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Coup de foehn à Evionnaz

MétéoSuisse-Blog | 08 février 2023
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Les Evionnard·es ont l’habitude du vent, qui y souffle souvent plus fort que dans le reste de la vallée du Rhône. Cela est souvent le cas quand le vent descend la vallée du Rhône, que ça soit une brise de vallée nocturne ou du foehn, ce qui fut le cas mardi entre 3 h et 14 h. Une rafale à 87 km/h a été mesurée vers 5 h, alors qu’à Aigle et à Sion, le vent n’a pas dépassé les 37 et 28 km/h, respectivement. Comment se fait-il que le foehn ait été si fort à Evionnaz, mais s’est fait moins sentir dans le reste de la vallée du Rhône ? Réponse dans ce blog.

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Distribution de la pression

La Figure 1 montre la distribution de la pression au sol le 7 février à 03 UTC. On voit qu’il y a une surpression au sud des Alpes avec 1038 hPa comparé au nord des Alpes. Etant donné qu’il y a également un gradient de bise (pression plus élevée en Suisse alémanique qu’en Suisse romande), cela implique que la différence de pression est maximale entre le sud des Alpes et la Suisse romande, ce qui explique pourquoi le foehn a soufflé plus fort dans la vallée du Rhône, que dans la vallée de la Reuss ou du Rhin (une fois n’est pas coutume !). En effet, les rafales ont atteint seulement 54 km/h à Andermatt, ce qui n’est rien du tout pour ce village du pied du Gothard tant connu pour ces rafales de foehn tempétueuses.

Evolution de différents paramètres à Evionnaz

La Figure 2 montre l’évolution des rafales et du point de rosée à Evionnaz. On voit très bien la période de foehn entre 03 et 13 UTC le 7 février : le point de rosée chute subitement témoignant de l’asséchement de l’air lié au courant de foehn, alors que les rafales augmentent tout d’un coup à des valeurs de plus de 60 km/h. La fin du foehn à 13 UTC est aussi marquée très nettement par le retour d’une masse d’air plus humide (augmentation du point de rosée).

La Figure 3 montre l’évolution de la température potentielle à Evionnaz et au Col du grand St-Bernard. La température potentielle représente la température qu’une masse d’air aurait si on la descendait à un niveau de référence. Cela permet de comparer la température à différentes altitudes. En effet, en descendant, l’air entre dans des pressions plus élevées et donc se comprime. Cette compression va réchauffer l’air, tout comme celui de votre pompe à vélo quand vous comprimez l’air de votre chambre à air. Ce mécanisme de compression est l’un des mécanismes principaux qui explique le réchauffement lors d’un épisode de foehn : l’air en descendant depuis le haut de la montagne va se réchauffer. La Figure 4 montre les trajectoires typiques du foehn dans les Alpes. Le courant de foehn à Evionnaz provient souvent du Col du Grand St-Bernard. En comparant la température potentielle à Evionnaz et au Col du Grand St-Bernard, on peut rapidement confirmer si le foehn du 7 février venait bien de ce col. On remarque à 03 UTC que la température potentielle à Evionnaz passe subitement de 3 à 7 °C. Cela montre d’une part le réchauffement du foehn, mais surtout que comme les deux températures potentielles sont pratiquement les mêmes durant tout l’épisode du foehn, l’air provenait très probablement du Col du Grand St-Bernard.

Pourquoi le foehn a soufflé surtout à Evionnaz

Pendant la saison froide, un lac d’air froid se forme souvent dans la vallée du Rhône. Cet air froid étant relativement dense, le courant de foehn plus chaud et plus léger a souvent de la peine à le chasser et finit par glisser par-dessus. Bien que le foehn n’ait pas soufflé à Sion, il suffisait de monter à Crans-Montana pour sentir une forte Lombarde jusqu’à 70 km/h (nom donné au foehn là-bas). Cela montre que le foehn glissait par-dessus le lac d’air froid présent dans la vallée du Rhône en Valais central. La topographie d’Evionnaz fait que la vallée du Rhône est beaucoup plus serrée entre les massifs des Dents du Midi et des Dents de Morcles. Le lac d’air froid s'y retrouve étroit et donc plus facile à chasser. De plus, cette configuration étroite fait que le foehn y est accéléré par effet Venturi, cela explique d’une part que le foehn soit plus fort à Evionnaz, mais aussi ça lui donne un petit « boost » pour chasser l’air froid. Finalement, il faut aussi tenir compte d’un effet d’inertie : le foehn provenant du col du Grand St-Bernard, il descend abruptement le Val d’Entremont, puis ne fait que quelques kilomètres dans la vallée du Rhône avant d’accélérer par effet Venturi entre Vernayaz et Evionnaz. Cette inertie lui permet de facilement chasser l’air froid. A l’inverse à Sion, le foehn provenant du Simplon a plus de distance à parcourir dans la vallée et perd donc en inertie. Cela pourrait expliquer pourquoi le foehn est souvent plus faible Sion. D’ailleurs à Viège, à seulement quelques kilomètres du pied du Simplon, le foehn a soufflé jusqu’à 59 km/h, ce qui vient étayer cette théorie qui n’en demeure pas moins hypothétique. Enfin, il faut tenir compte du fait que la station d’Evionnaz se trouve environ 40 m plus haut que le Rhône, ce qui peut suffire pour que le foehn y soit plus fort.

En conclusion, le foehn est souvent plus fort à Evionnaz dû à la configuration topographique et probablement aussi à la proximité direct du Col du Grand St-Bernard.