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Retour sur la situation orageuse de lundi
MétéoSuisse-Blog | 01 juillet 2025

De violents orages ont régionalement touché la Suisse lundi. Ces derniers ont localement provoqué de forts cumuls de pluie en peu de temps avec certaines rivières qui ont été fortement charriées. De fortes rafales et de la grêle ont également été reportées.

Un orage prend de l'ampleur au-dessus de la région d'Eggiwil
Un orage prend de l'ampleur au-dessus de la région d'Eggiwil lundi après-midi 30 juin 2025 (Observations participatives - MétéoSuisse)
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Régime météorologique anticyclonique mais favorable aux orages

On associe souvent les fortes chaleurs avec les orages. Mais les chaleurs caniculaires ne sont pas forcément favorables aux déclenchements orageux puisque ces premières sont souvent liées à la présence de puissantes crêtes de haute pression subtropicales au sein desquelles l’air tant à s’affaisser en altitude et donc à se réchauffer et à s’assécher. C’est ce qui se passe de manière quasi-continue au-dessus du désert du Sahara avec la présence d'une haute pression semi-permanente liée à l’anticyclone des Açores/Bermudes située en moyenne autour de la latitude de 30 °N au-dessus de l’Atlantique subtropical. Le climat y est très chaud mais extrêmement sec.

Fig. 1 : Circulation générale de l'atmosphère avec le positionnement de l'anticyclone subtropical des Açores situé aux alentours de la latitude 30°N
Fig. 1 : Circulation générale de l'atmosphère avec le positionnement de l'anticyclone subtropical des Açores situé aux alentours de la latitude 30°N (Source : dionysos.bretagne.iufm.fr)

Pour que des orages puissent se déclencher dans un tel contexte caniculaire et anticyclonique de haute pression, plusieurs éléments doivent être réunis, notamment :

Suffisamment d’humidité : bien que ces puissantes crêtes de haute pression engendrent un affaissement de l’air en altitude (subsidence en jargon météorologique) et donc un assèchement des couches moyennes, davantage d’humidité est souvent présente au sein de la couche d’air proche du sol. Ceci est le cas lorsque l’évapotranspiration est forte ou lorsqu’un afflux d’air maritime tropical est présent dans les basses couches. Cette hausse d’humidité proche du sol se traduit souvent par une masse d’air perçue comme étant particulièrement lourde où les températures du point de rosée (et donc l’humidité relative) présentent des valeurs élevées. Plus l’humidité relative est forte proche du sol, moins cela nécessitera un soulèvement conséquent pour refroidir l’air à son point de saturation et ainsi former des nuages, voire même des orages si d’autres éléments sont également présents.

Fig. 2 : les températures du point de rosée étaient particulièrement élevés ce lundi 30 juin 2025 dans les basses couches de l'atmosphère.
Fig. 2 : les températures du point de rosée étaient particulièrement élevés ce lundi 30 juin 2025 dans les basses couches de l'atmosphère. (Source : MétéoSuisse)

Du soulèvement forcé : puisque les crêtes de haute pression tendent à engendrer un affaissement de l’air, pour que des orages puissent se former dans un tel contexte, un élément de forçage vers le haut doit agir afin de compenser cette subsidence. Ce forçage peut être induit de plusieurs manières. Il peut survenir suite à un réchauffement intense du sol engendrant des thermiques. Il peut également se mettre en place suite à une convergence des vents proche du sol favorisée par des brises le long du relief ou apparaître le long de lignes de convergence d’humidité. En altitude, il peut aussi survenir suite à un soulèvement en masse de l’air, aussi faible soit-il.

Fig. 3 : modèle conceptuel montrant le soulèvement engendré par un réchauffement intense du sol, par la convergence de brises le long des pentes et par de la présence d'une petite dépression thermique en altitude malgré la présence générale d'un affaissement de la masse d'air lié au régime de haute pression.
Fig. 3 : modèle conceptuel montrant le soulèvement engendré par un réchauffement intense du sol, par la convergence de brises le long des pentes et par de la présence d'une petite dépression thermique en altitude malgré la présence de l'affaissement générale de la masse d'air lié au régime de haute pression. (Source : ChatGPT, OpenAI)

De l’instabilité au sein de la masse d’air : lorsqu’une masse d’air est potentiellement instable dans un contexte anticyclonique, cela peut favoriser des orages si le soulèvement mentionné au point précédant est suffisamment marqué pour hisser les parcelles d’air jusqu’à leur altitude de flottabilité. En jargon météorologique, on appel cela le niveau de convection libre, l’altitude au-dessus de laquelle les parcelles d’air continueront de monter de leur propre gré sans forçage supplémentaire.

Conditions présentes hier lundi au-dessus de la Suisse

Les orages «anticycloniques » d’hier en Suisse ont été favorisés par la conjonction des 3 ingrédients mentionnés plus haut :

  • Une humidité conséquente présente dans les basses couches (points de rosée entre 15 et 20 °C entre le sol et 1500 m d’altitude).
  • Une forte instabilité présente dans la masse d’air (énergie potentielle convective disponible aux orages (CAPE) entre 1500 et 2000 J/kg).
  • Un soulèvement proche du sol induit par le réchauffement intense du sol et par la convergence des brises le long du relief alpin et jurassien.

Et enfin, par le passage subtil d’une petite dépression thermique en altitude permettant à la fois d’accroître l’instabilité de la masse d’air, d’humidifier les couches moyennes et de faire baisser l’altitude à partir de laquelle les cumulus pouvaient continuer de monter de leur propre gré sans forçage supplémentaire (baisse de l’altitude du niveau de convection libre).

Un orage pittoresque évolue au-dessus du Plateau alémanique dans la région de Bellikon hier lundi 30 juin 2025
Un orage pittoresque évolue au-dessus du Plateau alémanique dans la région de Bellikon hier lundi 30 juin 2025 (Source : Observations participatives - MétéoSuisse)

Impacts orageux localement importants

Avec ces ingrédients en place mentionnés plus haut, des orages localement forts ont éclaté lundi à partir des reliefs alpins et jurassiens et se sont régionalement propagés aux régions de plaine. Typiquement lors de ces situations peu dynamiques mais très instables, une fois qu’on allume la mèche à quelque part sur la flaque d’huile, le feu peut se propager rapidement à d’autres endroits où le soulèvement permet d’atteindre l'altitude de flottabilité (le niveau de convection libre). Puisque les orages eux-mêmes produisent des courants descendants (de densité), ces derniers peuvent rentrer en collision et produire le soulèvement nécessaire pour de nouvelles cellules orageuses à l’endroit où ils se rencontrent ou lorsque ces courants de densité convergent vers un relief avoisinant.

Orage sévissant en région de Palézieux et se déplaçant en direction de Châtel-Saint-Denis hier lundi 30 juin 2025.
Orage sévissant en région de Palézieux et se déplaçant en direction de Châtel-Saint-Denis hier lundi 30 juin 2025. (Source : Roundshot.com)

Les impacts principaux induits par ces orages peu mobiles sont souvent de l’ordre pluviométrique puisque ces orages ont tendance à affecter les mêmes régions durant un lapse de temps prolongé. Ce fut le cas hier avec des cumuls sur des périodes d'une à trois heures totalisant localement 25 à 45 mm (32 mm à la Lenk, 36,9 mm à Turtmann, 25,5 mm à Bex, 30,8 mm à Pully ou encore 45, 1 mm à Corcelles-sur-Chavornay).

La rivière Kander fortement chariée vers Frutigen hier lundi 30 juin 2025 suite aux orages ayant sévit dans les Préalpes bernoises.
La rivière Kander fortement chariée vers Frutigen hier lundi 30 juin 2025 suite aux orages ayant sévit dans les Préalpes bernoises. (Source : Observations participatives - MétéoSuisse)

Compte tenu de la forte instabilité de la masse d’air, ces orages peu mobiles de type « pulse storms » peuvent également produire des grêlons conséquents et de fortes rafales de vent pendant les courtes périodes durant lesquelles les noyaux orageux s’écroulent au sol. Ce processus se produit lorsque le courant ascendant ne peut plus soutenir la masse importante de précipitations au sein de l’orage et que celle-ci s’écroule d’un coup, pouvant engendrer ce qu’on appelle une microrafale humide. Il s'agit d'unesorte de bourrasque pluvieuse particulièrement intense mais de courte durée et parfois accompagnée de grêle. Hier lundi, nous avons enregistré localement de fortes rafales sous l’écroulement de ces colonnes de précipitations dans les courants descendants avec 78 km/h au Bouveret, 71 km/h à St. Prex ou encore 90 km/ à Oron. Quant à la grêle, des grêlons de l’ordre de 4 cm de diamètre ont été observés en région de Bossonnens, de Palézieux et d’Orbe. Nos algorithmes radar ont détecté des secteurs avec des grêlons probablement de plus de 5 cm de diamètre.

Tendance orageuse ces prochains jours

La tendance orageuse diurne restera présente ce mardi et mercredi mais devrait s’exprimer de manière plus un peu plus discrète, car le petit talweg thermique d’altitude tend à s'évacuer. Cela rendra un peu plus difficile le démarrage des orages avec un niveau de flottabilité qui ne sera pas aussi facilement atteint ou qui aura plus de peine à faire déborder les orages en région de plaine. Néanmoins, ils seront présents de manière éparse en fin d’après-midi et en soirée, principalement en montagne, sans toutefois pouvoir exclure des débordements localisés en plaine.

Jeudi, l’activité orageuse pourrait prendre de l’ampleur surtout sur le nord du pays à l’approche d’un front froid mais l’incertitude concernant le phasage dynamique et temporel lié à cette situation nécessitera une analyse plus approfondie ces prochains jours. Le passage du front froid vendredi, suivi d’un deuxième front dimanche associé à un couloir dépressionnaire, permettra aux températures d’amorcer une descente plus que bienvenue. Cet air moins chaud devrait se maintenir jusqu’au jeudi 10 juillet au moins.