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Pendant ce temps, les glaciers continuent de fondre

MétéoSuisse-Blog | 02 octobre 2024
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Malgré un enneigement exceptionnel au printemps, les glaciers suisses ont connu un record de fonte lors du mois d’août 2024. Sur l’année, les glaciers ont perdu 2.4 % de leur volume. Cette valeur se situe en dessous des records des deux dernières années, mais dans la partie haute des valeurs depuis 2002, soulignant une érosion continue et en bonne partie inéluctable de nos glaciers.

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Nous vous parlions il y deux semaines de la situation de la banquise, penchons-nous aujourd’hui sur les glaciers alpins à la faveur de la publication du rapport 2024 du réseau des relevés glaciologiques suisse (GLAMOS). Le GLAMOS poursuit un programme continu de surveillance des glaciers suisses avec certaines séries de mesures de plus de 100 ans. En 2024, 20 glaciers en été mesurés.

Un hiver riche en neige …

L’hiver 2024 a connu un enneigement excédentaire par rapport aux dernières années. En effet, comme le montrent les images ci-dessous, le manteau neigeux a été au-dessus de la moyenne dans les régions de moyenne altitude en début d’hiver. Après des événements de fonte importants, les valeurs sont cependant revenues vers la moyenne des dernières décennies durant la saison.

À plus haute altitude, les nombreuses précipitations du mois de mars ont permis à la couche de neige d’atteindre des valeurs élevées, même en regard de la moyenne 1960-1990. Ces importantes quantités de neige ont d’ailleurs contribué aux événements tragiques du début de l’été lorsque de grandes quantités d’eau ont été libérées par la font de la neige au cours d’événements de précipitations abondants.

D’un point de vue des glaciers, ce fort enneigement était plutôt positif. En effet, la neige offre une couche d’isolation thermique aux glaciers et la réflectivité de la neige est plus importante que celle de glaciers eux-mêmes, qui sont plus foncés, et donc plus exposé au réchauffement par rayonnement solaire dès qu’ils ont perdu leur couverture.

… insuffisant pour protéger les glaciers

Cette situation au début de l’été pouvait laisser espérer une année de répit pour les glaciers après deux années de fontes exceptionnelles (en 2022 et 2023, les glaciers ont perdu 10 % de leur masse). Malheureusement, trois éléments sont venus se combiner pour contribuer à une fonte importante en juillet et août :

  • Les températures moyennes de l'air en juillet et en août ont été très élevées, cela a été particulièrement les cas en altitude.
  • Tout au long des mois de juillet et d'août, le temps sec et le rayonnement solaire élevé ont prévalu en montagne, et aucune chute de neige fraîche n'a été enregistrée, contrairement, par exemple, à 2023.
  • En hiver et au printemps 2024, les vents du sud-ouest ont apporté des quantités substantielles de poussière saharienne dans les Alpes. Cette poussière rouge-jaunâtre a d'abord été cachée par des couches de neige supplémentaires, mais s'est accumulée à la surface avec le début de la saison de fonte. La réduction de l'albédo sur une surface de neige sale est substantielle et cet effet a accéléré le taux de font de la neige.

À ce stade, le GLAMOS n’est pas en mesure de quantifier l'effet net de la poussière saharienne sur la perte de masse globale en 2024, mais il estime qu'une augmentation des taux de fonte de 10 à 20 % par rapport aux conditions normales est plausible.

Par conséquent, la fonte de 2024 a finalement été importante, avec une diminution moyenne de 2.4 %, ce qui représente en moyenne une diminution de la hauteur de glace de plus de 1 mètre. Depuis 2000, comme le montre la partie bleutée en fond de l'image ci-dessous, les glaciers suisses ont perdus un tiers de leur masse.

Des changements de frontières

L’une des conséquences pas forcément attendue de la fonte des glaciers est le besoin de redéfinir les frontières. Comme annoncé récemment dans divers médias, la frontière Italo-Suisse a été modifiée. Ce changement est dû à la définition de la frontière comme étant sur la ligne de partage des eaux. Avec les mouvements importants de certains glaciers, leurs crêtes, qui marquent la ligne de partage des eaux et donc la frontière, se déplacent d’année en année.

Une fonte inéluctable

Les perspectives pour les glaciers alpins ne sont pas bonnes. Même en arrêtant le changement climatique maintenant, de nombreuses études montrent que, dû à leur temps de réponse de plusieurs décennies, la majeure partie des glaciers alpins sont condamnés. Ceci est illustré dans l’image ci-dessous montrant l’évolution du volume des glaciers dans les Alpes pour trois scénarios de changement climatiques optimistes  : +1 °C de réchauffement global d’ici à 2100 par rapport à la période 1850-1900, qui est déjà dépassé, +1.5 °C, si les accords de Paris avaient été respectés (2023 a atteint +1.45 °C), et  +2 °C (les scénarios di GIEC les plus pessimistes dépassent les +4 °C pour la fin du siècle).

Comme l’indique le GLAMOS, il est d’ailleurs probable que le pic de fonte des glaciers en termes de valeur absolue ait été dépassé. C’est-à-dire que dû à la récession importante des glaciers ces dernières années, il ne sera simplement plus possible à l'avenir de fondre autant de masse que pendant les années records 2022 et 2023. Sur le long terme, la contribution estivale de la fonte de glaciers va se tarir, avec des conséquences sur la disponibilité en eau.

À l’échelle du globe, il est important de noter qu’une bonne partie des glaciers peuvent encore être préservés en limitant le changement climatique. C’est aussi le cas pour une minorité des glaciers alpins.

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