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À quand l'été indien ?

MétéoSuisse-Blog | 13 octobre 2024
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Nous sommes nombreuses et nombreux à espérer une série de belles journées ensoleillées en montagne, fût-ce au prix de quelques bancs de stratus en plaine : bref, un solide anticyclone automnal. Que peut-on raisonnablement espérer ces prochaines semaines en matière d’ «été indien» ? Tâchons de répondre à cette question à l’aide d’un diagramme de Hovmöller, outil d’expert que nous tenterons d’expliquer simplement.

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Une période climatologiquement propice

Comme l’explique notre page consacrée à l’Été indien, la troisième décade d’octobre est statistiquement une période propice aux belles journées d’automne en montagne. Entre 1901 et 2020, les journées d’octobre les plus souvent belles s’étendent du 12 au 17. Cette tendance à l’été indien a été particulièrement marquée durant la période entre 1901 et 1960, mais l’est beaucoup moins depuis.

Jusqu'ici, l'automne 2024 a plutôt été avare de journées de beau temps. Voyons comment la situation pourrait évoluer.

Diagrammes de Hovmöller

Nous vous avons quelquefois présenté ce type de diagramme dans ce blog (exemples de l’année dernière ici ou ici), sans nous attarder sur son contenu.

Les diagrammes de Hovmöller se construisent de la façon suivante :

  • L’axe vertical correspond au temps, qui s’écoule donc de haut en bas.
  • L’axe horizontal correspond à la longitude : sur la gauche du diagramme on regarde ce qu’il se passe aux environs du Québec, à droite ce qu’il se passe aux portes de l’Asie centrale. Au milieu, l’Atlantique nord et l’Europe, avec un trait vertical noir correspondant à la longitude de la Suisse.
  • Enfin, en chaque point du diagramme figure la valeur du géopotentiel à 500 hPa (grosso modo, la pression à environ 5500 m d’altitude) moyennée entre 35° et 60° de latitude.

Cet intervalle correspond peu ou prou à ce que nous désignons par les « latitudes moyennes » : celles où le courant atmosphérique dominant est le courant d’ouest. Il permet donc de visualiser l’évolution de l’état de ce courant d’ouest : où sont les vastes zones de haute pression, comment elles se déplacent etc.

Dans les situations « bloquées », ce diagramme montrera plutôt des anomalies (positives ou négatives) stables sur un axe vertical. Pour le dire autrement : d’un jour sur l’autre, une crête de haute pression restera à la même longitude, c’est-à-dire qu’elle ne se déplacera ni vers l’ouest ni vers l’est.

À l’inverse, dans le cas où la circulation d’ouest n’est pas bloquée, les dépressions avancent d’ouest en est. Donc à mesure qu’on avance dans le temps (c’est-à-dire qu’on descend dans le diagramme), on voit les anomalies se décaler vers l’est (c’est-à-dire vers la droite du diagramme). Dans une situation d’ouest non-bloquée, les anomalies se présentent donc comme des lignes diagonales sur un tel diagramme. L’alternance d’anticyclones et de dépressions se présente comme une série d’ondes, et c’est justement pour étudier la propagation ces ondes que le météorologue danois Ernest Hovmöller a créé en 1949 le diagramme qui porte désormais son nom.

Une bonne image valant mieux qu’un mauvais discours, vous pouvez voir sur la figure ci-dessous l’allure que prend sur un diagramme de Hovmöller une situation de blocage (à gauche) et une circulation d’ouest classique (à droite).

À la recherche de l’anticyclone bien placé

Sur le diagramme ci-dessous, on peut voir entre jeudi 16 et samedi 21 une zone de haute pression qui domine pour les longitudes plus à l'est que celles de la de la Suisse, tandis qu’une zone de basse pression s’avance par l’ouest. On peut donc anticiper que la Suisse se trouvera plutôt sur le flanc ouest d’une dorsale. Ces situations ne sont pas forcément propices à un temps calme qu’on pourrait appeler été indien : avec un courant général de secteur sud-ouest sur les Alpes, on risque plutôt des journées avec plus ou moins de nuages en altitude, peut-être aussi quelques précipitations et du foehn au nord des Alpes. Bien sûr il s’agit là de tendances générales sur une période : ce diagramme ne suffit pas pour élaborer des prévisions journalières.

La situation la plus favorable pour un été indien est celle où la Suisse se trouve juste sous l’anomalie de hautes pressions, ou bien sur son flanc oriental. Les journées du 21-22 octobres semblent de bonnes candidates : l’anomalie de haute pression prévue est bien marquée, assez bien placée au-dessus de la Suisse (même si cette anomalie semble a priori encore plus favorable à un été indien un peu plus à l’est).

Une goutte froide trouble-fête ?

C’est ici que le bât blesse, et qu’il faut être bien conscient des limites d’un tel diagramme. Les valeurs calculées sont des valeurs moyennes sur une zone s’étendant de la Norvège à la Tunisie. Autrement dit, si une petite dépression d’altitude vient s’intercaler dans un vaste champ de haute pression, cette dépression passera inaperçue, car l’anomalie moyenne restera positive.

Or, c’est justement un scénario plausible, si l’on en croit le modèle européen déterministe (figure ci-dessous). On voit effectivement ci-dessous une petite dépression d’altitude, perdue au milieu d’un vaste champ de hautes pressions…

Est-ce suffisant pour ruiner nos chances de quelques belles journées d’automne en début de semaine prochaine ? Loin de là, car l’existence même de cette « goutte froide » est sujette à caution, et à une échéance aussi lointaine, l'incertitude sur sa position est de toute façon très importante. Un décalage de quelques centaines de kilomètres peut tout changer.

Par ailleurs, une petite goutte froide dans un champ de haute pression aussi massif a peu de chances de provoquer un temps très perturbé. Mais cela peut suffire à transformer une journée de grand beau temps calme en montagne en une journée maussade et oubliable, ou à couper une série de plusieurs jours de temps bien ensoleillé.

Bref : l’espoir est permis, affaire à confirmer dans le courant de la semaine prochaine. Désormais, nous pourrons (on l’espère) illustrer ces blogs avec des diagrammes de Hovmöller que nos lecteurs comprendront parfaitement !