Avec l'arrivée de conditions progressivement plus estivales, la saison des orages est lancée dans la région alpine. De la même façon qu'il existe plusieurs variétés d'asperges ou de fraises, il existe également différents types d'orages.
Dans ce blog, nous nous intéressons plus spécifiquement aux orages typiques des chaudes journées d'été, les fameux orages dits "de chaleur". Ces orages se développent généralement sur place et restent sur place, raison pour laquelle nous les qualifions de "stationnaires", par opposition à ceux qui se déplacent, parfois sur de longues distances et qui sont qualifiés sans surprise de "mobiles" ou encore de "dynamiques".
Les orages stationnaires naissent d'une configuration propice localement et impactent les conditions météorologiques à l'endroit où ils se sont développés. La situation de ce week-end tombe à point pour illustrer ce concept d'orage stationnaire.
Faisons un rapide point sur la situation météorologique de ce dimanche à l'aide de la carte de la situation générale ci-dessous sur laquelle sont tracées les isobares (lignes d'égale pression atmosphérique, en traitillés noirs) et les fronts (en couleurs). Cette carte, disponible sur notre App ou notre site internet, accompagnée d'un texte descriptif de la situation générale, est un excellent point de départ pour une prévision.
On constate que la Suisse se trouve dans une vaste zone où la pression atmosphérique varie peu qu'on appelle le marais barométrique dans le jargon météorologique. Autrement dit, il n'y a pas ou peu de vent général sur les Alpes, et un ensoleillement plutôt généreux. C'est donc une évolution diurne qui prévaut ce week-end, avec des développements de cumulus sur les reliefs suite à l'échauffement important du sol en cours de journée, comme on peut en observer sur les photos ci-dessous.
Sur ces 2 photos partagées hier samedi via notre App, les cumulus semblent tendre à se développer vers le haut (allure en colonne verticale), mais ils "plafonnent" en altitude au niveau d'une couche plus stable qui les empêche de grandir, dite couche "d'inversion".
Lorsque l'instabilité de l'atmosphère est très marquée, ces cumulus peuvent grandir et se développer de façon importante en altitude pour donner des averses voire des orages.
Fait remarquable encore ce dimanche, ces cumulus se développent verticalement : ils se forment sur place -préférentiellement sur les versants ensoleillés- et disparaissent au même endroit, sans dérive notable. Cette observation nous indique que le vent est très faible en altitude comme au sol. Si développement d'averses ou d'orages il y a, ils seront donc très probablement stationnaires.
Les prévisions de vent confirment l'hypothèse élaborée grâce aux observations de nuages. Sur la carte du vent d'altitude (4000 m) ci-dessous, on constate que sur les Alpes suisses le flux de secteur sud-ouest est lent, avec des vitesses moyennes de l'ordre de 20 km/h. Les vents d'altitude sont donc faibles et n'entraînent pas les nuages qui restent quasiment fixes au-dessus de la zone sur laquelle ils se sont développés.
Pourquoi est-il important de savoir si l'on à affaire à des averses/orages plutôt stationnaires ou mobiles ? C'est parce que les conséquences sur le temps et les dangers associés sont très différents et les comportements à adopter également !
Il est donc bon d'avoir en tête que les orages stationnaires sont généralement :
Tandis que les orages dynamiques sont plutôt :
Conséquence pratique sur le terrain : on peut donc déjà anticiper qu'un cumulus qui bourgeonne et devient massif à proximité de notre position aujourd'hui ne devrait pas nous menacer puisqu'il va rester sur place. En revanche, comme dans toute évolution orageuse, l'emplacement et le timing exacts des foyers orageux ne sont pas prévisibles à l'avance, d'où la nécessité de suivre l'évolution en temps réel via l'observation du ciel et d'autres outils de suivi en temps réel comme l'animation radar qui donne les pluies mesurées.
Cet esthétique timelapse laisse supposer que les cumulus formés sur le Jura, de plus en plus massifs, ne vont pas tarder à lâcher des averses... sur le Jura. Cumulus de la région, averse pour la région! Un juste retour des choses : l'humidité prélevée à la région par la formation du cumulus (par condensation de la vapeur d'eau transportée vers le haut au sein des courant ascendants d'air chaud) est retournée à la région sous forme de précipitation. Un véritable cycle de l'eau à petite échelle, dont les mécanismes physiques sont les mêmes que ceux qui opèrent à l'échelle de la Terre. Joli, non?
Désormais, vous penserez peut-être plus souvent à la météorologie quand vous verrez des asperges, des fraises, ou tout produit de nos régions, pour nos régions. Bon dimanche à toutes et à tous !