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Météorologie et pollution de l'air

MétéoSuisse-Blog | 28 août 2024
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Avec la fin de l’été approchent inexorablement les situations dites «d’inversion». En effet, avec des nuits de plus en plus longues et un soleil progressivement plus bas sur l’horizon, l’air des basses couches se refroidit lentement mais sûrement, alors qu’à haute altitude les températures restent souvent élevées au sortir de l’été. En situations anticycloniques, cet air dense et froid de basse couche – isolé des couches supérieures – peut rapidement voir sa qualité se péjorer en raison des émissions de divers polluants, notamment aux abords des villes. Voyons tout cela plus en détail !

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L’air est constitué d’environ 21 % d’oxygène, 78 % d’azote et de 1 % d’autres gaz, dont la vapeur d’eau. Parmi ces « autres gaz », certains sont toxiques, comme les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde de soufre (SO2) ou encore l’ozone troposphérique (O3). L’air contient également des particules solides suffisamment petites pour être inhalées et provoquer moult troubles à nos voies respiratoires ; c'est le cas des poussières et particules issues de la combustion. Lorsque la situation météorologique s’y prête, tout ce beau monde se regroupe et s’accumule dans les basses couches de l’atmosphère, finissant par constituer un réel problème de santé publique.

L’image satellite ci-dessus montre la nébulosité présente au voisinage de l’arc alpin à 08 UTC le 15 novembre 2018. Les vastes zones en rose montrent du stratus dont la limite supérieure se situe vers 1000 m environ ; en brun, nous voyons les zones dégagées et en bleu les zones enneigées.

Comme nous l’avons souvent mentionné dans ce blog, l’air dans les basses couches se réchauffe et  se refroidit principalement au contact du sol. En automne/hiver, lorsque les nuits sont longues et que le réchauffement diurne est peu marqué, le sol tend à rester froid en permanence, et ainsi l’air à son contact. Il s’ensuit que lorsque l’on s’élève, la température peut en certaines occasions s’accroître au lieu de s’abaisser par décompression comme les règles de la physique lui enjoindraient de le faire. C’est particulièrement le cas en situations anticycloniques, lorsque l’air d’altitude se met en subsidence, se réchauffe et s’assèche. Dans ces situations, la différence de température, d’humidité et de densité entre la masse d’air d’altitude et celle au contact du sol devient si marquée qu’aucun échange ne peut plus avoir lieu entre les deux couches qui s’ignorent superbement. Exemple ci-dessous avec le radiosondage du même jour que l'image satellite ci-dessus :

Le profil vertical de l’atmosphère ci-dessus permet de distinguer deux masses d’air fondamentalement différentes. Au-dessous de 1200 m environ (zone grise), une masse d’air froid et humide ; au-dessus de cette limite, une masse d’air chaud et très sec (le taux d’humidité vers 3000 m avoisine les 7 %). Entre les deux, une inversion de température permettant de gagner 3 à 4 degrés sur moins de 100 m d’altitude.

Ces deux masses d’air sont aussi différentes l’une de l’autre que de l’huile et de l’eau et –  comme elles – il leur est tout à fait impossible de se mélanger. Partant de l’idée que la quasi-totalité des polluants sont produits en plaine, ils restent donc irrémédiablement prisonniers au-dessous de l’inversion, et s’accumulent aussi longtemps que cette situation persiste. En règle générale, seul le passage d’une perturbation assez vigoureuse peut mettre un terme à ces situations d’inversion. En cas de bise toutefois, les concentrations de polluants peuvent momentanément diminuer car l’air de basse couche se trouve brassé, et l’altitude de l’inversion tend à augmenter ; dès lors, les polluants se répartissent dans un plus grand volume. Ce répit ne durera toutefois que le temps de la bise…

Passons maintenant en revue la sinistre galerie de portraits de ces différents polluants, sans perdre de vue cependant que tel Frankenstein, ils sont nos propres créatures… Les valeurs limites qui figurent dans les rubriques ci-dessous sont tirées de l’ordonnance sur la protection de l’air (OPair).

Le monoxyde de carbone (CO)

Composé d’un atome de carbone et d’un atome d’oxygène, ce gaz provient essentiellement de la mauvaise combustion de certains composés organiques contenant du carbone (bois, pétrole, etc…).  Ce gaz combine plusieurs caractéristiques qui le rendent particulièrement dangereux, bien pire encore que son tristement célèbre cousin le CO2 :

  1. Il est très méchant : inhalé en grande quantité, il provoque de violents maux de tête, de la somnolence, et finalement la mort.
  2. Il est très discret : incolore et inodore, il ne signale sa présence que par les symptômes qu’il provoque ; encore faut-il être capable de les reconnaître à temps...
  3. C’est un séducteur : l’hémoglobine de votre sang qui transporte vers vos organes l’oxygène nécessaire à la vie n’hésitera pas une seconde si on lui laisse le choix, elle délaissera l’oxygène pour s’attacher au monoxyde de carbone dont le pouvoir d’attraction est 300 fois plus élevé que celui de l’oxygène.

Limite par 24 heures à ne pas dépasser plus d’une fois par année : 8 mg/m3

Le dioxyde de soufre (SO2)

Héritage de la révolution industrielle, le dioxyde de soufre provient de la mauvaise combustion de combustibles contenant comme il se doit du soufre (charbon, pétrole, gaz, etc…). Il provient essentiellement de certains procédés industriels, comme ceux effectués dans les raffineries de pétrole par exemple, mais également naturels comme les volcans. Incolore et presque aussi discret que le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre est cependant moins toxique ; il se « contente » de provoquer de sérieux problèmes respiratoires. À l’origine de ce que l’on appelle les « pluies acides », il affecte également la vie des plantes.

Limite par 24 heures à ne pas dépasser plus d’une fois par année : 100 µg/m3, valeur limite annuelle 30 µg/m3

Les oxydes d'azotes (NO et NO2)

Certains carburants comme l’essence par exemple, amènent l’azote de l’air à réagir avec l’oxygène à haute température pour former des oxydes d’azote (NO et NO2). Ces polluants sont essentiellement libérés par le trafic automobile ainsi que par l’industrie. Leur concentration dans les agglomérations est de 10 à 100 fois plus grande que dans les zones non urbaines. Des concentrations élevées de ces polluants dans l’air provoquent des problèmes respiratoires et fragilisent le système pulmonaire face aux infections de toutes sortes. Des charges élevées en composés azotés affectent également un grand nombre d’écosystèmes sensibles à l’azote et portent atteinte à la biodiversité.

Limite par 24 heures pour le NO2 à ne pas dépasser plus d’une fois par année : 80 µg/m3, valeur limite annuelle 30 µg/m3

L'ozone (O3)

Si l’ozone stratosphérique est nécessaire à la vie en servant de bouclier contre le rayonnement UV en provenance du soleil, il constitue un gaz toxique dans la troposphère, en particulier proche du sol où il se forme généralement. Il s’agit d’un polluant dit « secondaire », dans la mesure où la présence d’autres polluants, en particulier le NO2, est nécessaire à sa formation. Pour faire simple, lorsque le rayonnement solaire est suffisamment puissant, c’est-à-dire généralement en été, il est en mesure de casser une molécule de NO2 en NO et O. L’atome d’oxygène ainsi libéré va se lier avec une molécule de dioxygène (O2), naturellement présente dans l’atmosphère, pour former de l’ozone (O3). Cet ozone constitue un gaz très irritant pour le système pulmonaire et peut sérieusement affecter les capacités respiratoires. Ayant une durée de vie assez longue de l’ordre de quelques jours, l’ozone peut facilement être transporté par les courants dominants loin de ses zones de production que sont les agglomérations. On le trouve ainsi également en milieu périurbain ou rural où il reste stable, alors qu’il se détruit en milieu urbain en présence de pollution - selon un cycle continu de formation-destruction.

Moyenne horaire à ne  pas dépasser plus d’une fois par année : 120 µg/m3

Les particules en suspension, ou particules fines

Ces polluants ne sont pas des gaz mais des particules solides en suspension, suffisamment petites pour pénétrer les systèmes respiratoire et circulatoire et y provoquer des dégâts, le cancer par exemple. Les PM10 sont des particules d’un diamètre inférieur à 10 microns (millième de millimètre) ; les particules inférieures à 2.5 microns sont appelées « particules ultra-fines ». Parmi les principales sources d’émission de particules fines, on notera le chauffage résidentiel à mazout et surtout à bois, ainsi que le secteur routier, en particulier les véhicules diesel. Certaines particules sont des polluants primaires issus directement de la combustion, d’autres sont des polluants secondaires formés à partir de gaz précurseurs. La pollution hivernale aux particules fines est l’un des principaux problèmes que doit résoudre la politique de la protection de l’air en Suisse.

PM10 : limite par 24 heures à ne pas dépasser plus de 3 fois par année : 50 µg/m3, valeur limite annuelle 20 µg/m3

PM2.5 : moyenne annuelle à ne pas dépasser : 10 µg/m3

Les mesures de protection contre la pollution de l’air

Entrée en vigueur le 1er mars 1986, l’ordonnance fédérale sur la protection de l’air (OPair) s’efforce de limiter les émissions de polluants atmosphériques par toutes sortes de mesures. Depuis son introduction, la qualité de l’air en Suisse est en constante amélioration. Les concentrations des polluants dont il est question dans cet article demeurent cependant souvent supérieures aux valeurs limites fixées dans la loi, notamment pour l’ozone, les oxydes d’azote et les particules fines (PM10 et PM2.5).

MétéoSuisse contribue à sa manière à lutter contre la pollution de l’air en fournissant aux décideurs des prévisions d’inversion et d’évolution de la stratification de l’atmosphère, en particulier de sa stabilité. Il fournit également au public un accès facile aux relevés des services de lutte contre la pollution par l’intermédiaire de son Application et de l’application des cantons « AirCHeck ».

Le public peut quant à lui également contribuer à cette lutte en réduisant autant que faire se peut le chauffage des habitations ou les déplacements en véhicules à moteur thermique (voir à ce sujet les listes des « bons gestes » fournies sur les sites des services de protection de l’air fédéraux et cantonaux).

Voici quelques liens utiles sur le sujet :

Question à 100 sous !

Forts de ces quelques notions, vous pourrez maintenant répondre facilement à la question suivante.

Quelle mouche a donc piqué les concepteurs de l’usine thermique de Chavalon (désaffectée depuis 1999) pour aller, en 1965, construire leur usine à 825 m d’altitude au-dessus de la plaine chablaisienne ?