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Sur les traces de l'isothermie en Valais et dans l'Oberland bernois
MétéoSuisse-Blog | 20 avril 2025

Les 16 et 17 avril, des cumuls de précipitations exceptionnels et d'importantes chutes de neige ont été enregistrés dans certaines régions du Valais et de l'Oberland bernois. Nous revenons plus en détail sur cet événement et examinons l'effet du phénomène d'isothermie.

Fortes chutes de neige à Arbaz le matin du 17 avril.
Fortes chutes de neige à Arbaz (VS) le matin du 17 avril. (Source : "Observations Météo" / App MétéoSuisse)
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Jeudi matin, le Haut-Valais s'est retrouvé enseveli par la neige. En Valais central également, il neige abondamment depuis la deuxième moitié de la nuit, et même à Meiringen et Interlaken, la limite des chutes de neige est descendue jusqu'au fond de la vallée. En l'espace de six heures environ, la limite des chutes de neige s'est abaissée de plus de 1500 m.

Évolution synoptique – Sirocco et "Gegenstrom"

Revenons tout d'abord sur la situation météorologique qui régnait en Suisse ces derniers jours. Le 15 avril, la région alpine se trouvait sous l'influence d'un courant d'altitude venant du sud, à l'avant d'une zone de basse pression. Le foehn soufflait dans les Alpes et les premières faibles précipitations tombaient déjà sur le versant sud des Alpes. Par la suite, la dépression d'altitude s'est déplacée vers la France et la dépression « Hans » s'est formée. Le mercredi 16 avril, « Hans » s'est progressivement déplacé au Sud des Alpes. D'une part, un jet de basse couche puissant (sirocco) s'est formé et a transporté de l'air extrêmement humide de la Méditerranée vers le Sud des Alpes. D'autre part, un front froid a atteint le Nord des Alpes depuis l'ouest, créant temporairement une situation de contre-courant dans l'Oberland bernois. Le terme allemand "Gegenstrom" est souvent utilisé pour désigner les situations où le vent à basse altitude souffle du nord-est alors que plus haut, il est de secteur sud. Les précipitations ont alors touché, sous l'influence du courant sud-est, le Piémont et la vallée d'Aoste du côté italien, et surtout l'ouest du Tessin, le sud-est du Valais et les régions limitrophes de la crête septentrionale des Alpes, en particulier l'Oberland bernois, du côté suisse. Jusqu'au soir du 17 avril, « Hans » a transporté de l'air humide vers le versant sud des Alpes, puis, en raison d'un léger déplacement vers le sud de la dépression, le courant s'est orienté à l'est dans une deuxième phase. Le sud du Valais a ainsi été encore plus touché par les précipitations. Au cours de la journée de jeudi, le fort courant sud-est à est s'est affaibli. Les précipitations ont diminué et la limite des chutes de neige est remontée.

Image satellite (Airmass RGB). composite radar (Opera) et géopotentiel à 500 hPa du 16 avril 2025 à 12 UTC au 17 avril 2025 à 12 UTC.
Figure 1. Image satellite (Airmass RGB). composite radar (Opera) et géopotentiel à 500 hPa du 16 avril 2025 à 12 UTC au 17 avril 2025 à 12 UTC. (Source : MeteoSuisse/Eumetsat/Eumetnet/ECMWF.)
Carte d'analyse du 17 avril 2025.
Figure 2. Carte d'analyse du 17 avril 2025. (Source : MétéoSuisse)

Jusqu'à mercredi soir, plus de 200 mm de précipitations sont tombés en 48 heures du côté suisse, et plus de 100 mm dans le Haut-Valais, l'ouest du Tessin et certaines parties de l'Oberland bernois. Le Piémont et la vallée d'Aoste en Italie ont été particulièrement touchés. C'est au pied des Alpes méridionales que les précipitations ont été les plus importantes, avec jusqu'à 500 mm en 48 heures.

Records de précipitations et de neige fraîche

Ces conditions météorologiques exceptionnelles ont donné lieu à plusieurs nouveaux records de précipitations et de neige fraîche. Ce sujet a déjà été abordé dans le blog du 17 avril. Les figures 5 et 6 présentent un résumé des nouveaux records absolus de précipitations sur 24 heures et des nouveaux records de neige fraîche en 24 heures pour le mois d'avril.

Le SLF a également annoncé des nouveaux records de neige fraîche tombés en 24 heures à Bourg-St-Pierre (82 cm) et un record égalé à Verbier (75 cm). Pour en savoir plus, consultez le blog du SLF consacré à cet événement exceptionnel.

Phénomène d'isothermie

Outre l'air froid qui s'est infiltré au Nord des Alpes, le phénomène d'isothermie a contribué à faire baisser considérablement la limite des chutes de neige. Mercredi matin, Sion, Viège, Meiringen et d'autres localités ont été particulièrement touchées par des chutes de neige parfois abondantes. Lors de fortes précipitations persistentes, l'air ambiant est refroidi par la fonte des flocons de neige. En effet, la fusion est un processus qui soutire de la chaleur à l'air ambiant. Les milliards de flocons qui franchissent simultanément l'isotherme du zéro degré poussent lentement celui-ci vers le bas. En plus, ces milliards de flocons possèdent une température propre. Ceux-ci tombent en venant de régions d'altitude plus froides. Ils sont donc presque systématiquement plus froids que les couches d'air qu'ils traversent en tombant. Ce faisant, ils refroidissent par contact l'air ambiant. Dans des cas extrêmes, la limite des chutes de neige peut ainsi descendre jusqu'au fond de la vallée. Pour que cet effet se produise, il faut non seulement des précipitations persistantes, mais aussi des vents faibles afin de minimiser le brassage de la masse d'air. Cet effet est beaucoup plus important dans une vallée que sur le Plateau, car il faut moins refroidir l'air ambiant pour abaisser la limite des chutes de neige.


Cet effet d'isothermie peut être illustré de manière impressionnante par l'exemple de Viège mercredi soir. Jusqu'à 15 heures UTC, le foehn soufflait encore à Viège et la température était d'environ 10 °C. À ce moment-là, il pleuvait déjà. Par la suite, le vent a tourné vers l'ouest et sa vitesse a diminué, l'isothermie a commencé à se faire sentir (figure 7). Vers 20 heures UTC, la limite des chutes de neige était descendue de 2000 m jusqu'au fond de la vallée (température psychrométrique inférieure à 1,2 °C, figure 8), soit une différence d'environ 1500 m. Au cours de cette période, 30 mm de précipitations sont tombés. Une comparaison avec la théorie montre que dans des conditions favorables à l'isothermie, on peut s'attendre à une baisse de la limite des chutes de neige de presque 1500 m pour un cumul de précipitations de 30 mm (figure 9).

Les prévisions météorologiques avaient estimé très probable que l'isothermie entraîne des chutes de neige dans les vallées alpines. L'incertitude résidait dans le moment où la limite des chutes de neige commencerait à descendre. Comme cela a commencé relativement tôt mercredi soir, une partie des précipitations est tombée sous forme de neige dans les vallées. Si la limite des chutes de neige n'avait baissé que 12 heures plus tard, jeudi matin, une proportion encore plus importante de pluie se serait écoulée dans les cours d'eau du Valais, du Tessin et de l'Oberland bernois.

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