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Cyclogenèse explosive et « sting-jet »

MétéoSuisse-Blog | 24 janvier 2025

Si l’important creusement d’une dépression comme la tempête « Éowyn » conduit à des vents tempétueux, d’autres mécanismes sont en jeux pour générer des rafales extrêmes. L'émergence d'un « courant-jet d’occlusion » (sting-jet) dans la zone sèche à l’arrière du front froid, en déstabilisant, mais aussi en refroidissant l'atmosphère par évaporation, contribue à la formation de violentes rafales (150 à 200 km/h).

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Une énigme

Par le passé lors des cyclogenèses explosives, essentiellement hivernales, des zones géographiques relativement restreintes ont été touchées par des rafales extrêmes (150 à 210 km/h), alors que les valeurs rafales dans les régions avoisinantes, bien que tempétueuses, sont restées plus modestes.

L’analyse du gradient de pression, la prise en compte des tendances isallobariques, ou les effets liés aux changements brusques de masse d’air au passage du front froid ne permettaient pas d’expliquer à eux seuls ces rafales extrêmes.

Un premier indice, une structure nuageuse en « crochet »

C’est l’analyse combinée des images satellites et des relevés de rafales qui a permis de manière empirique d’associer ces pointes de vents à une structure nuageuse en « crochet » située juste derrière le front froid. Par ailleurs, dans le secteur de ce « crochet », les images satellitaires de vapeur d’eau ont montré de manière concomitante une intrusion d’air sec provenant de la haute-troposphère, voire même de la stratosphère.

C’est l’analyse de tempête « the Great Storm » du 15 et 16 octobre 1987, qui est un des premiers cas documentés et qui a ouvert la voie au concept de « sting-jet ».

Une première définition simple : le "sting jet"  est un courant d’air descendant très rapide qui se forme dans certaines dépressions intenses. Il s’agit d’une bande étroite de vents extrêmement forts qui descend des couches moyennes de l’atmosphère jusqu’au sol, provoquant des rafales exceptionnelles.

Les principales caractéristiques d’un sting-jet sont :

• Sa courte durée (quelques heures),

• Sa localisation très restreinte (quelques dizaines de kilomètres de largeur),

• Ses rafales de vent pouvant dépasser 150 à 200 km/h et se situe dans la zone de ciel dégagé le long du couloir en « crochet » visible sur les images satellites.

Plus d’instabilité, un refroidissement par évaporation, la combinaison gagnante :

Au stade marture du cyclone, le «sting jet » émerge dans la région sèche (dry slot) situé à l’arrière du front froid et produit deux effets indépendants.

1) L'air sec et froid vient interagir avec l’air humide, chaud et instable situé dans les couches moyennes de la troposphère. Cet air froid et sec en surplombant l'air chaud augmente l’instabilité.
La convection ainsi exacerbée permet régionalement une baisse de la pression et donc une augmentation du gradient de pression accentuant ainsi les rafales de vents.

2) L'interaction de l’afflux d’air sec (dry slot) avec les zones humides (nuageuses) produit aussi une évaporation à méso-échelle. On peut véritablement parler d’un « refroidissement évaporatif ».

L’air ainsi refroidi par évaporation devient nettement plus dense et plonge tout en s’accélérant vers la surface. Ce phénomène vient donc aussi « booster » régionalement les vents.

Avec ces deux phénomènes 1) + 2) synchronisés, les vents déjà tempétueux associés aux forts gradients de pression se renforcent pour atteindre des valeurs entre 150 et 200 km/h.

Un autre exemple, la tempête Xynthia 28.02.2010

Lors de cette cyclogenèse explosive, un "sting-jet" avait aussi donné des rafales dépassant les 150 km/h sur le littoral vendéen.

Modèle conceptuel montrant les zones possibles de fortes rafales