Contenu

Comment se forme une trombe ?

MétéoSuisse-Blog | 19 août 2024
11 Commentaire(s)

Une jolie trombe a été observée ce dimanche au large de St-Prex, dont les images ont largement circulé. Penchons-nous aujourd’hui sur ce phénomène souvent impressionnant, peu dangereux dans nos régions, mais qui récompense rarement les chasseurs d’images, car très difficilement prévisible.

  • Météo

Pied de page

Navigation top bar

Toutes les autorités fédéralesToutes les autorités fédérales

Qu’est-ce qu’une trombe ?

Il s’agit d’une colonne d’air tourbillonnant reliant la surface d’un plan d’eau à la base d’un cumulus ou d’un cumulonimbus. Lorsque le plan d’eau est un lac, on parle de trombe lacustre, lorsqu’il s’agit de la mer, de trombe marine. La présence d’une trombe se manifeste par une colonne nuageuse ou un cône nuageux renversé en forme d‘entonnoir, sortant de la base du nuage convectif, le tuba, et par un « buisson » constitué par des gouttelettes d’eau soulevées de la surface de la mer ou d’un lac. Le diamètre de ce tourbillon peut varier d’une dizaine de mètres à plusieurs centaines de mètres. Le tuba est rendu visible par la présence de fines gouttelettes d'eau issues de la rapide condensation de l'air aspiré et non de l'eau soulevée du plan d'eau. Ces gouttelettes sont en fait exactement les mêmes que celles qui forment le brouillard et les nuages.

Conditions de formation

Des conditions atmosphériques bien particulières favorisent la formation de trombes. En Suisse, elles se forment le plus souvent en fin d’été lorsque de l'air polaire maritime vient se positionner au-dessus de nos régions. Elles durent entre 2 et 20 minutes et se déplacent à une vitesse de 15 à 25 km/h.

Voici les principaux ingrédients nécessaires pour déclencher ce phénomène :

  • Une eau de surface chaude (souvent supérieure à 20 °C)
  • Une masse d'air relativement froide au-dessus du plan d'eau (températures à 1500m d’environ 5-10 °C, à 3000m d’environ 0 °C)
  • Des vents (cisaillement) faibles  en altitude et dans les basses couches.
  • Une masse d'air humide avec des bases de cumulus relativement basses de l'ordre de 700-1000 m d'altitude.
  • Beaucoup d'instabilité dans la portion inférieure de la masse d'air (entre le sol et 3000m)
  • La présence d'un tourbillonnement horizontal ou vertical préalable

Avec des conditions en place telles que celles décrites ci-dessus, il peut alors s'amorcer une mince rotation à la surface de l'eau. Celle-ci peut provenir de la rencontre de courants d'air de directions opposées au-dessus du lac causés par les courants descendants d'averses se trouvant à proximité. Parfois, la source de la rotation peut également provenir des fronts de brises ou autres courants de basses couches qui rentrent en conflit. Pour les trombes, cette rotation initiale est souvent déjà orientée à la verticale mais dans certains cas, elle peut débuter horizontalement avant d'être basculée à 90 degrés. Ensuite, la rotation à la surface de l'eau devient de plus en plus visible et un anneau d'écume se forme. Evoluant dans une masse d'air instable, cet anneau s'étire verticalement au fil des minutes et peut alors rejoindre la basse du cumulus ou cumulonimbus. En se déplaçant, la trombe laisse souvent derrière elle un sillage, tel que ferait un bateau. Peu à peu, la trombe se dissipe lorsque le courant d'air chaud aspiré vers son centre s'affaiblit. Sa dissipation est quasi-certaine lorsqu'elle atteint la terre ferme, étant privée de sa source d'énergie principale, l'air chaud au-dessus du lac.

La Suisse, avec ses nombreux lacs, n'est pas exempte de trombes.  Si les grands lacs comme le Léman, le lac de Neuchâtel ainsi que celui de Constance ont un riche historique de trombes, des lacs plus petits comme celui de Zurich connaissent une fréquence de trombes plutôt étonnante. Pour le Léman, la dernière occurrence connue avant celle de dimanche dernier date de juillet 2021, et avant celà d'août 2013, avec trois trombes observées. Il faut remonter ensuite à août 2006, puis 2005, 2004, 2002 et 2001 pour retrouver trace de ces tourbillons. Le lac de Constance, de par son orientation et la disposition du relief environnant, est sans aucun doute le lac qui connaît la plus grande fréquence de trombes, le dernier événement en date ayant eu lieu le 18 avril 2017. Il faut noter que pour les grands lacs, les secteurs les plus concernés par les trombes sont leur bassin oriental. L'explication à cela réside dans le fait que les épisodes de trombes ont principalement lieu par vent de secteur ouest ou nord-ouest, régime de vents qui pousse les eaux chaudes de surface vers l'extrémité est de leurs bassins respectifs. Dans nos régions, les trombes se produisent généralement après le passage d'un front froid, dans un temps de traîne pas trop ventilé. Le seul cas connu de trombe mésocyclonique en Suisse a été observé sur le Léman dans la journée du 18 juillet 2005, lorsqu'une supercellule a traversé le Grand Lac et le Haut-Lac. Cette intense trombe tornadique a touché terre au Bouveret, devenant donc "vraie" tornade et infligeant de gros dégâts à ce secteur.

Cet article est largement inspiré de 2 blogs parus en 2015 et 2017 et qui ne sont plus acccessible en ligne aujourd'hui. Merci à Lionel Peyraud et Dean Gill.

La trombe tornadique du 18 juillet 2005 a fait l'objet d'un article dans l'AMS Journal (American Meteorological Society), le 1er décembre 2013.