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Bilan du passage de « Patricia »

MétéoSuisse-Blog | 03 août 2023
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Hier mercredi 2 août, la dépression Patricia a amené un fort vent de sud-ouest au Nord des Alpes avec des rafales dépassant les 70 km/h dans la plupart des régions. Avec une pression minimale mesurée à 982 hPa au sud de l’Irlande hier matin, il s’agit d’une dépression particulièrement creusée pour la saison.

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Situation synoptique digne de l’automne

Hier, la dépression Patricia a transité de l’ouest de l’Irlande jusqu’à la mer du Nord en occasionnant des rafales tempétueuses au nord de la France, avec notamment 121 km/h à Carteret (Manche). La Figure 1 montre qu’hier vers la mi-journée, le centre dépressionnaire se situait sur l’Angleterre avec un fort gradient de pression (les isobares sont très serrées) sur le sud-ouest de l’Angleterre et le nord-ouest de la France. Comme le vent associé à des systèmes météorologiques de grande échelle (comme une dépression) est directement proportionnel au gradient de pression, ce n’est pas étonnant que les rafales maximales aient été mesurées autour de la Manche. La Suisse se trouvait alors dans le secteur chaud de la dépression (à l’arrière du front chaud et l’avant du front froid) sous un gradient de pression certes moins fort que sur la Manche, mais tout de même suffisant pour causer des rafales de vent à plus de 70 km/h de manière étendue. À noter que le vent de sud-ouest dans ce secteur chaud a permis aux températures de grimper au-dessus de 30 °C pour de nombreuses stations de plaine (p.ex. 31.5 °C à Genève). Les précipitations en soirée étaient associées au front froid qui, comme représenté sur la Figure 1, se situait sur la France hier à la mi-journée.

La situation synoptique présentée sur la Figure 1 avec une dépression aussi creusée (pression minimale de 982 hPa en son cœur) n’est pas très courante pour un mois d’août et fait plutôt penser à une situation automnale. Cela est dû principalement au fait que les dépressions sont étroitement liées à la dynamique du jet-stream, qui est généralement plus faible et localisé plus au nord en été qu’en automne et hiver, comme expliqué dans le blog de dimanche passé. Nous verrons dans la suite de ce blog que des rafales si fortes en été sans orages sont sans précédent.

Rafales à plus de 70 km/h dans pratiquement toutes les régions du Plateau et du Jura

Comme le montre la Figure 2, des rafales à plus de 70 km/h ont été mesurées à la plupart des stations du Plateau et du Jura. On retiendra que la Suisse romande a été plus touchée que la Suisse alémanique et que le Sud des Alpes a été complètement épargné. En effet, la barrière alpine représente un obstacle considérable pour les situations de vent d’ouest et on voit d’ailleurs bien sur la Figure 1 que le gradient de pression se desserre complètement passé la crête des Alpes. En plaine, la rafale maximale a été atteinte à Neuchâtel avec 100 km/h dans la nuit de mercredi à jeudi. Cela était dû à un renforcement du vent par coup de joran à l’arrière du front froid. Nous reviendrons là-dessus dans le paragraphe suivant. En montagne, la rafale la plus forte a été mesurée au Moléson avec 117 km/h, tandis qu’à la Dôle et au Chasseral, les rafales ont atteint 111 et 112 km/h, respectivement.

Pic dans l’après-midi et coup de joran dans la nuit

Comme le montre la Figure 3, le vent s’est renforcé en cours de journée pour atteindre son paroxysme en fin de journée pour la plupart des régions. Cela est dû à la combinaison de deux facteurs qui expliquent ces rafales particulièrement fortes. Le premier est que la dépression Patricia était au plus proche de la Suisse pendant cette période et donc le gradient de pression associé était aussi le plus fort sur la Suisse. Le deuxième est que c’est justement en fin de journée que les rafales ont tendance à être les plus fortes. On peut raisonnablement penser que si l’horaire de Patricia eut été avancé ou retardé, on n’aurait pas forcément eu des rafales si fortes. Explication : une rafale de vent en plaine n’est souvent rien d’autre que le vent à plus haute altitude qui « pose » jusqu’au sol. Pour que cela se produise, il faut que les basses couches de l’atmosphère soient instables, ce qui brasse l’air et permet au vent en altitude de « se poser ». C’est justement l’après-midi que l’air dans les basses couches est le plus instable, à cause du réchauffement diurne (c’est aussi pour ça que les orages ont souvent tendance à se former l’après-midi), et donc qu’en général le vent est plus fort en journée et qu’il se calme pendant la nuit. C’est donc bien le timing de la trajectoire de Patricia par rapport à l’heure de la journée qui a probablement conduit à des rafales si fortes. Certes, mais pourquoi alors la rafale la plus forte en plaine a été mesurée en pleine nuit ?! Pour comprendre cela, il faut savoir qu’il y a d’autres phénomènes physiques que le gradient de pression (et cette instabilité de l’air qui permet au vent en altitude de poser) qui expliquent des fortes rafales. Il y a aussi la gravité qui joue un rôle quand on a des montagnes. Le joran est un vent dit catabatique dont la force principale est le poids de l’air froid (donc dense) qui déferle le long du Jura à l’arrière du front froid. C’est comme une avalanche d’air froid qui coule le long du Jura (voir explication dans ce blog). Le joran se produit donc souvent après le passage d’un front froid. Comme le front froid est passé dans la nuit, en plus du gradient de pression qui était encore relativement fort, l’air plus froid qui a déferlé le long du Jura a permis d’accélérer le vent et a conduit à cette rafale tempétueuse à Neuchâtel. À noter que le joran « pur » souffle du nord-ouest (plus ou au moins perpendiculaire à la chaîne du Jura). Dans le cas de cette rafale à Neuchâtel, il s’agissait probablement d’une combinaison du vent de sud-ouest et du joran qui a donné une rafale de secteur ouest-nord-ouest. La Figure 4 montre les vents mesurés sur le Plateau romand hier après-midi (à gauche) et dans la nuit (à droite). On voit que l’après-midi le vent est orienté au sud-ouest et est fort en toute région. Pendant la nuit, il prend une orientation plus ouest au pied du Jura où les rafales sont plus fortes que dans les autres régions. C’est bien à Neuchâtel que le vent prend une orientation la plus nord-ouest et on peut donc supposer que c’est là que le joran a été le plus fort et que la rafale à 100 km/h est bien due à cette composante jorassante. À noter que sur le Haut-Lac (la partie est du Léman), le vent prend également une orientation nord-ouest. Cela est dû en partie à la topographie très raide de la région (Mont Pèlerin et Rochers-de-Naye), qui créé un effet similaire au joran, et en partie à une canalisation du vent en entrant dans la vallée du Rhône (surtout vers Villeneuve et le Bouveret).

Rafales non-orageuses particulièrement élevées pour la saison

À Neuchâtel, 100 km/h est la troisième valeur de rafale la plus élevée mesurée pour un mois d’août. Sachant que les deux rafales les plus élevées correspondaient à des rafales d’orages, on peut dire qu’il s’agit de la rafale associée à une dépression la plus élevée pour un mois d’août à Neuchâtel. Pour Genève, 84 km/h correspond à la deuxième rafale la plus élevée pour un mois d’août et encore une fois, la plus élevée pour une situation non-orageuse.