Oliver Fuhrer, chef de la division des prévisions numériques, est responsable du développement et de l'exploitation du nouveau modèle météorologique et climatique de MétéoSuisse ICON. Il résume le passage du modèle précédent COSMO au nouveau modèle en un simple calcul : « Jusqu'à présent, nous avions un demi-million de lignes de code en service. Maintenant, nous travaillons avec deux millions de lignes de code d'un nouveau logiciel ». Le changement a exigé de son équipe un grand développement du savoir-faire. « Nous connaissions COSMO comme notre poche, maintenant nous avons dû apprendre à connaître et à adapter un nouveau système pour pouvoir livrer nos produits sur mesure », explique Oliver Fuhrer au siège de MétéoSuisse à l'aéroport de Kloten.
Après une phase de test, les modèles COSMO et ICON fonctionnent en parallèle à pleine puissance de calcul pendant deux mois. Pendant cette période, tous les services offerts par MétéoSuisse doivent être transférés sur le nouveau modèle. En effet, COSMO va bientôt être abandonné. « Arrêter l’exploitation d’un ancien système sera pour nous un grand soulagement », déclare Oliver Fuhrer.
Un meilleur modèle pour la topographie suisse
Oliver Fuhrer souligne les nouvelles possibilités du modèle : Alors que COSMO extrapolait les données de mesure sur la base d'une grille de calcul rectangulaire, ICON travaille avec une grille triangulaire qui permet de mieux saisir la topographie de la Suisse. « Cela nous permet de modéliser plus précisément la température, l'humidité et le vent à la surface de la terre, ce qui peut améliorer les prévisions », explique Oliver Fuhrer. De plus, grâce à ce que l'on appelle le « nesting », certaines zones pourraient à l'avenir être calculées de manière ciblée avec une résolution plus élevée, par exemple une zone au-dessus des Alpes ou dans une vallée de montagne ou encore autour d’un aéroport.
Une autre nouveauté importante pour Oliver Fuhrer est que le code que les données d’ICON sont open source et donc accessibles au public. Le rôle de l'équipe d’Oliver Fuhrer s'en trouve également modifié. Avec ICON en open source, les « méthodes de calcul » seront également fournies, alors que, jusqu'à présent, MétéoSuisse ne proposait que des données et des services. « A l'avenir, nous pourrions proposer davantage de services de conseil aux clients qui utiliseront eux-mêmes le modèle ou les données du modèle », explique Oliver Fuhrer. « Nous pourrons ainsi apporter une contribution plus importante à l'avenir », affirme Oliver Fuhrer avec conviction.
Selon Oliver Fuhrer, l'introduction d'ICON est seulement le début du voyage avec le nouveau modèle. En effet, le modèle est constamment perfectionné, y compris dans des domaines particulièrement importants pour la Suisse, dans le cadre d'une collaboration internationale. ICON est également utilisé par les services météorologiques de différents pays européens. Oliver Fuhrer cite par exemple le développement d’un système visant à améliorer la modélisation et la prévision du manteau neigeux. Il s'agit d'une donnée importante pour la Suisse, car le fait de savoir s'il y a actuellement de la neige ou non à un endroit donné a des répercussions sur d'autres valeurs comme le rayonnement solaire et la température.
Le passage au modèle ICON modifie également le paysage des partenaires de développement. Alors que MétéoSuisse collaborait principalement avec l'EPFZ et d’autres services météorologiques nationaux dans le cadre du consortium COSMO, la collaboration s'élargit avec ICON à d'autres institutions de recherche comme l'Institut Max Planck de météorologie (MPI-M) à Hambourg ou l'Institut de technologie de Karlsruhe (KIT). « Alors que les services météorologiques donnent la priorité à un fonctionnement stable et à des prévisions fiables, les institutions de recherche s'efforcent de trouver des solutions innovantes et expérimentales », explique Oliver Fuhrer. « Cela produit un processus de développement intéressant et créatif, qui est actuellement en plein essor ».
Connaître les limites du nouveau modèle
Changement de lieu : nous allons dans le centre régional de Genève, où sont établies les prévisions météorologiques pour la Suisse romande. Dans les trois centres météo de MétéoSuisse, les météorologues travaillent 24 heures sur 24, avec des tâches clairement planifiées. Que ce soit pour des prestations météorologiques aéronautiques pour l'aéroport ou la rédaction des bulletins météorologiques pour l'application, il s'agit toujours de prendre des décisions sur la base des résultats des modèles. Adrien Michel, qui travaille ce matin-là comme météorologue, montre son écran sur lequel apparaissent onze scénarios différents pour les précipitations attendues sur la Suisse. Les onze scénarios futurs calculés par le modèle sont très différents les uns des autres. Certains indiquent qu'il va pleuvoir, d'autres montrent une journée essentiellement sèche. Va-t-il pleuvoir ou non ? « Notre tâche consiste à traduire cette incertitude en quelque chose de compréhensible », explique Adrien Michel.