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Les subtilités du foehn

MétéoSuisse-Blog | 29 octobre 2023
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Le foehn, c’est comme le reste, un peu capricieux mais beaucoup plus subtil qu’il en a l’air ! Et à force de l’observer, on finit par bien le connaître, même si la prévision de son irruption dans tel ou tel endroit précis reste toujours difficile. Cet exemple de la répartition du foehn dans le Haut-Valais a pour objet de montrer l'influence de l'altitude de la crête des Alpes sur les propriétés thermiques ainsi que sur la répartition du foehn. Attention, c'est un peu technique mais pas inintéressant. Accrochez-vous ! C'est parti...

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Il faut savoir que le foehn souffle d’autant plus facilement jusque dans le fond des vallées que le passage par lequel il franchit les Alpes est bas. Cela s’explique assez « facilement » comme suit :

l’air grimpant le long du versant sud des Alpes perd en moyenne 0.6 °C / 100 m par refroidissement dans une atmosphère saturée ; en redescendant de l’autre côté, il gagne 1 °C / 100 m en atmosphère non saturée. En deux mots, il gagne plus en redescendant que ce qu’il a perdu en montant ; et donc plus il monte haut, plus il gagne !

Ainsi par exemple, une masse d’air qui franchit un col à une altitude de 2000 m et à une température de 0 °C possèdera en arrivant dans le fond de vallée du nord des Alpes à une altitude de 500 m une température de 15 °C (réchauffement de 15 °C sur le versant nord). Si cette même parcelle d’air monte jusqu’à 3000 m avant de franchir les Alpes, elle aura alors à ce moment-là une température de -6 °C, donc potentiellement une température de 19 °C dans le fond de vallée du nord des Alpes à 500 m (réchauffement de 25°C sur le versant nord).

En période automnale et hivernale, les situations de foehn sont fréquemment précédées de situations anticycloniques favorables à la formation de lacs d’air froid dans les fonds de vallées, en particulier en hiver. Cet air froid, dense et lourd se laissera donc logiquement plus facilement raboter par un foehn relativement frais provenant d’un col peu élevé que par un foehn très chaud originaire de la crête des Alpes.

Cette stratification du foehn en fonction de l'altitude de passage des Alpes est schématisée dans l'illustration ci-dessous :

Les différentes « branches » du foehn dans le Haut-Valais

Cette réalité se laisse bien appréhender si l’on considère les situations de foehn dans la région de Viège (carte ci-dessus). Dans cette région, le foehn provient du col du Simplon situé vers 2100 m ; il souffle de secteur Est et est relativement froid. Ce vent d’est souffle même parfois faiblement de secteur nord à l’intérieur de la basse vallée de la Vispa où il se heurte, dans les environs de Stalden, au foehn de la vallée de Saas nettement plus chaud soufflant de secteur sud-est en provenance du col du Monte Moro situé à 2800 m. Le foehn de la vallée de Saas glisse sur le foehn du Simplon sous-jacent et plus froid et souffle probablement loin au-dessus de la vallée de la Vispa en direction de Viège, où il finit par se mélanger au foehn du Simplon devenant potentiellement plus chaud au fur et à mesure qu’il s’abaisse.

D’après le garde-forestier de Viège, Alban Brigger, le foehn à Stalden vient toujours de la vallée de Saas et jamais du Mattertal (vallée de Zermatt). Ce fait s’explique également par l’altitude des cols franchis respectivement par les deux branches de foehn. Alors que l’altitude du col de Monte Moro franchie par le foehn de la vallée de Saas est de 2800 m, celle du col de Theodule emprunté par le foehn du Mattertal est de 3300 m. On rencontre encore le foehn du Mattertal à Randa, situé à 1400 m, à quelques kilomètres en aval de Zermatt, mais il est plus que probable qu’il soit ensuite pratiquement inconnu entre Randa et Stalden.

Les quelques illustrations ci-dessous résument en images le concept de la stratification du foehn dans le Haut-Valais.

Les records de chaleur dans les vallées sont souvent liés au foehn

En situations de foehn anticyclonique, le foehn du Simplon est également moins chaud que le foehn du Saastal, lui-même moins chaud que le foehn du Mattertal. C’est par une telle situation que le thermomètre indiqua 31.9°C à Zermatt le 31 juillet 1983 ; une telle masse d’air aurait atteint la température de 42°C à Viège (650 m). A Saas Almagell, située comme Zermatt à 1650 m, la température mesurée fut de 28.8°C ; ce foehn aurait donc atteint à Viège une température de 39°. Dans les faits, la température mesurée ce jour-là à Viège, sous l’influence du foehn du Simplon, fut de « seulement » 36 °C.

Il va sans dire que les principes de base qui s’appliquent à cet exemple du Haut-Valais sont valables dans toutes les régions du monde où souffle le foehn et quel que soit son nom, qu’il s’agisse de l’Ecosse, des montagnes rocheuses canadiennes ou des Pyrénées.

Bonne semaine à tous nos fidèles lecteurs ; aux moins fidèles aussi !