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Comment évolue la limite supérieure du stratus ?
MétéoSuisse-Blog | 02 février 2025

Le stratus est un garnement qui généralement casse l’ambiance en hiver dans les situations de haute pression, maintenant une chape de plomb au-dessus de la tête du 90 % de la population et abaissant la qualité de l’air. Pour lui échapper, il faut monter, et la grande question qui se pose est « jusqu’à quelle altitude ? ». Cet article donne quelques pistes pour y répondre.

Image satellite du 2 février à 10 UTC. Source : NinJo et Eumetsat @ MétéoSuisse
Image satellite du 2 février à 10 UTC. Source : NinJo et Eumetsat @ MétéoSuisse
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Le stratus rend visible la stratification de l’atmosphère, très marquée dans les situations de haute pression durant lesquelles l’air tend à s’abaisser de la très haute altitude en direction du sol, dans un phénomène appelé la « subsidence ». Ce faisant, il se comprime, se réchauffe et s’assèche, obéissant ainsi sans le savoir aux lois de la thermodynamique.

En hiver toutefois, la couche d’atmosphère très proche du sol, refroidie par une récente advection froide ou nuitamment par le rayonnement infrarouge de la Terre (surtout si la neige est présente au sol), couche nettement plus lourde, plus humide et plus dense que l’air en provenance de la haute troposphère, ne bouge pas d’un iota ! On donne à cette épaisseur d’atmosphère – réfractaire à tout assèchement – le nom assez imagé de « lac d’air froid », dont le stratus marque la limite supérieure.

Stratification de l’atmosphère bien visible sur le radiosondage de Payerne du dimanche 2 février à 00 UTC. Au-dessus de 850 hPa, de l’air doux et très sec ; au-dessous de 850 hPa, de l’air en partie saturé et nettement plus froid (la température est ici de +3 °C à 1700 m, et de -5 °C à 1300 m).
Stratification de l’atmosphère bien visible sur le radiosondage de Payerne du dimanche 2 février à 00 UTC. Au-dessus de 850 hPa, de l’air doux et très sec ; au-dessous de 850 hPa, de l’air en partie saturé et nettement plus froid (la température est ici de +3 °C à 1700 m, et de -5 °C à 1300 m).

A noter toutefois que si la présence de stratus garantit celle d’un lac d’air froid, l’inverse n’est pas vrai. Un lac d’air froid peut parfaitement être présent sans stratus pour le matérialiser. C’est d’ailleurs le cas en Valais central à l’heure où votre serviteur écrit ces lignes, avec des températures positives à Montana (1500 m) et négatives à Sion (500 m) :

Températures en Valais dimanche 2 février à 08 UTC. Source : Climap@MétéoSuisse
Températures en Valais dimanche 2 février à 08 UTC. Source : Climap@MétéoSuisse

Facteurs influençant la limite supérieure du stratus :

  1. un des facteurs ayant une influence sur la limite supérieure du stratus est bien sûr la force de la subsidence anticyclonique. Plus elle est marquée, plus elle tendra à abaisser la limite supérieure du stratus.
  2. un autre facteur important est la densité de la masse d’air composant le lac d’air froid. Plus cette masse d’air sera froide, dense et lourde, plus elle résistera à la subsidence.
  3. Le vent est le facteur décisif pour déterminer la hauteur du stratus :
    • la bise, courant froid s’écoulant généralement au-dessous du stratus, tend à élever sa limite supérieure au-dessus de 1000 m (généralement entre 1200 et 1500 m).
    • le vent de sud-ouest, chaud, léger et sec, s’écoule au-dessus du stratus et tend à le plaquer vers le sol, abaissant ainsi sa limite supérieure vers 600 à 700 m ; dans cette situation, le stratus peut également toucher le sol et se manifester sous forme de brouillard.
    • en l’absence de vent, la limite du stratus se situera généralement entre 800 et 1000 m.
Vue depuis la Tête de Ran (1400 m dans le Jura neuchatelois) en direction du Val de Travers, de Neuchâtel et des Alpes lors de diverses situations de haute pression.  En haut : situation de bise du 1er février 2025 avec un stratus vers 1200 m environ. Au milieu, situation du 29 décembre 2024, sans vent, avec un stratus entre 800 et 900 m. En bas, situation de sud-ouest du 31 décembre 2024 avec un stratus entre 600 et 700 m.
Vue depuis la Tête de Ran (1400 m dans le Jura neuchatelois) en direction du Val de Travers, de Neuchâtel et des Alpes lors de diverses situations de haute pression. En haut : situation de bise du 1er février 2025 avec un stratus vers 1200 m environ. Au milieu, situation du 29 décembre 2024, sans vent, avec un stratus entre 800 et 900 m. En bas, situation de sud-ouest du 31 décembre 2024 avec un stratus entre 600 et 700 m.

Si déterminer la limite supérieure de stratus est chose « relativement » aisée, prévoir sa dissipation est en revanche un véritable casse-tête tant cette dernière obéit à des lois complexes et parfois contradictoires.

Par exemple, une forte subsidence tend à abaisser la limite supérieure du stratus, ce qui augmente ses chances de dissipation (début février, un stratus à 1500 m a 75 % de chance de ne pas se dissiper ; s’il est à 1000 m, la probabilité de persistance tombe à 60 % et elle n’est plus que de 35 % au-dessous de 800 m). Mais dans le même temps, une forte subsidence renforce l’inversion de température, ce qui diminue les chances de dissipation…

Hauteur du soleil sur l’horizon, vitesse et direction du vent, température et taux d’humidité de l’air en basse couche, force de la subsidence, inversion plus ou moins marquée, présence ou non de neige au sol, et même topographie, autant de facteurs qui ont une influence sur la persistance du stratus… et sur la confiance des prévisionnistes chargés de prévoir sa dissipation et très désireux de terminer leur tour pour refiler la patate chaude à leur successeur.

Ils peuvent toutefois se raccrocher à leur expérience et à l’historique de la situation ; si cette dernière évolue très lentement, on peut souvent partir de l’idée qu’aujourd’hui sera très semblable à hier.

Ça ne marche pas toujours, comme par exemple aujourd'hui... mais c’est un bon début.