L’évacuation de la perturbation hier mardi s’est suivie d’une bascule des vents au nord-ouest, bien visible sur l'animation du géopotentiel (équivalent de la pression en altitude) de la Fig. 1.
Ce pivotement des vents s’est accompagné dès hier soir au Sud, de la mise en place de foehn du nord jusqu’aux basses altitudes du Tessin et du Moesano avec une intensité modérée, favorisant une journée ensoleillée en ce milieu de semaine avec une excellente visibilité.
Les vents étant déterminés par le gradient de pression, on s’intéresse donc à l’évolution de ce gradient entre des points bien précis pour prévoir l’arrivée du foehn et sa force. Comme on peut le voir sur la Fig. 3 ci-dessous, le gradient de pression s'est inversé dans la seconde moitié de la journée d'hier mardi. L'après-midi, le vent du nord s'est limité aux hautes vallées, et ce n'est qu'en soirée qu'il est apparu plus au sud, d'abord à Locarno, puis à Lugano et à Stabio.
Au passage de la crête alpine, le vent de secteur nord-ouest est dévié vers le haut comme schématisé sur la Fig. 4, et dans les conditions actuelles, l’air ondule comme de véritables vagues atmosphériques, hélas invisibles aujourd’hui. En revanche, lorsque l’humidité de l’air en altitude est suffisante, elles peuvent être révélées par les nuages lenticulaires, véritables marqueurs de ces ondulations de l’atmosphère.
Ces ondes intéressent particulièrement le monde de l’aviation, car elles se propagent à très haute altitude et peuvent être ressenties par les avions commerciaux. Mais elles sont particulièrement prisées des pilotes de planeur (appelés aussi les vélivoles), qui, en l’absence de moteur, peuvent tirer profit des zones ascendantes des ondulations qu’on appelle les « ressauts » d’onde. Véritable ascenseur atmosphérique avec des vitesses de montée qui peuvent atteindre les 10 m/s (soit 3 fois la vitesse d’un ascenseur classique), l’onde peut propulser les vélivoles jusqu’à 6 km d’altitude, voire plus si les espaces aériens le permettent !
Grâce à nos modèles à haute résolution qui ont une description fine du relief et qui prévoient le vent à différents niveaux, on peut aujourd’hui anticiper l’emplacement des zones de montée et leur force. Pour ce mercredi par exemple, on peut regarder où l’on aurait des chances de trouver ces ascenseurs atmosphériques avec les vitesses verticales prévues par notre modèle de prédilection à 700 hPa soit environ 3000 m d’altitude : l’échelle étant en Pa/10s, les zones ascendantes sont celles en bleu (baisse de pression donc montée de l’air) tandis que les zones descendantes sont en rouge (gain de pression donc descente de l’air). Le signal donne des bandes de couleur dans les vallées, assez longues et parallèles aux crêtes principales du sud des Alpes françaises au sud des Alpes autrichiennes. Le terrain de jeu est vaste !
A la vue de cette configuration météorologique idéale pour générer des ondes orographiques, de nombreux pilotes de planeur ont décollé tôt ce matin au Tessin, au nord de l’Italie et également dans les Alpes françaises. A défaut de pouvoir les admirer depuis le sol car ils volent à haute altitude (entre 3 et 6 km), on peut suivre leur évolution dans le ciel grâce à des sites gratuits comme GlideAndSeek, dont est extraite la capture d’écran ci-dessous.
A l’heure à laquelle la rédactrice de ce blog écrit ces lignes, certains ont déjà parcouru plusieurs centaines de kilomètres, exclusivement à l’énergie atmosphérique ! Remarquez sur la Fig. 7 ci-dessous la longueur de la trace rouge parcourue par un pilote qui a décollé de Grenoble ce matin et qui vers midi a déjà passé la frontière autrichienne. Et la journée n’est pas terminée, ce qui augure de belles performances ce soir…