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Comment le sable du Sahara influence les cyclones

MétéoSuisse-Blog | 01 août 2024
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Un étude récente met en lumière le rôle étonnant joué par les poussières sahariennes dans la formation des cyclones tropicaux dans l’Atlantique nord et les précipitations qu’ils engendrent.

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Le sable du Sahara au-dessus de l’Atlantique

Les poussières sahariennes font parfois la une de l’actualité météorologique en Europe, lorsque les dépressions habituellement situées à nos latitudes descendent vers le Maghreb et font remonter en direction de l’Europe, dans un courant de sud, des concentrations spectaculaires de sable du Sahara. Mais le plus souvent, ces poussières sont entraînées vers l’Atlantique par les alizés : ces vents réguliers bien connus qui soufflent depuis l’ouest de l’Afrique en direction des Caraïbes et de l’Amérique du Sud. Les poussières sahariennes, transportées en grandes quantités par ces vents, que les Anglais ont appelé « Trade winds », traversent l’océan et ont parfois une influence considérable sur la qualité de l’air dans certaines régions du continent américain. Par ailleurs, chaque année, ce transport de sable fertilise la forêt amazonienne en y déposant une grande quantité de minéraux, notamment plusieurs milliers de tonnes de phosphore.

Le berceau des cyclones

Les cyclones tropicaux, ou ouragans, ne peuvent se former que dans des conditions précises : dans une région proche de l’équateur mais pas trop, au-dessus d’une mer suffisamment chaude (au moins 26 °C sur une profondeur d'au moins 50 mètres), et dans un environnement de vent favorable. Dans l’Atlantique nord, c’est donc dans la partie sud du bassin océanique que les cyclones naissent, comme le montrent les trajectoires historiques.

Des poussières à double tranchant

Une étude récente s’est penchée sur les différents facteurs influençant les précipitations liées aux cyclones tropicaux dans l’Atlantique nord. Un modèle avancé de « machine learning » se basant sur des données de 19 années - 319 cyclones - a été utilisé. Un certain nombre de paramètres sont proposés au modèle, puis ce dernier identifie par apprentissage automatique lesquels ont la contribution la plus significative aux pluies des ouragans. Les chercheurs ont reproduit leur modèle d’apprentissage avec et sans le paramètre correspondant à la présence de poussières du Sahara, afin d’évaluer plus précisément le rôle de ces dernières.

Sans surprise, le modèle met en évidence le rôle important joué par les paramètres météorologiques classiques, notamment la température de surface de la mer ou encore la température potentielle équivalente (qui combine la température et l'humidité), ainsi que le lieu géographique et la période de l’année.

Toutefois, et de façon étonnante, il ressort de cette étude que le facteur prépondérant est la quantité de poussières dans l’atmosphère. La relation entre cette quantité de poussières et les précipitations cycloniques est non-linéaire :

  • Jusqu’à une certaine valeur, les poussières sahariennes tendent à favoriser les pluies...
  • Au-delà, au contraire, des concentrations plus fortes inhibent fortement les pluies cycloniques.

Cette relation correspond vraisemblablement à une différence dans les processus microphysiques. Les poussières jouent le rôle de noyau de condensation, ce qui favorise la formation de nuages et donc de pluies ; mais pour des concentrations trop élevées, les poussières bloquent en partie le rayonnement solaire et limitent le réchauffement dans les basses couches, ce qui contrarie les mouvements ascendants et donc les précipitations.

Mêmes si les phénomènes météorologiques sont différents et que nous n’avons pas de cyclones tropicaux en Suisse, les résultats de cette étude évoquent, pour nous autres prévisionnistes en Europe, les difficultés que nous pouvons connaître dans les situations orageuses où l’atmosphère est chargée de sable saharien. Ce paramètre paraît alors à double tranchant : d’un côté ces poussières semblent favoriser la formation de nuages et donc les précipitations, mais de l’autre s’il y en a beaucoup elles limitent le réchauffement diurne et donc l’instabilité… et il est souvent délicat, voire impossible, d’évaluer quel effet l’emportera sur l’autre. Les poussières constituent alors une incertitude supplémentaire dans les prévisions d'orages, qui s'accompagnent déjà intrinsèquement d'un bon nombre de points d'interrogations.

Mais fermons la parenthèse et revenons à nos cyclones…

Évolution avec le changement climatique

De précédentes études tendent à indiquer que le transport de sable du Sahara pourrait fortement décroître au cours des prochaines décennies. Parallèlement, en lien avec le réchauffement climatique, les précipitations des cyclones tropicaux devraient augmenter.

Comprendre les interactions complexes entre ces différents facteurs, aux tendances parfois contraires, constituera un défi important pour les études météo-climatiques à venir. Les méthodes de machine learning, comme celle utilisée dans l'étude citée plus haut, pourront aider à mettre en lumière la nature des différentes contributions à l'évolution des phénomènes atmosphériques.