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Climatologie du système solaire : Terre, partie 1

MétéoSuisse-Blog | 01 février 2025

Après deux épisodes consacrés à Mercure et Vénus, penchons-nous aujourd’hui sur le climat de la troisième planète du système solaire, qui n’est autre que la Terre. Comme nous allons le découvrir, le passé climatique de la Terre a été des plus mouvementés. Dans cette première partie, nous présentons d’abord la discipline de la paléoclimatologie, puis le climat de la Terre jusqu’il y a 50 millions d’années. La suite sera abordée lundi.

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Les précédents épisodes de la série

Lors de l’épisode sur Vénus, nous avions discuté des bouleversements passés du climat de cette planète. D’une planète habitable, Vénus est devenue un véritable enfer à la suite d’une augmentation drastique des gaz à effet de serre. Sans atteindre de tels extrêmes, la Terre a aussi connu son lot de bouleversements climatiques.

Dans cette première partie du blog, nous allons présenter, à l’aide de quelques concepts-clés, comment le passé climatique est étudié, et nous nous intéresserons au climat de la Terre entre 2.5 milliards d’années et 50 millions d’années avant notre ère. Dans la deuxième partie de ce blog, nous aborderons les 50 derniers millions d’années. Bien entendu, plus nous nous rapprochons d’aujourd’hui, plus les informations sur le passé climatique sont robustes.

L’étude du passé climatique de la Terre

Contrairement aux autres planètes, nous avons pour la Terre de nombreuses indications concernant son passé climatique presque sous la main. Commençons par une rapide présentation des méthodes utilisées pour reconstruire le passé climatique.

Les indicateurs du passé climatique sont appelés des proxys climatiques. Les plus connues sont probablement les carottes de glaces de l’Antarctique. Elles contiennent des bulles d’air emprisonnées au moment de la formation de la glace, renseignant sur la composition atmosphérique de l’époque. La glace elle-même contient certains composés chimiques (pour être précis, des isotopes d’oxygène) qui permettent de reconstruire les températures moyennes régnant au moment où cette eau s’est évaporée des océans. La plus veille carotte de glace continue nous vient d’un lieu appelé Dome C en Antarctique et couvre 800'000 ans. Un projet en cours espère trouver de la glace vieille de 1.5 million d’années.

Pour aller plus loin dans le passé, on utilise des carottes de sédiments océaniques, qui permettent aussi par leur composition de déduire les températures moyennes ayant prédominé dans le passé, en particulier en utilisant des formes de vie microscopiques, les diatomées, recouvertes d’enveloppes de silicium (exosquelettes) aux formes très reconnaissables. Des exemples sont montrés dans l’image ci-dessous. La géologie est aussi mise à contribution, pour identifier le passé climatique de certaines régions, en mettant par exemple en avant des périodes durant lesquelles certaines régions étaient recouvertes de déserts. Les fossiles, en particulier de végétaux, sont également une source d’information importante.

Pour les périodes plus récentes (depuis environ 10'000 ans), d’autres sources de données peuvent être utilisées : les cernes des arbres (dendrochronologie), les pollens (qui possèdent des formes magnifiques, voir l'image ci-dessous), les coraux ou encore les sédiments lacustres. Pour les périodes encore plus récentes, les historiens sont mis à contribution pour étudier les sources humaines : témoignages d’événement extrêmes, relevés de dates caractéristiques (floraison des arbres, vendanges) ou encore description des récoltes. Que ce soit pour les périodes très éloignées dans le temps ou les périodes plus récentes, des modèles numériques sont également utilisés en plus de tous ces proxys, souvent de concert, afin d’affiner les reconstructions climatiques.

En mettant bout à bout toutes ces informations, il est possible de reconstruire le passé climatique de la Terre.

Les causes des changements passés et les boucles de rétroactions

Le climat de la Terre a été influencé par plusieurs facteurs au cours des derniers milliards d’années. La composition de l’atmosphère, en particulier la concentration de gaz à effet de serre, a varié sous l’effet du volcanisme et de l’apparition de la vie. Les déplacements des continents ont aussi joué un rôle important, causant des changements de circulation atmosphériques et océaniques, et donc des variations du climat. Les variations de l’orbite terrestre autour du Soleil ou de l’axe de rotation de la Terre, qui ont influencé le rayonnement solaire reçu, sont aussi une cause majeure de ces changements climatiques passés.

Une composante importante de ces changements est ce que l’on appelle les boucles de rétroactions. Prenons l’exemple des périodes glaciaires « récentes » (dans le dernier million d’années). Elles sont causées au départ par une diminution de l’énergie solaire reçue en raison d'une variation de l’orbite de la Terre autour du Soleil. Cependant, cette baisse du rayonnement ne permet pas à elle seule d’expliquer l’amplitude du refroidissement de la Terre. Cela s’explique par les boucles de rétroaction :  le rayonnement solaire diminue, la Terre se refroidit, les calottes polaires grandissent, une plus grande partie du rayonnement solaire incident est réfléchi, car les calottes polaires réfléchissent très bien la lumière, donc la Terre se refroidit davantage, etc. jusqu’à atteindre un nouvel état d’équilibre. Une boucle similaire existe pour le dioxyde de carbone : plus les océans sont froids, plus ils peuvent absorber de dioxyde de carbone, plus l’atmosphère se refroidit, plus les océans peuvent absorber de dioxyde de carbone, etc. A noter que dans le cas du réchauffement actuel, c’est le contraire qui se produit.

En résumé, les bouleversements climatiques majeurs que la Terre a connu ont pour cause des éléments qui, à eux seuls, ne peuvent pas expliquer l’ampleur du changement, mais ces causes initient un changement, qui est ensuite amplifié par des boucles de rétroaction.

Une possible « planète boule de neige »

Commençons notre histoire climatique il y a 2.5 milliards d’années, époque à laquelle la vie était déjà bien installée sur la Terre. Entre 2.5 et 2.2 milliards d’années avant notre ère, la Terre a connu une succession de périodes de glaciation sévères. Il est possible que la Terre ait été complétement recouverte de glace durant une période prolongée. L’hypothèse principale pour expliquer ce refroidissement est la « grande oxydation ». Sous l’effet de la vie photosynthétique dans les océans, de grandes quantités d’oxygène ont été libérées dans l’atmosphère. Cet oxygène aurait réagi avec le méthane présent en quantité dans l’atmosphère pour le transformer en gaz carbonique, dont l’effet de serre est moins fort que celui du méthane. Cette diminution de l’effet de serre a eu pour conséquence une nette baisse des températures. Cet événement est d’ailleurs probablement aussi le premier événement d’extinction de masse de la vie sur Terre.

De nombreuses extinctions de masse

Durant les deux milliards d’années suivants, d’autres périodes plus courtes de glaciation totale se sont probablement produites. Les preuves de ces glaciations totales sont ici géologiques : les traces laissées par les énormes masses de glace sur les continents. Entre ces périodes froides de longue durée (on parle ici en dizaines ou centaines de millions d’années), des périodes chaudes, plus chaudes que celles que nous connaissons aujourd’hui, se sont produites. Elles ont probablement été causées par les gaz à effet de serre relâchés par les événements volcaniques. Des variations de l’axe de rotation de la Terre sur elle-même sont une autre hypothèse pour expliquer ces variations.

Ce qui est plus certain, c’est que ces variations climatiques ont contribué à d’autres extinctions de masse jusqu’à la plus connue d’entre elles : celle des dinosaures il y a 66 millions d’années. En effet, l’hypothèse retenue aujourd’hui est celle d’une météorite s’étant écrasée dans le Yucatàn, au Mexique. Cependant, ce n’est pas l’impact qui est directement responsable de l’extinction des dinosaures, c’est le refroidissement induit par la grande quantité de poussières ayant réduit le rayonnement solaire à la surface.

Dans la deuxième partie de ce blog, prévue pour lundi prochain, nous aborderons le climat de la Terre des 50 derniers millions d’années jusqu’à la fin de la dernière période glaciaire.

Le paléoclimat, une spécialité suisse

L’étude du passé climatique s’appelle la paléoclimatologie. Vous ne le savez peut-être pas, mais la Suisse a une longue tradition dans cette discipline. Le physicien Hans Oeschger a fondé en 1963 le département de physique climatique et environnementale de l’Université de Berne. Avec le géophysicien Danois Willi Dansgaard, ils ont montré que des changements climatiques relativement rapides ont eu lieu dans le passé, changements qui s’appellent aujourd’hui les événements de Dansgaard-Oeschger et qui seront présentés dans la deuxième partie de ce blog.

Un centre de recherche de l’Université de Berne s’appelle aujourd’hui le Centre Oeschger pour la Recherche sur le Changement Climatique et continue de mener de nombreux projets de recherche mêlant de nombreuses disciplines autour du passé climatique de la Terre. Pour les étudiant-e-s intéressé-e-s, c’est l’endroit de choix en Suisse pour un Master universitaire dans le domaine du climat.