de Locarno-Monti a été sérieusement endommagé par la grêle.
La violente tempête de grêle a été suivie par 2 journées avec des précipitations intenses. Ce qui n'a pas été dévasté par la glace a ensuite été endommagé par l'eau.
Le violent orage de grêle du 25 août 2023 (en italien)
Du 1er au 12 septembre, la persistance d'un temps anticyclonique et ensoleillé a entraîné des conditions particulièrement chaudes. Du 4 au 12 septembre, de nouveaux records de chaleur pour un mois de septembre ont été établis sur 15 sites. Les records ont été enregistrés dans différentes régions de Suisse, comme le Jura, le Valais, le Plateau, l'Engadine ou au Weissfluhjoch et au Jungfraujoch.
Finalement, la Suisse a connu de loin son mois de septembre le plus chaud depuis le début des mesures en 1864 avec un dépassement de la norme 1991-2020 de 3,8 °C. Le précédent record de septembre datait de 1961 avec un dépassement de la normale de 2,9 °C.
On pourra encore retenir un mois de novembre arrosé où des précipitations marquées, surtout en montagne, combinées avec la fonte de la neige ont engendré une crue centennale de l’Arve à Genève le 15 novembre 2023. Mais il s’agit finalement plus d’un phénomène hydrologique que météorologique, bien qu’il soit très lié.