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Un hiver pauvre en neige
MétéoSuisse-Blog | 24 avril 2025

Alors que les chutes de neige de la semaine passée ont marqué les esprits, nous proposons aujourd’hui un bilan intermédiaire de l’enneigement hivernal. Malgré les chutes de neige récentes, l’enneigement reste largement déficitaire.

Vue de massif de l'Alpstein.
Vue de massif de l'Alpstein. (Observations App MétéoSuisse)
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Une neige vite arrivée et vite fondue

Lors des événements de la semaine passée, des quantités de neige très importantes se sont abattues sur les Alpes valaisannes. Les chutes de neige ont également touché les Alpes bernoises ainsi que des régions à basse altitude dans la plaine du Rhône et l’Oberland bernois. Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, 80 centimètres de neige fraîche ont été mesurés à Zermatt. Cependant, ils ont très rapidement fondu. De manière globale, en dessous de 1800 m, il ne reste plus beaucoup de traces des événements de la semaine passée.

Évolution de la hauteur de neige mesurée à Zermatt depuis octobre 2024 (rouge), montrant le déficit de cette saison et l'événement de la semaine passé qui a déjà fondu.
Évolution de la hauteur de neige mesurée à Zermatt depuis octobre 2024 (rouge). La ligne grise représente la médiane sur les hivers 1991-2020, la partie gris foncé la plage de valeurs atteinte 66 % des années sur cette période, la partie gris clair la plage atteinte 95% des années, et la ligne grise en traitillés le maximum historique sur l’entièreté des mesures disponibles (1959 ici). (MétéoSuisse/SLF)

Un faible enneigement battant des records

Hormis dans les régions les plus touchées la semaine passée, les hauteurs de neige sont largement en dessous des normes. En dessous de 1500 m, la neige a pratiquement disparu. À Châteaux-d’Oex, par exemple, il n’y a plus de neige de manière continue depuis début février, un mois et demi en avance par rapport à la climatologie des 30 dernières années.

À Davos et à Montana, la neige a disparu plus de deux semaines avant la moyenne des 30 dernières années (elle a refait une brève apparition à Montana la semaine passée). Pour de nombreuses stations de mesures en altitude, les hauteurs de neige mesurées depuis le mois de mars sont extremement basses. C’est le cas par exemple des stations du Säntis et du Weissfluhjoch, où la hauteur de neige actuelle correspond uniquement à la moitié de la médiane de la période 1991-2020. D’après le SLF, le faible enneigement avant les événements de la semaine passée a permis que le danger d'avalanche pour le week-end de Pâques soit un peu plus faible que prévu normalement avec de telles quantités de neige fraîche.

En guise de résumé, vous pouvez voir sur l’image ci-dessous l’évolution du manteau neigeux sur toute la Suisse depuis octobre 2024 pour quatre tranches d’altitude différentes et la comparaison avec la climatologie. À toutes les altitudes, les hauteurs de neige sont proches des minimas des 30 dernières années. Pour la tranche entre 2200 m et 3000 m, on voit une augmentation suite aux événements de la semaine passée, mais on est déjà retombé en dessous des normes. Entre 1500 m et 2200 m d’altitude, il manque 33 % de la norme 1962-1990 et 50 % de la norme 1991-2020.

Évolution de la hauteur de neige modélisée sur toute la Suisse entre le premier octobre et le premier juillet pour quatre tranches d’altitude différentes. On y voit le déficit de cette saison et l'événement de la semaine passée.
Évolution de la hauteur de neige modélisée sur toute la Suisse entre le premier octobre et le premier juillet pour quatre tranches d’altitude différentes. Année 2025 (en noir), médiane de la période 1962-1990 (en bleu) et médiane de la période 1991-2020 (en rouge). Les traitillés représentent le percentile 5 %, correspondant à environ la valeur minimum atteinte une fois tous les 20 ans. Les données des deux périodes climatologiques sont moyennées sur deux semaines. (MétéoSuisse/SLF)

Causes du faible enneigement

La principale cause de la faiblesse de l’enneigement actuel est le manque de précipitation des derniers mois. Jusqu’à fin janvier, les précipitations ont globalement été proches des normes, voire au-dessus en janvier. Un événement important de précipitations avant Noël avait même entraîné un enneigement exceptionnel durant les Fêtes, que l’on retrouve sur les graphiques ci-dessus. Durant les mois de février et mars, les précipitations ont en revanche été largement déficitaires sur tout le territoire, hormis en mars au Tessin. En haute montagne, alors que la hauteur de neige est normalement encore en train d’augmenter durant ces mois, elle a cette année stagné. Les précipitations de la semaine passée, bien qu’intenses et exceptionnelles, ont été assez localisées à l’échelle de la Suisse.

À plus basse altitude, le manque de précipitations a été exacerbé par des températures élevées. En effet, la période d’octobre 2024 à mars 2025 a été la 5e plus chaude depuis 1864 en Suisse. Les températures ont été 1,4 °C au-dessus de la norme 1991-2020, et 2,3 °C au-dessus de la norme 1961-1990. Avril est également pour l’instant un mois chaud. De plus, l’ensoleillement a été très généreux en février sur l’est de la Suisse et en mars sur le Valais, favorisant la fonte à basse et moyenne altitude là où les températures ont été positives.

Anomalies des températures en Suisse sur la période octobre-mars depuis 1864, par rapport à la période 1991-2020.
Anomalies des températures en Suisse sur la période octobre-mars depuis 1864, par rapport à la période 1991-2020. (MétéoSuisse)

Hauteur de neige et équivalent en eau

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé de la hauteur de neige. Avant de parler des impacts, il faut faire une distinction importante. Pour l’hydrologie par exemple, on s’intéresse à une quantité appelée “l’équivalent en eau de la neige”, qui indique en millimètres la quantité d’eau que représente le manteau neigeux. En effet, pour une hauteur de neige donnée, la quantité d’eau que cela représente, ou de manière équivalente la masse du manteau neigeux, dépend de la densité de la neige. Au printemps, la majorité du manteau neigeux est plutôt dense. Les précipitations de la semaine passée ont apporté de la neige fraîche, beaucoup moins dense. Si on regarde l’anomalie de hauteur de neige, dans certaines régions, on s’est rapproché de la norme suite à ces précipitations, voire elle a été dépassée. Cependant, cela n’a pas comblé le manque en équivalent en eau, car on a de la neige moins dense que ce que l’on a normalement à cette saison. Cette neige est en train de rapidement se densifier, comme on peut le voir sur les images de hauteur de neige montrées plus haut dans ce blog. L’anomalie en hauteur de neige va donc lentement tendre vers l’anomalie en équivalent en eau.

La figure ci-dessous montre l’équivalent en eau du manteau neigeux actuel, comparé aux moyennes des périodes 1962-1990 et 1991-2020. Les chiffres donnés en millimètre nous disent à quelle quantité de précipitations sur l’ensemble de la Suisse correspondrait le manteau neigeux si on le faisait fondre.

Évolution de l'équivalent en eau du manteau neigeux modélisé moyenné sur toute la Suisse entre le 1er octobre et le 1er juillet. Année 2025 (en noir), médiane de la période 1962-1990 (en bleu) et médiane de la période 1991-2020 (en rouge). Les traitillés représentent le percentile 5 %, correspondant à environ la valeur minimum atteinte une fois tous les 20 ans. Les données des deux périodes climatologiques sont moyennées sur deux semaines.
Évolution de l'équivalent en eau du manteau neigeux modélisé moyenné sur toute la Suisse entre le 1er octobre et le 1er juillet. Année 2025 (en noir), médiane de la période 1962-1990 (en bleu) et médiane de la période 1991-2020 (en rouge). Les traitillés représentent le percentile 5 %, correspondant à environ la valeur minimum atteinte une fois tous les 20 ans. Les données des deux périodes climatologiques sont moyennées sur deux semaines. (MétéoSuisse/SLF)

Malgré les chutes de neige récentes, un équivalent en eau si bas n’a jamais été constaté sur la période 1962-1990, l’année se rapprochant le plus étant 1976. Sur la période 1990-2020, à seulement 4 reprises un équivalent en eau total de neige plus bas était présente pour un 23 avril. L’enneigement de cette année fait donc définitivement partie des années pauvres en neige.

Si l’on compare à la période 1991-2020, le manque d’eau induit par ce manque de neige représente 60 mm de pluie sur toute la Suisse, ce qui correspond à, en moyenne, la quantité de précipitations enregistrées en deux semaines et demie en Suisse. Par rapport à la période 1962-1990, ce déficit monte à l’équivalent des précipitations moyennes 5 semaines.

Conséquences

Ce déficit d’enneigement pourrait avoir des conséquences hydrologiques pour la fin du printemps et le début de l’été s’il n’est pas compensé par un excès de précipitation. En effet, la fonte du manteau neigeux de haute altitude est une source d’eau importante à cette période. Le manque de neige pourrait donc aggraver les conséquences d’une période sèche si elle devait se produire. Comme on peut le voir sur l’image ci-dessous, le niveau du Rhin est déjà historiquement bas pour la saison et le manque de neige à fondre, encore plus marqué dans le bassin versant du Rhin que dans celui du Rhône, ne va pas améliorer la situation. Notons que la neige contribue à garder la température de l’air plus fraîche. Dans les régions où le manteau neigeux a disparu de manière précoce, cela contribuera à pousser vers le haut les températures moyennes.

Débit du Rhin à Rekingen, à la frontière entre l’Argovie et l’Allemagne, comparé à la période 1991-2020 et à l’année 2024.
Débit du Rhin à Rekingen, à la frontière entre l’Argovie et l’Allemagne, comparé à la période 1991-2020 et à l’année 2024. (OFEV)

Pour aller plus loin

Pour des détails sur les événements d’avalanches de l’hiver écoulé, vous pouvez vous référer au rapport du SLF disponible ici.