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Les giboulées : processus impliqués et types de précipitations

MétéoSuisse-Blog | 19 mars 2024
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Vous avez probablement déjà entendu le terme giboulée pour qualifier le type d’averse qui peut survenir au début du printemps et amener un mélange de pluie, de neige roulée ou de grésil. Mais en quoi est-ce qu’elle se différencie d’une averse de neige hivernale ou d’une averse orageuse ? Toutes les réponses dans ce blog.

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Comment définit-on une giboulée et pourquoi ont-elles lieu au début du printemps ?

Une giboulée est une averse qui peut contenir différents types de précipitations, typiquement de la pluie, de la neige roulée (Figure 2 et 3a) ou du grésil. Elles sont souvent accompagnées d’un refroidissement marqué et de fortes rafales. Elles ont généralement lieu entre mars et avril, car c’est à cette période que les ingrédients nécessaires sont présents. En effet, au début du printemps, alors que les jours rallongent et que le soleil est plus haut dans le ciel, le sol peut bien se réchauffer pendant la journée, ce qui créé une masse d’air chaude dans les basses couches. Deuxièmement, l’air polaire dans la haute troposphère est encore très froid à cette saison et il est assez fréquent qu’il soit transporté jusqu’en Europe de l’Ouest, par exemple sous la forme d’une dépression d’altitude nommée « goutte froide ». Cette combinaison d’air chaud dans les basses couches et d’air froid en altitude constitue un des ingrédients principaux pour une giboulée. Cela a pour conséquence de déstabiliser la masse d’air et de favoriser ainsi la formation de cumulus bourgeonnant qui vont pouvoir créer une averse. En effet, si le taux de refroidissement avec l’altitude est plus élevé que le fameux 1 °C/100 m (gradient adiabatique sec), l’air qui monte se refroidit moins vite que l’environnement et est donc moins dense ce qui le fait continuer son ascension. On parle alors d’une masse d’air instable, c’est-à-dire qu’un petit déplacement vertical vers le haut va entraîner une ascension de la masse d’air jusqu’à atteindre un niveau d’équilibre (correspondant à une flottabilité nulle). C’est comme si vous poussiez une bille au sommet d’une pente : elle va descendre jusqu’à atteindre une surface plate ou une remontée qui va la stopper. Ces mouvements verticaux de l’air associés à des différences de densité se nomment convection. C’est d’ailleurs la convection qui est responsable de la formation des fameux cumulonimbus qui donnent lieu aux orages. Ce blog de 2019 explique très bien la convection et l’instabilité d’une masse d’air.

Mais qu’est-ce donc la différence entre une giboulée et un orage ?

La différence, c’est que le niveau d’équilibre est en général plus bas au début du printemps et donc le développement vertical est moins élevé. Cela se voit d’ailleurs bien sur la Figure 1, où le sommet du nuage qui donne lieu à la giboulée est relativement bas. Il y a également moins d’humidité à disposition, car la masse d’air est en moyenne plus froide. Cela fait qu’il n’y a pas assez d’énergie pour le développement d’un orage. Il n’est toutefois pas exclu d’avoir un ou deux coups de tonnerre associés à une giboulée. Vous l’aurez deviné, il existe une zone grise entre les deux. Finalement, durant un orage d’été, l’isotherme du 0 °C est trop élevé pour avoir de la neige en plaine. A l’inverse durant une giboulée, on retrouve souvent un mélange de pluie et de neige roulée.

Quels sont les processus microphysiques impliqués ?

Les processus microphysiques les plus importants dans une giboulée ont lieu à des températures en dessous de 0 °C. Il s’agit donc de processus liés à la formation de la neige, qui sont détaillés dans le deuxième article de notre série sur la microphysique de la neige. Le processus principal qui entre en jeu est le givrage. Pour rappel, lorsque des flocons de neige entrent en contact avec des gouttelettes d’eau surfondue (c.-à-d. de l’eau liquide en dessous de 0 °C), celles-ci vont instantanément se solidifier à la surface des flocons. S’il y en a suffisamment, ce givre va s’accumuler sur le flocon, ce qui va le rendre plus dense et plus sphérique jusqu’à ce qu’éventuellement on ne reconnaisse plus ces branches originales (voir Figure 2 et 3a). Ce stade final du givrage donne lieu à des particules sphériques, blanches et relativement denses qu’on appelle neige roulée ou graupel. Les mouvements ascendants qui résultent de l’instabilité de la masse d’air dont nous avons parlé précédemment conduisent à la condensation de la vapeur d’eau en gouttelette. Si ces mouvements verticaux sont suffisamment forts, ces gouttelettes d’eau sont produites en quantité importante et transportées en dessus de l’isotherme 0 °C. Les flocons qui entrent en contact avec ces gouttelettes surfondues vont les accumuler sous forme de givre formant ainsi du graupel. Comme les particules de graupel sont très denses, elles tombent vite et n’ont souvent pas le temps de fondre avant d’atteindre le sol. C’est pourquoi on peut les retrouver au sol alors que la température de l’air est relativement élevée.

Quid du grésil ?

Un autre type de précipitations que l’on peut retrouver lors d’une giboulée est le grésil (Figure 3b). Il existe deux mécanismes de formation fondamentalement différents, mais qui donnent le même résultat. Cela entraîne parfois des confusions, que nous tentons d’éclairer ici. Dans sa forme principale, le grésil résulte de la congélation de gouttes de pluie lorsqu’elles tombent dans une épaisse couche d’air en dessous de 0 °C proche du sol. Cela se produit lors de fronts chauds hivernaux qui passent au-dessus d’un épais lac d’air froid, situation assez fréquente au Canada. En Europe de l’Ouest, le lac d’air froid en hiver est rarement assez épais et froid pour la formation de ce type de grésil, généralement cela produit simplement de la pluie verglaçante. La deuxième forme de grésil a lieu quand des gouttelettes d’eau surfondues congèlent dans les mouvements ascendants d’un nuage convectif. Cela se produit quand ces gouttelettes entrent en contact avec des noyaux glaciogènes et quand elles sont suffisamment grosses, ce qui peut être le cas dans les forts mouvements ascendants d’un nuage convectif. En Europe, le terme grésil fait plutôt référence à ce type de formation, car c’est la forme la plus souvent observée. La Figure 4 résume les processus de formation de la neige roulée (graupel) et du grésil. On retrouve rarement à la fois du grésil et du graupel dans une giboulée, généralement un phénomène est privilégié : si la taille des gouttelettes d’eau surfondue est de l’ordre du millimètre, elles ont alors plus de chances de se solidifier en grésil et de tomber. Si elles sont plus petites, elles sont souvent transportées plus haut où elles entreront en contact avec des cristaux de glace pour former du graupel. Le premier cas est privilégié pour des nuages à base plutôt chaude (c.à.d. ≥ 10 °C), car les gouttelettes d’eau vont grandir sur une couche relativement importante avant d’être transportée en dessus de 0 °C. Le deuxième cas est plus fréquent dans les nuages à base plus froide, car les gouttelettes d’eau vont plus rapidement être transportées en dessus de 0 °C où elles ne pourront plus grandir sous forme liquide, mais simplement rester en suspension avant d’éventuellement entrer en collision avec un flocon de neige et de former du givrage. Vous avez remarqué que nous parlons souvent de grésil dans nos bulletins météo lors de situations de giboulées. Il serait plus juste de parler de neige roulée, car c’est le type de précipitations le plus fréquent dans les giboulées en Suisse (car la base du nuage est généralement < 10 °C), mais ce terme reste peu connu.

Quelle est donc la différence avec la grêle ?

La formation du grésil (dans le cas convectif expliqué ci-dessus) peut donner lieu à de la grêle, si la particule de grésil est entraînée dans des mouvements ascendants plus importants que sa vitesse de chute et ainsi transportée dans des zones riches en eau liquide surfondue. La particule de grésil constitue alors l’embryon du grêlon qui va grandir par collection des gouttelettes d’eau surfondue. En traversant des zones de contenu en gouttelette très différent, le grêlon va grandir en couches successives, ce qui lui donne une structure en pelure d’oignons. À noter qu’une particule de graupel ou même un flocon de neige peuvent aussi servir d’embryon pour la croissance en grêlon. La différence entre grésil et grêle est donc qu’une particule de grésil est simplement une gouttelette d’eau liquide surfondue qui congèle, tandis qu’un grêlon nécessite une croissance supplémentaire en collectant des gouttelettes d’eau. Visuellement, une particule de grésil est sphérique, translucide et ne dépasse pas environ 5 mm. Un grêlon est plus grand que 5 mm, est constitué de plusieurs couches et tend à devenir de plus en plus biscornu avec la taille. Il peut arriver de voir de petits grêlons dans les giboulées, mais les mouvements ascendants et la teneur en gouttelette d’eau surfondue ne sont pas assez forts pour créer de plus gros grêlons.

A quand la prochaine situation de giboulées?

L’arrivée d’air froid polaire ce week-end, décrite dans le bog d’hier, pourrait fournir les conditions propices à la formation de giboulées entre dimanche et mardi prochain. Encore faut-il que l’ensoleillement soit suffisant pour chauffer les basses couches de l’atmosphère et ainsi apporter l’instabilité nécessaire. Vous voilà maintenant préparé pour tout comprendre lors de la prochaine giboulée.