Après les aurores boréales et leur poésie céleste, voici une nouvelle activité liée à la météorologie, plus terre à terre, demandant un peu d’engagement, mais non dénuée de charme.
Avez-vous déjà remarqué que les grillons chantent à un rythme différent d'un jour à l'autre ? Ce constat a également intrigué le physicien et inventeur américain Amos E. Dolbear (1837 - 1910), qui a pu établir une relation entre la fréquence des stridulations et la température, étude publiée dans un court article du magazine « The American Naturalist » en 1897.
Le printemps, c'est en effet le retour du grillon des champs (Gryllus campestris) et du « cri-cri » caractéristique émis par les mâles se frottant les ailes pour marquer leur territoire et attirer les femelles.
Le grillon appartient à la classe des insectes et est un animal à sang froid : sa température corporelle dépend de celle de l'environnement. Dans des conditions froides, le grillon se déplace plus lentement, tandis qu'à des températures plus élevées, il devient progressivement plus actif. Cela a également une influence sur la vitesse de frottement de ses ailes : lorsqu'il fait chaud, les « cri-cri » individuels sont plus rapprochés.
Un grillon solitaire, surtout pendant la journée, émet des sons plutôt aléatoires. La nuit, en revanche, les nombreux grillons d'une prairie se synchronisent : ils « chantent » tous à l'unisson, comme s'ils étaient guidés par la baguette d'un chef d'orchestre. En plus de se synchroniser entre eux, les grillons stridulent à un rythme très régulier, qui dépend de la température ambiante.
La loi de Dolbear
Muni d'un chronomètre et d'un thermomètre, Dolbear, après avoir écouté les grillons pendant un certain temps, formule une loi empirique permettant d'estimer la température à partir du nombre de stridulations par minute. En tant qu'Américain, la loi originale s'appliquait aux températures en degrés Fahrenheit :
Tf = (N - 40)/4 + 50
où N est le nombre de stridulations par minute. Pour simplifier, si nous comptons le nombre N' de stridulations en 15 secondes, nous avons :
Tf = N' + 40
Par exemple, pour 25 stridulations en 15 secondes, on obtient une température de 65 °F.
Pour des degrés Celsius, on modifiera ainsi la formule :
Tc = (N - 40)/7 + 10
Pour simplifier, si nous comptons N'' en stridulations sur 8 secondes :
Tc = N'' + 5
Par exemple, si nous comptons 20 stridulations en 8 secondes, nous obtenons Tc = 25 °C.
Il reste à savoir qu'en dessous d'une certaine température (environ 13 °C), les grillons n'émettent pas de stridulations ; la formule devrait néanmoins fonctionner pour des températures nocturnes estivales normales.
Passons maitenant à l'exercice proprement dit.
Étalonnage
Dolbear a formulé sa loi en observant une espèce particulière de grillon (que l'on pense être l'« Oecanthus fultoni ») et les conditions climatiques de la région où elle vivait. La loi n'est pas nécessairement exacte pour les grillons champêtres européens.