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Les extrêmes de ce mois d’avril sont-ils une conséquence du réchauffement climatique ?

MétéoSuisse-Blog | 25 avril 2024
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En ce dixième jour de fraîcheur, il est intéressant de regarder quelques statistiques de température du mois d’avril, en particulier de quelle manière elles sont distribuées. Les températures basses des derniers jours surviennent juste après des records de chaleur pour la saison. S’agit-il d’une simple conséquence de la variabilité naturelle de la circulation atmosphérique ou pourrait-il s’agir d’une conséquence du réchauffement climatique ?

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Distribution normale des températures

Pour débuter ce blog, prenons un graphique du 5e rapport du GIEC. Ce graphique (figure 1) montre la distribution des températures. L’axe x indique la température et l’axe y la fréquence d’occurrence (par exemple des températures maximales journalières). La courbe montre la distribution de ces températures. On observe une distribution normale (ou gaussienne) des températures, c’est-à-dire que les températures sont équitablement réparties autour de la moyenne (au centre). Dans un climat qui se réchauffe, cette distribution se décale vers la droite (de la courbe traitillée à la courbe continue). Le résultat est qu’il y a davantage d’extrêmes chauds et moins d’extrêmes froids (par rapport à la répartition initiale en traitillé).

Ce graphique de la figure 1 est théorique. Regardons donc ce que cela donne en réalité. Pour cela, nous avons utilisé les données de la station de mesure de Genève, car il s’agit d’une longue série homogénéisée. Toutefois, les explications qui suivent peuvent s’appliquer à toutes les stations du pays. Pour cet exemple, nous avons pris les températures journalières maximales en avril de 1864 à 2023. La figure 2 montre la répartition des températures sous forme d’histogramme. On peut lisser ces données en dessinant la courbe violette. Les températures journalières maximales en avril sont donc comprises entre 1 et 28 °C avec une moyenne à 14,8 °C. Sur cette période, il y a eu environ 800 jours avec une température comprise entre 14 et 16 °C et environ 50 jours avec une température comprise entre 4 et 6 °C.

Dans le graphique suivant (figure 3), nous avons dessiné deux courbes, en violet les températures journalières maximales de la période 1961-1990 et en brun la période 1991-2020. Les points rouge et bleu indiquent quelques températures extrêmes mesurées durant ces périodes ainsi que cette année et depuis le début des mesures en 1864.

La température de 28,3 °C mesurée le 14 avril 2024 se situe à l’extrémité de la répartition, rien de surprenant vu qu’il s’agit de la valeur la plus élevée mesurée depuis 1864. La température maximale la plus basse de ce mois d’avril 2024 a été mesurée le 23 avril avec 8,4 °C. On peut voir que même si elle est largement en dessous de la moyenne, elle est relativement loin des températures les plus basses mesurées (depuis 1864, 1961 ou 1991).

Que peut-on en déduire ?

Ce graphique nous permet donc de tirer quelques conclusions. Tout d’abord, la hausse de la température moyenne en avril engendre un décalage de la distribution vers la droite comme sur le graphique du GIEC. Ce décalage signifie que les extrêmes chauds deviennent plus chauds et que les extrêmes froids moins froids. La courbe 1991-2020 est légèrement plus plate que la courbe 1961-1990, cela signifie que la variance est plus importante. Il y a donc eu une plus grande variabilité dans les températures mesurées durant cette période (c’est-à-dire plus de valeurs éloignées de la moyenne). Si cette variance était encore plus importante, cela voudrait dire que malgré la hausse de la température moyenne et des extrême chauds plus marqués, les extrêmes froids pourraient rester les mêmes. Ce scénario est également illustré par le GIEC (figure 4). Ce n’est toutefois pas le cas dans les données que nous analysons ici.

En regardant nos deux extrêmes du mois (28,3 °C le 14 et 8,4 °C le 23 avril), on peut voir que l’extrême chaud est en phase avec le réchauffement moyen qui entraîne des extrêmes chauds toujours plus chauds. À l’inverse, les 8,4 °C sont loin d’être parmi les températures les plus basses d’avril (même pour une deuxième quinzaine). Notre courbe nous indique que même dans le climat 1991-2020 (et probablement encore pour quelques décennies), des températures plus basses sont encore possibles. Toutefois, la probabilité de battre le record de température maximale la plus basse de 1,1 °C du 5 avril 1911 est de plus en plus faible au fil des ans, et cela semble même impossible aujourd’hui.

Pour répondre à la question du titre, observer de tels extrêmes au cours du même mois n’est pas le résultat du réchauffement climatique. Avec une « combinaison parfaite » dans la circulation atmosphérique permettant d’enchaîner une advection d’air chaud suivie d’une advection d’air froid, une baisse supérieure à 20 °C est théoriquement possible. Par contre, le réchauffement climatique augmente nettement la probabilité d’enregistrer des records de chaleur comme les 28,3 °C mesurés à Genève cette année.