Pendant ce temps, l’optimisme des alpinistes commence finalement à décliner. « Nous tentons de nous donner du courage en nous disant une fois de plus que demain, vendredi, il fera beau. Mais nous n'en sommes plus très convaincus. Dans mon for intérieur, j’en suis déjà à réfléchir à la méthode la plus sûre pour redescendre par l’itinéraire que nous avons pris à la montée : pour moi, le sommet du Pilier est désormais inaccessible », écrit Bonatti. Et en effet, il n’y aura pas d’amélioration vendredi : comme on le voit ci-dessous avec la carte de réanalyse à 300 hPa, un courant d’ouest-nord-ouest toujours vigoureux se maintient de l’Atlantique à la France, promettant d’amener encore beaucoup d’humidité sur les massifs des Alpes occidentales.
Déjà jeudi 13 au soir et la nuit suivante, emmenée par ce fort courant d’ouest, c’est un front chaud qui aborde les Alpes, amenant une nouvelle vague de précipitations. C’est seulement vendredi 14 au matin, après 60 heures dans la tempête qui se poursuit, que nos sept alpinistes se décident à battre en retraite.
Météorologiquement, la suite de l’histoire est simple : un courant d’ouest se maintient sur les Alpes, avec des perturbations modérées qui se succèderont jusqu’au mercredi 19 juillet inclus !
Du point de vue de l’alpinisme en revanche, le drame ne fait que commencer : la descente, très complexe et toujours dans la tempête, achève d’épuiser les corps et les esprits. Une nuit dans une crevasse vendredi soir (« Au cours de la nuit soixante nouveaux centimètres de neige sont tombés, et cela continue »), un des compagnons qui meurt d’épuisement le samedi matin, un autre qui perd la raison, une séparation du groupe samedi soir, puis une descente dans la nuit jusqu’au refuge. La tragédie se conclut dimanche matin avec l’aide des équipes de secours. Sur les sept alpinistes, il n’y a que trois survivants.
Pendant cette même période, trois alpinistes disparaissent également au Galenstock dans le mauvais temps. Lundi 17 au matin, les colonnes de recherches dans ce secteur font encore état d’une épaisseur d’environ un mètre de neige fraîche !