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Dans les coulisses des prévisions de températures

MétéoSuisse-Blog | 15 août 2023
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Derrière les simples valeurs numériques et les courbes de température que vous pouvez voir dans nos produits se cache une chaîne complexe d'étapes de calcul. Dans le blog d'aujourd'hui, nous tâcherons d'exposer les rouages principaux de cette machinerie.

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Autrefois ...

... tout était plus simple : jusqu'au début des années 2000, les Suisses s'informaient de la météo uniquement par la radio, la télévision ou les journaux. Ces canaux annonçaient sommairement la température des jours à venir pour une poignée de stations, voire uniquement pour de vastes régions.

En ces temps pas si lointains, les météorologues prévoyaient eux-mêmes ces quelques valeurs numériques. Ils utilisaient pour cela quelques données simples et des règles empiriques qui fonctionnaient généralement très bien :

  • Climatologie : à Genève, par exemple, la température varie entre 5 et 35 degrés vers la mi-août. Le minimum journalier moyen est de 14 °C, le maximum moyen de 26 °C.
  • Persistance : La température maximale hier, lundi 14 août 2023, était de 33 degrés à Genève. La température maximale d'aujourd'hui, mardi 15 août, sera probablement assez similaire, d'autant que les cartes météo et les données du ballon-sonde de 00 UTC ne montrent pas de réchauffement ou de refroidissement de la masse d'air.
  • En partant de la température à 850 hPa (soit environ à 1500 m d'altitude) donnée par le dernier radiosondage, on peut faire une approximation grossière en appliquant un gradient de température vertical standard, de 1 °C par 100 mètres d'altitude à une altitude moyenne de 400 m sur le bassin genevois. Si la journée est ensoleillée, il faut ajouter de 1 à 3 °C, en revanche s'il pleut la valeur prévue doit être abaissée.

Depuis cette époque, les exigences ont considérablement augmenté. Les sites web et les applications pour téléphones portables permettent de répondre à la demande de prévisions spécifiques à un lieu donné, et non plus seulement pour de grandes régions. Les températures pour des milliers de localités, avec des mises à jour toutes les heures, ne peuvent plus être prévues "à la main" par un prévisionniste : il faut un processus entièrement automatique.

Aujourd'hui : les modèles météorologiques et le "post-traitement"


Au XXIe siècle, les simulations numériques de l'atmosphère, ou "modèles météo", constituent la clef de voûte de toute prévision météorologique. Ces modèles divisent l'atmosphère en petites boîtes selon une grille tridimensionnelle à mailles fines, puis calculent son évolution dans le temps jusqu'à plusieurs semaines grâce aux lois de la physique et au prix de quelques simplifications judicieuses. MétéoSuisse dispose de son propre modèle (COSMO) pour les prévisions à court terme jusqu'à cinq jours sur un domaine contenant la Suisse et son voisinage, et utilise le système global de modélisation ECMWF pour les prévisions à moyen terme ou ailleurs sur le globe.

Les modèles météorologiques n'étant que des modèles, avec leur lot d'hypothèses et de simplifications inévitables, leurs prévisions sont par nature entachées d'erreurs, comme nous l'avons souvent décrit dans ces blogs. Par exemple, l'orographie des Alpes, caractérisée par des vallées profondes et des montagnes élevées, doit être lissée afin d'assurer la stabilité des calculs numériques.

L'image illustre clairement qu'une prévision directe du modèle pour la haute vallée de la Reuss ou pour l'un des nombreux sommets de la région est vouée à l'échec, pour la simple raison que l'orographie n'est pas représentée avec suffisamment de précision.

Outre l'orographie, il existe de nombreuses autres sources d'erreur dans les modèles de calcul. Des problèmes similaires se posent avec les lacs ou les villes à la structure compliquée. On pourrait imaginer des modèles avec une grille beaucoup plus fine, qui permettrait de représenter ces structures, mais le temps de calcul deviendrait astronomique et les modèles ne seraient pas utilisables.

C'est pourquoi la plupart des services météorologiques utilisent des méthodes statistiques sophistiquées afin d'éliminer au moins les erreurs systématiques les plus grossières et d'optimiser ainsi les prévisions.

Post-traitement - corrections statistiques

Le fonctionnement d'un tel procédé statistique est illustré par l'exemple du jeu de données "MOSMIX" du service météorologique allemand (DWD), qui est également utilisé dans les prévisions de température de MétéoSuisse. L'abréviation anglaise "MOS" signifie Model Output Statistics et indique déjà par son nom que les données du modèle servent de valeurs d'entrée. Dans le cas du MOSMIX du DWD, il s'agit des prévisions modélisées brutes et globales du consortium de modèles ECMWF ainsi que du modèle ICON propre au DWD.

Ces prévisions du modèle ont d'abord été comparées aux valeurs mesurées par les stations météorologiques pendant une "période d'entraînement" suffisamment longue. Nous nous concentrons ici sur la température à 2 mètres d'altitude, mais le même principe peut être appliqué à n'importe quelle autre grandeur mesurable (température à 5 cm, vent, humidité, etc).

Le processus de correction (dans le cas de MOSMIX, il s'agit d'une régression linéaire multiple classique) peut être comparée au processus d'apprentissage d'un archer lorsqu'il tire suffisamment longtemps sur la cible. Sa technique de tir est alors analogue à la prévision de température brute des modèles. L'archer expérimenté ou le bon modèle touche déjà d'assez près de la cible dans des "conditions de laboratoire". Mais le tireur est toujours à la merci de facteurs environnementaux supplémentaires dont il ne peut tenir compte que de manière limitée avant un concours : sa forme du jour ou les influences de la lumière et du vent. Dans le schéma ci-dessus, le tireur touche en moyenne toujours trop loin la partie inférieure droite de la cible. Après quelques tirs d'entraînement supplémentaires dans ces conditions, il peut corriger son tir en conséquence et éliminer ainsi ces écarts systématiques. Avec un peu plus de concentration, il réduira peut-être encore la dispersion des différents tirs.

Lors de l'entraînement d'un MOS, il se passe exactement la même chose : en plus de la prévision de température elle-même (la grandeur cible), des paramètres de prévision supplémentaires comme le vent, la nébulosité ou l'état du sol sont pris en compte dans les équations statistiques. Les erreurs systématiques peuvent ainsi être en grande partie éliminées.

Interpolation et extrapolation dans le temps et l'espace

Les corrections statistiques nécessitent des séries de mesures suffisamment longues et de grande qualité. Pour cette raison, les prévisions ainsi optimisées ne sont donc disponibles que pour un certain nombre de lieux. Afin de mettre à disposition des courbes de température continues dans le temps pour n'importe quelle localité, les valeurs corrigées statistiquement sont interpolées ou extrapolées dans l'espace et le temps. Pour ce faire, les systèmes de modélisation sont à nouveau utilisés pour fournir par exemple l'évolution temporelle des variables de prévision ou la plage d'incertitude de la prévision, même en dehors des sites équipés de stations de mesure. Selon l'échéance de la prévision, le meilleur système de modélisation possible sera utilisé, comme l'illustre le graphique suivant.

Lors de l'extrapolation des valeurs des stations dans l'espace, on tient compte non seulement des champs de modélisation surfaciques, mais aussi des caractéristiques réelles de l'orographie, comme l'altitude au-dessus du niveau de la mer ou l'inclinaison des pentes. Après ces étapes d'interpolation et d'extrapolation, des valeurs prévisionnelles corrigées statistiquement sont disponibles pour notre météo dans chaque commune suisse.

Le système data4web de MétéoSuisse calcule toutes les heures de nouvelles prévisions, et prend toujours en compte les dernières valeurs de mesure disponibles ainsi que les données de prévision des modèles météorologiques entrants. Le MOSMIX du DWD ainsi que les prévisions du CEPMMT sont recalculés deux fois par jour et intégrés dans data4web. Le modèle COSMO-1 tourne huit fois par jour, et le modèle COSMO-2 quatre fois par jour.

Traitement graphique et diffusion

La dernière étape consiste à mettre à jour et à visualiser le plus rapidement possible ces données sur le site Internet ou sur l'application de MétéoSuisse. Dans le cas de la température, les incertitudes sont notamment discrètement ajoutées aux courbes d'évolution.

En ce qui concerne les pictogrammes, la grande difficulté consiste à produire, à partir de valeurs abstraites quantifiant la durée d'ensoleillement ou les précipitations, un symbole météorologique facile à comprendre et qui se rapproche le plus possible de ce que vous, chers lecteurs, pourrez voir en regardant le ciel. Ce serait là un sujet de blog à part entière.