Contenu

La circulation générale de l’atmosphère (4ème partie)
MétéoSuisse-Blog | 25 octobre 2024
7 Commentaire(s)

Les deux premiers articles de cette série de 5 consacrés à la circulation générale de l’atmosphère se sont penchés sur des concepts théoriques tels que le moment angulaire ou encore la vorticité (tourbillon) de l’atmosphère. Le 3ème article s’est attardé sur la circulation aux latitudes tropicales et polaires. Cette 4ème partie tentera de décrire les phénomènes à l’œuvre dans la circulation aux latitudes tempérées, générée par les cellules dites de Ferrel.

Image satellite infrarouge du vendredi 25 octobre à 07 UTC. Source : NinJo@MétéoSuisse
Image satellite infrarouge du vendredi 25 octobre à 07 UTC. Source : NinJo@MétéoSuisse
  • Météo

Pied de page

Navigation top bar

Toutes les autorités fédérales

Navigation des services

La circulation des cellules de Ferrel propre aux zones tempérées est particulière à plus d’un titre :

  • Elle se fait dans le sens inverse des deux autres cellules (cellules de Hadley et cellules polaires), avec la zone de subsidence sur son flanc équatorial et la zone d’ascendance sur son flanc polaire :
Schéma de la circulation générale de l’atmosphère. La partie encadrée à droite correspond à la circulation des cellules de Ferrel, avec les zones de subsidence (déserts) sur son flanc sud et les zones d’ascendance dynamique (perturbations) sur son flanc nord.
Schéma de la circulation générale de l’atmosphère. La partie encadrée à droite correspond à la circulation des cellules de Ferrel, avec les zones de subsidence (déserts) sur son flanc sud et les zones d’ascendance dynamique (perturbations) sur son flanc nord.
  • C’est une zone de conflit et d’échange entre les masses d’air polaire et tropical, à l’origine d’un puissant jet-stream.
  • Les processus dynamiques et convectifs sont tous deux bien représentés à ces latitudes.
  • Le gradient de vorticité et de vitesse linéaire y est important.

Petit rappel :

Nous avons vu que la vorticité absolue (Va), soit les mouvements tourbillonnaires tels qu’ils seraient vus par un observateur depuis l’espace, est la somme des vorticités planétaire (Vp = tourbillon lié à la rotation de la Terre) et relative (Vr = tourbillon propre lié au mouvement des masses d’air) :

Va = Vp + Vr

Cette vorticité absolue doit être conservée si aucune force extérieure n’intervient et dans le cas (purement théorique) ou la masse d’air ne se déformerait pas. Cette conservation de la vorticité absolue implique que si la vorticité planétaire diminue, la vorticité relative augmente.

Circulation générale aux latitudes tempérées

Forts de ces considérations, nous pouvons maintenant comprendre le comportement d’une masse d’air se déplaçant du nord vers le sud et inversement.

Prenons par exemple une masse d’air partant du pôle et se dirigeant vers le sud ; elle a une vorticité planétaire maximale puisqu’elle effectue pratiquement un tour complet sur elle-même en 24 heures (Vp = 1) ; si elle se déplace en ligne droite vers le sud, sa vorticité relative est nulle au départ (Vr = 0). En se déplaçant vers le sud, elle recouvrira des territoires où la vorticité planétaire est progressivement moindre et devra donc adopter peu à peu une circulation relative cyclonique pour maintenir la vorticité absolue constante. Le flux s’orientera donc progressivement à l’est, puis au nord-est.

A l’inverse, une masse d’air originaire des régions subtropicales et se dirigeant vers le nord partira d’une région où la vorticité planétaire est faible vers une région où elle est nettement plus élevée.  Par conséquent, la vorticité relative devra diminuer au fur et à mesure du déplacement vers le nord pour maintenir la vorticité absolue constante. Elle deviendra donc progressivement négative et le flux adoptera une courbure anticyclonique, ramenant progressivement la masse d’air vers le sud-est.

On peut résumer ceci comme suit :

Aux pôles :

Va = Vp + Vr = 1 (Vp vaut 1 et Vr vaut 0).

En migrant vers le sud, Vp diminue et Vr devient positive (donc cyclonique) pour maintenir Va constante.

À l’équateur :

Va = Vp + Vr = 0 (Vp vaut 0 et Vr vaut 0).

En migrant vers le nord, Vp augmente et Vr devient négative (donc anticyclonique) pour maintenir Va constante.

Schéma illustrant la conservation de la vorticité absolue par variation de la vorticité relative en fonction des déplacement latitudinaux des masses d’air. Source : www.code-red.info
Schéma illustrant la conservation de la vorticité absolue par variation de la vorticité relative en fonction des déplacement latitudinaux des masses d’air. Source : www.code-red.info

Le puissant jet-stream marquant la zone de conflit entre des masses d’air d’origine polaire et tropicale matérialise ces adaptations au gradient de vorticité planétaire par des configurations relatives alternativement cycloniques et anticycloniques. On appelle ondes de Rossby cette circulation sinusoïdale, faisant le tour de la Terre dans le sens ouest – Est, aux latitudes tempérées.

Le jet-stream lié aux ondes de Rossby fait le tour de la Terre, ondulant de manière à maintenir constante la vorticité absolue par variation de la vorticité relative. Ici une prévision de vent à 300 hPa (env. 10'000 m) centrée sur le pôle nord, pour dimanche 27 octobre à 00 UTC. La trajectoire sinusoïdale est perceptible, bien qu’assez chaotique ; il y a toujours un monde de la théorie à la pratique. On distingue sur cette image le courant de secteur sud qui sera responsable demain samedi d’abondantes précipitations au sud des Alpes. Source : EC-charts@ECMWF
Le jet-stream lié aux ondes de Rossby fait le tour de la Terre, ondulant de manière à maintenir constante la vorticité absolue par variation de la vorticité relative. Ici une prévision de vent à 300 hPa (env. 10'000 m) centrée sur le pôle nord, pour dimanche 27 octobre à 00 UTC. La trajectoire sinusoïdale est perceptible, bien qu’assez chaotique ; il y a toujours un monde de la théorie à la pratique. On distingue sur cette image le courant de secteur sud qui sera responsable demain samedi d’abondantes précipitations au sud des Alpes. Source : EC-charts@ECMWF

Il arrive parfois (souvent même…) que – emportée par son élan – une masse d’air polaire se détache du flux principal. Elle se met dès lors à tourbillonner sur place sous la forme d’une dépression fermée appelée « goutte froide » en jargon météorologique. Ces dépressions peuvent se montrer redoutables par les cumuls de pluie qu’elles occasionnent, en particulier en automne lorsque la Méditerranée est encore chaude. Ce fut le cas du tristement célèbre Boris en septembre de cette année :

Dépression Boris positionnée sur les Balkans, le 16 septembre 2024. Source : NinJo@MétéoSuisse
Dépression Boris positionnée sur les Balkans, le 16 septembre 2024. Source : NinJo@MétéoSuisse

Dans le 5ème (et dernier) épisode de cette série consacrée à la circulation générale de l’atmosphère, nous verrons comment la vorticité est reliée aux ascendances et aux subsidences dynamiques, en particulier dans les régions traversées par le jet-stream. En effet, en progressant de l’équateur vers le nord, le réchauffement lié à l’ensoleillement devient rapidement insuffisant pour mettre seul la masse d’air en mouvement vertical. Un autre processus doit prendre le relais : l’accélération liée à la vorticité !

Rendez-vous ce dimanche 27 octobre pour les courageux lecteurs qui n’ont pas encore décroché !

Liens :

- Circulation générale de l'atmosphère 1

- Circulation générale de l'atmosphère 2

- Circulation générale de l'atmosphère 3