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25 ans après - Les inondations de l'Ascension et de Pentecôte 1999

MétéoSuisse-Blog | 20 mai 2024
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Avalanches, inondations, ouragan Lothar - l'année 1999 a été marquée par toute une série d'intempéries. Les inondations de l'Ascension et de Pentecôte 1999 font toujours partie, 25 ans plus tard, des événements météorologiques les plus remarquables de notre époque. Voici le contexte météorologique qui a conduit aux "inondations du siècle" avant le changement de millénaire.

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Contexte des inondations du siècle

Après les avalanches dévastatrices de l’hiver très enneigé avec des hauteurs de neige record de 5 à 8 mètres en un mois, on s’est vite rendu compte que toute cette neige allait provoquer des débits énormes en plaine par la suite. Comme le décrit une analyse de l'OFEV  "la neige de hier fait le débit de demain". Les craintes se sont confirmées. Les deux crues printanières qui se sont suivies de près ont causé des dommages à hauteur de 580 millions de francs, la plupart dans le canton de Berne. Mais l'ensemble du Plateau ainsi que les régions préalpines voisines ont été touchés.

Rétrospective météorologique

Après un mois de février très pluvieux, la Suisse alémanique a connu des quantités de précipitations extrêmes en mai. Dans les Préalpes centrales et orientales et en partie sur le Plateau oriental, ce mois de mai 1999 a été le plus pluvieux du siècle. La période de pluie s’est étendue du 4 au 22 mai. Des pluies extrêmes se sont produites du 11 au 14 mai et à nouveau le 21 mai ; les inondations ont provoqué d'importants dégâts. Les seuls dommages aux bâtiments se sont élevés à 240 millions de francs.

Ces inondations se sont produites en trois phases.

Phase 1 : inondations en Suisse alémanique après les fortes pluies des 11 et 12 mai

Les 11 et 12 mai, une limite de masse d'air marquée s'est étendue à travers le nord des Alpes. L'air chaud et humide a été soulevé pendant une longue période entre les Alpes et le front froid situé au nord de la Suisse et poussant vers le sud. Des précipitations intenses et stationnaires se sont produites. Avec une direction de vent constante, la zone d'intensité maximale des pluies est restée stationnaire pendant de nombreuses heures le 12 mai, s’étendant du Jura à l'est de la ligne Rheinfelden-Olten, passant sur la région du Napf, le centre du Plateau et les régions préalpines adjacentes jusqu’en Suisse orientale, dans les régions situées entre la Thur et l'Alpstein, où il est tombé plus de 75 l/m2 de pluie en 24 heures. Du Gösgen à la région de Zurich, de l'Oberland zurichois à Saint-Gall et au massif du Säntis plus de 125 l/m2 ont été enregistrés.

A Buchs-Suhr, il est tombé 103 l/m2 de pluie en 18 heures, soit plus que la normale pour tout le mois de mai (valeur normale : 92 l/m2). A Zurich, 138 l/m2 de pluie ont été mesurés en 24 heures.

Les pluies extrêmes ont provoqué, en particulier dans le nord-est de la Suisse et dans les cantons de Zurich et d'Argovie, des inondations locales dues à des rivières qui sont sorties de leur lit et ont inondé des caves. La Reppisch et le Wüerebach ont inondé à plusieurs endroits la route principale de la vallée de la Reppisch (ZH). En Argovie, la Bünz est sortie de son lit et a causé des dégâts dans une grande partie de la vallée de la Bünz. Les communes d'Othmarsingen et de Möriken-Wildegg ont été particulièrement touchées.

Les dommages sont souvent dus au fait que les prises d'eau construites à l'époque étaient trop petites pour de telles quantités d'eau.

Par la suite, des cours d'eau plus importants ont également posé problème. La Limmat a inondé des chemins riverains, notamment à Zurich et Dietikon. Dans la nuit du 13 mai, le Rhin a atteint un niveau record en aval de Coblence. Près de Rheinfelden, le débit du Rhin a dépassé, avec 4284 m3/s, la valeur maximale mesurée jusqu'alors, en 1994. Dans la vieille ville de Rheinfelden, l'eau a atteint 1,5 m de hauteur. Des parties du Petit-Bâle ont également été inondées. Heureusement, les digues de la Thur ont résisté à l'énorme pression de l'eau. A Altikon (ZH), la digue a toutefois dû être renforcée par des mesures d'urgence afin d'éviter une rupture du barrage.

Plusieurs lignes de chemin de fer ont été interrompues dans toute la Suisse alémanique et les routes sont devenues impraticables. Une coulée de boue a fait dérailler un train à Aathal (ZH). La ligne ferroviaire Rudolfstetten-Dietikon a dû être fermée pendant deux jours, la ligne Bremgarten-Wohlen pendant une semaine.

Phase 2 : Niveaux records sur les lacs après de nouvelles précipitations

Alors que la situation des inondations s'est détendue dans les premières régions touchées du Plateau avec la fin des pluies le 13 mai, la limite des masses d'air s'est déplacée vers le versant nord des Alpes. Certes, les précipitations n'y ont pas été aussi extrêmes que sur le Plateau. Mais les pluies ont duré du 11 au 14 mai et ont été par moments très intenses. La moitié du versant nord des Alpes a reçu plus de 100 l/m2 de pluie du 11 au 14 mai. Les vallées de la Simme et de la Kander ont été fortement touchées.

Ruisseaux et rivières ont augmenté alors de manière dramatique, et par conséquent le niveau des lacs s’est élevé.

Dans la nuit du 15 mai, la Linth a frôlé le seuil critique. La Reuss a atteint des niveaux de crue critiques. Le lac des Quatre-Cantons est donc entré en crue et le 15 mai, il n'était plus qu'à quelques centimètres de la marque critique et menaçait le centre de congrès de Lucerne.

Les Bernois ont eu moins de chance. La Simme et la Kander ont connu des crues extrêmes. De nombreuses liaisons de transport dans le Simmental et le Diemtigtal ont été interrompues. Le 14 mai, le lac de Thoune a débordé, dépassant le 15 mai de 35 cm le précédent record de 1910.

Le record était donc d'environ 70 cm au-dessus de la "limite des dommages". Sur 4 km, l'eau a pénétré jusqu'à 400 m à l'intérieur des terres et a inondé des maisons.

La vallée de l'Aar a également été fortement touchée par les inondations. Le terrain de l'aéroport de Belpmoos était sous l'eau. L'autoroute A6 n'était parfois plus praticable que sur une seule voie. A Berne, le niveau de l'Aar a atteint un nouveau record depuis le début des mesures en 1917 et a débordé des deux côtés dès le 13. Le 14 mai, l'Aar a atteint un nouveau niveau record et a inondé tout le quartier de la Matte. Les habitants ont dû être évacués. Dans tout le canton de Berne, plus de 500 maisons ont été inondées.

Des dégâts à petite échelle ont également eu lieu dans les cantons de Schwyz, Zoug et Lucerne suite à des débordements de ruisseaux et des glissements de terrain.

Le 14 mai, un glissement de terrain a interrompu la ligne CFF Berne-Lucerne à travers l'Entlebuch. La ligne du Brünig et la ligne Zoug-Arth-Goldau étaient également impraticables.

Heureusement, à partir du 14 mai, le temps s'est calmé et la situation des crues s'est peu à peu détendue. Seul le lac de Constance, dont la montée des eaux est plus lente en raison de sa taille, a annoncé une tendance à la hausse et s'est rapproché du seuil critique de crue.

Les précipitations extrêmes ont été la cause principale de ces crues. Comme il s'agissait de masses d'air chaud et humide, il a plu jusqu'à des altitudes élevées. Les précipitations se sont ainsi immédiatement écoulées. Lors des pluies printanières comparables du 6 au 9 mai 1985 et du 20 au 23 juin 1973, il avait en revanche neigé au-dessus de 1500 m environ, et une partie des précipitations était restée en altitude sous forme de neige.

Le fait que les sols aient été détrempés avant l'arrivée des fortes pluies, après un mois d'avril très pluvieux et en raison de la fonte de la neige due aux températures élevées, a également joué un rôle défavorable. Selon le Service hydrologique national, la fonte directe de la neige pendant les fortes précipitations a en revanche joué un rôle nettement moins important. Le fait que la contribution de la fonte directe de la neige aux volumes d'écoulement n'ait pas été particulièrement importante s'est clairement manifesté dans les régions où les précipitations ont été moins importantes (vallée supérieure du Rhin, vallée du Rhône, Haslital). Dans ces régions, aucune situation de crue critique n'a été signalée à ce moment.

Phase 3 : Fortes pluies à Pentecôte du 20 au 22 mai sur le versant nord des Alpes, dans le Vorarlberg et en Bavière.

Une nouvelle dépression avec de l'air très humide s'est déplacée sur la fameuse trajectoire de type Vb du 20 au 22 mai au-dessus du centre et de l'est de l'espace alpin. Les vents d'altitude du nord ont poussé l'air humide de la Méditerranée contre les Alpes. Cela a de nouveau entraîné des pluies de barrage extrêmes. En Suisse, il est tombé localement plus de 100 l/m2 de pluie de Glaris à l'Alpstein.

Dépression de type Vb

Le nom de dépression Vb ou "dépression cinq b" est dû au météorologue allemand .Wilhelm Jacob van Bebber Il a étudié les trajectoires récurrentes des zones de basse pression en Europe et les a catégorisées avec les chiffres romains Ia à VIb. La situation météorologique Vb, qui est régulièrement responsable de précipitations persistantes et abondantes, notamment sur l'est de l'Europe centrale, est toujours en usage aujourd'hui. La dépression Vb est généralement une dépression sous le vent qui se forme dans la région du golfe de Gênes, du nord de l'Italie ou de l'Adriatique et qui se déplace ensuite vers le nord-est sur l'est de l'arc alpin. De par son origine, la dépression amène de l'air méditerranéen très humide vers l'Europe centrale. Plusieurs inondations en Europe centrale sont dues à une dépression Vb.

Cela a provoqué de nouvelles crues dans le canal de la Linth et dans le Toggenburg. Le lac de Zurich a également atteint le 23 mai son niveau le plus élevé depuis le début des mesures. Comme les écluses de la Limmat ont dû être entièrement ouvertes, celle-ci a débordé à Höngg, Schlieren et Dietikon. En Suisse centrale, le lac des Quatre-Cantons a partiellement débordé. Il a inondé la rive droite à Lucerne dans le secteur du Musée des transports et du Lido. A Stansstad et Flüelen, des routes ont été fermées.

Des pluies extrêmes dans le Vorarlberg ont également fait gonfler le Rhin supérieur. Le lac de Constance a alors débordé. Le 23 mai, le lac de Constance a atteint son niveau le plus élevé depuis 1890.

Des glissements de terrain ont menacé des localités (Sörenberg, Weesen) ou détruit des lignes de chemin de fer (Prättigau, Brünig). A Bristen/UR, un glissement de terrain a détruit un chalet et fait une victime. Dans le sud de la Bavière, des ruptures de barrage ont également provoqué d'importantes inondations et fait quatre morts.

à partir du 25 mai, la situation s'est lentement normalisée sur l'ensemble du nord des Alpes et la décrue  des rivières et des lacs s’est lentement amorcée. Une baisse rapide du niveau des lacs et des rivières a été empêchée par la persistance d'un temps peu clément en juin. Seul le lac de Constance a encore atteint le 7 juin le niveau maximal du 23 mai, avant que les niveaux ne baissent ici aussi.