Éowyn est en train de s’intensifier très rapidement sur l’Atlantique à la faveur d’un puissant jet stream qui soutient son développement. On parle de cyclogénèse explosive pour décrire l’intensification particulièrement rapide d’une dépression, en général un creusement du centre de la dépression de plus de 24 hPa (hectopascal) en 24 h. Le cœur de la dépression Éowyn s’est creusé de 28 hPa ces 12 dernières heures, ce qui remplit largement les critères.
Le développement des dépressions de moyenne latitude est largement guidé par les conditions dans la haute troposphère (c’est-à-dire vers 7 à 12 km d’altitude). En l’occurrence, un puissant jet stream sur l’Atlantique Nord permet l’intensification rapide d’Éowyn. Ce jet stream est visible en rouge sur l’animation de la Figure 2. En comparant les figures 1 et 2, on voit qu’Éowyn se renforce nettement alors qu’il est proche de la branche la plus forte du jet stream.
Cette dépression est également associée à un important transport de vapeur d’eau depuis la mer des Caraïbes. Cette humidité est la principale source des nuages et précipitations associés à Éowyn et peut aussi expliquer en partie son intensification. En effet, le dégagement de chaleur latente lors de la condensation de la vapeur d’eau favorise également l’intensification des dépressions des moyennes latitudes.
Comme on peut le voir sur l’animation de la Figure 1, les zones de rafales les plus fortes (> 130 km/h en violet) sont prévues de passer sur le nord de l’Irlande et de l’Ecosse. Localement des rafales de plus 160 km/h sont attendus aux endroits exposés. Les services météorologiques irlandais et britanniques ont émis des avis rouges (niveau le plus élevé) pour toute l’Irlande et une partie de l’Écosse.
Éowyn pourrait bien figurer parmi les tempêtes les plus marquantes des dernières décennies sur les îles britanniques. On retiendra notamment Ciarán en novembre 2023 (rafales de 167 km/h à Jersey, 207 km/h en Bretagne), Eunice en 2022 (196 km/h, record anglais), le « 1992 New Year’s Day Storm » (>250 km/h sur les îles de Shetland) et pour finir le « Great storm of 1987 » (130 km/h pendant plusieurs heures en Angleterre). La plupart de ces tempêtes présentait un « courant-jet d’occlusion » ou sting jet en anglais, qui sont connus pour leurs rafales dévastatrices. Les sting jets sont typiques des dépressions de type « Shapiro-Keyser » qui ont la particularité d’avoir un cœur chaud. Éowyn présente toutes les caractéristiques de ce type de dépression et il est possible qu’un sting jet s’y développe, ce qui pourrait localement conduire à des rafales encore plus fortes que mentionné plus haut. Les images satellites de ces prochaines heures permettront de déterminer si un sting jet est présent dans la dépression Éowyn.
Les positions 4 à 9 du Vendée Globe se trouvent actuellement à l’avant de la dépression Éowyn, ce qui va avoir une influence sur leur fin de course. Bien que les zones de vent les plus forts soient au nord des îles britanniques, la mer risque d’être passablement agitée avec des rafales de plus de 80 km/h. Nous leur souhaitons une bonne fin de cours, en particulier à la navigatrice suisse Justine Mettraux, actuellement à la 8e position.