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Pourquoi et comment corriger son altimètre en randonnée ?
MétéoSuisse-Blog | 15 août 2025

La démocratisation récente des montres GPS a fait tomber en désuétude l’usage des altimètres barométriques chez les randonneurs et alpinistes. Il existe pourtant de bonnes raisons de s’en servir encore, à conditions de connaître quelques notions basiques, que ce blog tâchera d’exposer.

Le mythique altimètre Thommen (à gauche) est aujourd’hui devenu une pièce de musée, supplanté par les montres connectées. Ces dernières peuvent remplir la même fonction d’altimètre barométrique, et bien d’autres encore. Images : Leboncoin, twiga269/Flickr
Le mythique altimètre Thommen (à gauche) est aujourd’hui devenu une pièce de musée, supplanté par les montres connectées. Ces dernières peuvent remplir la même fonction d’altimètre barométrique, et bien d’autres encore. Images : Leboncoin, twiga269/Flickr
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Selon les paramètres choisis, les montres connectées modernes peuvent généralement fonctionner soit comme altimètre barométrique, soit comme altimètre GPS.

Limite des systèmes GPS

La mesure d’altitude par GPS présente certaines limitations qui peuvent affecter plus ou moins sérieusement sa précision, quand moins de satellites sont « visibles » par la montre ou quand leur signal est dégradé. Ceci arrive quand on se trouve dans la forêt, dans du brouillard, dans une vallée encaissée. Il peut même dans certains cas se produire des phénomènes d’écho lorsque les signaux GPS émis par les satellites sont réfléchis sur les parois environnantes, avant d’atteindre le récepteur GPS. Dans des cas extrêmes ces conditions peuvent entraîner des erreurs horizontales atteignant plusieurs centaines de mètres. Par ailleurs, dans des pentes raides, l’incertitude horizontale sur la position se traduit mécaniquement par une incertitude encore plus grande sur l’altitude.

Il est donc intéressant de disposer aussi d’un altimètre basé non pas sur le signal GPS, mais sur une mesure de pression : on parle d’altimètre barométrique. Les montres connectées disposent d’un capteur de pression, et peuvent donc jouer ce rôle si on le leur demande. Mais comment passe-t-on d’une mesure de pression à une altitude ?

Les altimètres barométriques

Dans l’atmosphère, la pression diminue avec l’altitude. En se donnant un modèle d’atmosphère idéalisé, cette diminution se fait manière connue. On a alors une relation déterminée entre altitude, température et pression : si on en connaît deux, on peut calculer la troisième. La formule est compliquée et il n’est pas utile de la montrer ici : l’essentiel est qu’elle existe, et qu'elle nécessite de connaître une température et une pression de référence (par exemple au niveau de la mer). En prenant un gradient vertical de température constant, ainsi qu'une température et une pression fixes au niveau de la mer, on obtient le modèle de l'atmosphère standard.

Dans la réalité, la pression, tant au niveau de la mer qu'en altitude, change d’un jour à l’autre au gré des anticyclones et des dépressions : c’est elle qu’on retrouve sur les cartes d’analyse météorologiques. Ses variations, liés à l’évolution météorologique, sont significatives : un changement de pression de 1 hPa se traduira sur votre altimètre barométrique par un changement d’altitude de l’ordre d’une dizaine de mètres (environ 8 m si vous habitez au niveau de la mer, mais plutôt 12 m si vous logez à 4000 mètres d’altitude).

De là vient l’autre utilisation d’un altimètre en montagne : en restant à altitude fixe pendant assez longtemps, par exemple en cabane le temps d’une nuit, les variations de l’altitude donnée par votre altimètre barométrique donnent des indications sur l’évolution de la pression, laquelle peut donner une indication très grossière de l’évolution du temps. Avoir « gagné des mètres » pendant la nuit signifiera que la pression est en baisse, souvent parce qu’une dépression est en approche ; inversement perdre de l’altitude à sa montre pourra être le signe de l’arrivée d’un anticyclone. La recette est évidemment simpliste, et largement désuète, mais c’est toujours bon à connaître.

En revanche, sauf en cas d’évolution brutale, le changement de pression lié à l’évolution météorologique est trop lent pour être notable dans le laps de temps d’une montée en randonnée de quelques heures. Surtout, il est complètement négligeable devant les variations de la pression induites par les changements d’altitude du randonneur.

Beau temps sur les Alpes bernoises et valaisannes. À notre époque, les dégradations de grande échelle sont bien anticipées par les prévisions, tout comme les périodes très anticycloniques. Photo : E. Kirchner
Beau temps sur les Alpes bernoises et valaisannes. À notre époque, les dégradations de grande échelle sont bien anticipées par les prévisions, tout comme les périodes très anticycloniques. Image : E. Kirchner

Pour la suite du blog, plaçons-nous dans le cadre d’une montée en randonnée ou en alpinisme : l’altimètre est utilisé l’espace de quelques heures seulement, pendant lesquelles le randonneur monte. On considère que le profil de température et de pression n’a pas le temps d’évoluer au fil des heures. On peut donc négliger les évolutions météorologiques (notez que c’est rare pour ce blog !).

Le randonneur a « calé » son altimètre au départ, à partir d’une altitude de référence figurant sur la carte. Avec le dénivelé qu’il parcourt, la pression baisse et son altimètre barométrique détecte le changement : mais comment cette différence de pression est-elle convertie en différence d’altitude ? Le randonneur n’a pourtant donné à son instrument qu’une seule valeur de référence, alors qu’il faudrait deux : pression et température.

En fait, les altimètres utilisent une formule simplifiée, qui suppose une température de référence de 15 °C au niveau de la mer. Ainsi, pour le prix d’une petite approximation, on s’épargne le « calage en température » de l'instrument. Un tel calage devrait utiliser une mesure de la température en air libre, loin de l'influence du sol, donc même une station de mesure officielle située juste à côté du randonneur ne ferait pas l'affaire. Ne parlons même pas de la température donnée par une montre-altimètre, coincée entre un poignet et une manche.

Pourquoi la température compte

À quoi tient cette simplification ? On peut l’expliquer de façon assez simple, avec les mains. Dans une atmosphère plus froide que l’atmosphère de référence, le randonneur traverse une couche d’air plus froid, donc plus dense, plus « lourd » que ce qui est attendu par l’instrument à ce niveau de pression. Or la pression correspond grosso modo au poids de la colonne d’air située au-dessus d’un point donné. Donc ici, comme le poids de cette couche d’air est plus élevé qu’attendu, la différence de pression entre le haut et le bas est aussi plus grande. L’altimètre interprétera donc cela comme une différence d’altitude plus grande que le dénivelé réel parcouru par le randonneur, donc il donnera une altitude trop haute.

Inversement, par temps chaud, la couche d’air traversée est moins dense, plus légère, donc le dénivelé donné par l’altimètre sera inférieur au dénivelé réel, et l’altitude donnée en haut sera trop basse.

Et dans les deux cas, plus le dénivelé parcouru est important, plus l’erreur est grande. Peu importe que ce dénivelé soit parcouru à la montée ou à la descente, l’erreur est la même car elle porte sur la différence d'altitude (donc elle se compense en cas de retour au point de départ).

Si notre randonneur monte au sommet puis revient à son point de départ sans recaler son altimètre pendant la sortie, l’altitude indiquée au sommet par son instrument sera trop haute par temps froid, et trop basse par temps chaud, mais à son point de départ l’altitude indiquée sera exacte. S'il recale son altimètre au sommet, de retour en bas son altimètre indiquera une altitude trop basse par temps froid (dénivelé surestimé), trop haute par temps chaud (dénivelé sous-estimé).

On peut retenir cette règle :

Quand il fait froid l’altimètre barométrique surestime les dénivelés, quand il fait chaud il les sous-estime.

La limite entre le chaud et le froid est donnée par le modèle de l'atmosphère standard, avec une température fixée par convention à 15 °C au niveau de la mer. Comme le gradient de température est constant (6,5 °C par 1000 m), le calcul est facile : cette limite correspond à une isotherme du 0 °C à 2300 m. Si le bulletin de prévision donne une isotherme du 0 °C proche de cette valeur, pas besoin de correction !

Comment corriger l’erreur ?

Pour corriger cette erreur il faut utiliser la relation hypsométrique (parfois appelée formule de Laplace), qui n’est pas spécifique à l’atmosphère standard, et qui relie l’épaisseur d’une couche atmosphérique au rapport des pressions en bas et en haut de cette couche et surtout à la température moyenne de cette couche.

Les plus scientifiques de nos lecteurs peuvent faire le calcul eux-mêmes : il suffit d’écrire cette formule pour l’épaisseur réelle et la température moyenne réelle de la couche, de la réécrire pour l’épaisseur indiquée par l’altimètre et la température moyenne de la couche dans l’atmosphère standard, puis de soustraire la seconde égalité à la première. En arrondissant les valeurs constantes ou assimilables à des constantes, on arrive à la relation simplifiée :

Essayons une application pratique avec un cas qui concerne l’auteur de ce blog. Mercredi dernier, dans la nuit, départ de 1399 m (altimètre calé) ; un peu plus tard et un peu plus haut, l’altimètre barométrique de votre serviteur indique 1960 m. Comment estimer l’altitude réelle ?

On se place vers 1700m, plus ou moins au milieu de la couche d’atmosphère traversée pour avoir une valeur représentative de la moyenne de cette couche. À une altitude de 1700 m l’atmosphère standard est à 4 °C environ ; tandis que l’atmosphère réelle se situe vers 23 °C, à en croire le radiosondage le plus proche (température en air libre). On a donc ΔT = 19 °C, h = 561 m, soit ΔH = 43 m. Je peux donc estimer que je me situe vers 1960 + 43 = 2003 m. Cela tombe bien car je suis à un point coté à 2001 m sur la carte ! Difficile d’espérer mieux.

Pour être plus réaliste, et penser à ceux qui n’ont pas envie d’aller lire un radiosondage pendant leur randonnée, on peut proposer une autre approximation de ΔT. Il suffit de connaître l’isotherme du 0 °C, trouvable dans tous les bons bulletins météo. Alors on estime ΔT = (différence entre l’iso 0 et 2300 m, en km) x 6,5 °C/km.

Avec 4 x 6,5 = 26, la formule devient donc :

(Note : cette formule est beaucoup plus facile à retenir qu'il n'y paraît. Il suffit de l'utiliser une ou deux fois, promis ! Exemple : si je fais 2000 m de dénivelé avec un iso 0 °C à 1300 m : je dois ajouter 26x1x2 = 52 m au dénivelé indiqué par mon altimètre barométrique. Si je fais 1000 m de dénivelé avec un iso 0 °C à 3800 m, je dois ôter 26x1,5x1 = 39 m.)
(Note : cette formule est beaucoup plus facile à retenir qu'il n'y paraît. Il suffit de l'utiliser une ou deux fois, promis ! Exemple : si je fais 2000 m de dénivelé avec un iso 0 °C à 1300 m : je dois ajouter 26x1x2 = 52 m au dénivelé indiqué par mon altimètre barométrique. Si je fais 3000 m de dénivelé avec un iso 0 °C à 4800 m, je dois ôter 26x2,5x3 = 195 m.)

Et si on l’applique au cas ci-dessus ? L’isotherme du 0 °C était donné ce jour-là dans le bulletin à 4300 m pour la journée, mais dans la nuit il était encore à plus de 4400 m. Avec l’une ou l’autre valeur, on obtient une correction de 26 x 2 x 0,563, ou 26 x 2,1 x 0,563, soit 30 m (donc altitude corrigée : 1993 m). Dans les deux cas, voilà une différence notable avec la réalité, et avec la correction précédente. Pourquoi ?

Cette différence tient au fait que l’atmosphère était particulièrement instable ce jour-là, donc que la décroissance de température avec l’altitude était nettement supérieure à 6,5 °C/km. Plus prosaïquement, le profil de température (en rouge sur la figue ci-dessous) penche fort vers la gauche par rapport à la ligne bleue épaisse ! Avec une décroissance de température standard depuis 1700 m, on aurait eu une isotherme du 0 °C vers 5300 m (courbe bleue fine). Alors le calcul aurait donné une correction de … 44 m. C'est cohérent.

Radiosondage de Payerne le mercredi 13.08.2025 à 02 UTC. La courbe rouge désigne le courbe de température de l'atmosphère. Les isobares sont les lignes horizontales, les isothermes les lignes obliques à 45°. La ligne bleue épaisse montre le profil de l'atmosphère standard. La ligne bleu fine est parallèle à la précédente.
Radiosondage de Payerne le mercredi 13.08.2025 à 02 UTC. La courbe rouge désigne le courbe de température de l'atmosphère. Les isobares sont les lignes horizontales, les isothermes les lignes obliques à 45°. La ligne bleue épaisse montre le profil de l'atmosphère standard. La ligne bleu fine est parallèle à la précédente. Image : MétéoSuisse

Voici déjà une première limitation de cette méthode de correction. Mais même imparfaite, la méthode simple avec l’isotherme du 0 °C apporte déjà une correction presque satisfaisante, d'autant qu'on ne cherche pas une précision au mètre près.

Notons que ces corrections n’ont pas véritablement de sens si les dénivelés sont faibles, si l’altimètre est recalé fréquemment, ou si l’isotherme du 0 °C est peu éloigné de 2300 m. Inversement en période caniculaire ou très froide, avec de gros dénivelés et un terrain où il n’est pas possible de recaler l’altimètre, les écarts deviennent très importants et la correction prend tout son intérêt.

Quelles autres erreurs ?

Lorsqu’on utilise l’estimation à partir de l’isotherme 0 °C, le profil de l’atmosphère peut jouer des tours quand il s’écarte d’un profil standard : ça peut être le cas avec de l’instabilité (surtout l’été) ou des inversions (surtout l’hiver). C’est la principale limite de la méthode de correction. Avec un peu de réflexion et de connaissances météo on peut toutefois encore arriver à « pousser » la correction dans le bon sens.

Dans le cadre que nous avons choisi, les autres erreurs sont quasiment négligeables :

  • L'évolution météorologique devrait être particulièrement brutale pour influencer les variations de pressions dans ce contexte. Mais en principe il n'y a personne en randonnée quand une dépression traverse le pays !
  • On pourrait penser au rôle de l’humidité, car un air humide est plus léger qu’un air sec (nous l’expliquions dans ce blog). On pourrait alors raffiner les calculs, en utilisant par exemple la température virtuelle, mais le gain serait imperceptible, à moins de se trouver dans des conditions d’humidité extrême, comme dans un gros nuage tropical.

Donc pour l’heure, et pour nos montagnes, ces calculs simples suffiront.

Bonnes randonnées ce week-end !