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Nouvelle surchauffe en altitude (mise à jour)

MétéoSuisse-Blog | 31 août 2023
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Un afflux d’air chaud entre dimanche et lundi associé à un bloc de haute pression (Omega bloc) sur les Alpes, s’accompagnera d’un important réchauffement. L’effet de « subsidence » (descente et donc compression et réchauffement de l'air) dans le cœur de ce bloc anticyclonique pourrait à nouveau surchauffer la masse d’air en altitude avec un isotherme du 0 °C avoisinant, voire dépassant, les 5000 m d'altitude.

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Un isotherme du 0 °C encore au-dessus de 5000 m ?

Pour souvenir dans la nuit du 20 au 21 août 2023, l'isotherme du 0 °C au-dessus de la Suisse avait atteint une altitude record de 5298 m. Le précédent record qui datait du 25 juillet 2022 a été nettement battu, puisqu’il se situait à 5184 m.

Le mardi 05 septembre 2023,  dans ce « bloc oméga » de haute pression (voir Figure 1), l’isotherme du 0 °C pourrait à nouveau atteindre, voire dépasser les 5000 m. Les dernières simulations du modèle IFS donnent des altitudes de l’isotherme du 0 °C comprises entre 5100 et 5300 m au-dessus de la Suisse.

Les simulations d'il y a deux jours donnaient des altitudes plus modérées avec des altitudes maximales plutôt entre 4600 m et 5000 m.

Pour rappel, les mesures de l'altitude quotidienne de la limite du 0 °C sont effectuées depuis 1954 à l'aide de ballons-sondes envoyés depuis Payerne

Qu'est-ce qui explique cet air exceptionnellement chaud en haute altitude ?

Deux mécanismes sont à l'œuvre. Le premier est le transport d'air subtropical par un courant de sud-ouest associé à la dépression sur l'ouest de la Péninsule Ibérique (le B à gauche de la lettre Oméga sur le Figure 1). Ce transport d'air chaud en altitude favorise la formation d'une crête anticyclonique au-dessus des Alpes (le H sur la Figure 1). Le deuxième mécanisme est d'origine thermodynamique : comme l'air au sein d'un anticyclone descend de la haute troposphère (vers 10 km d'altitude) jusque dans les basses couches, il se comprime sous l'effet de la pression de plus en plus élevée. En se comprimant, cet air se réchauffe et forme donc une anomalie thermique sur toute la troposphère, que l'on nomme souvent dôme de chaleur. C'est comme l'air de votre pompe à vélo que vous comprimez : il se réchauffe et vous avez sûrement constaté que la valve de la pompe devient aussi chaude au toucher.

Est-ce que cette situation est exceptionnelle?

Par l'amplitude du réchauffement en altitude, oui, cette situation est exceptionnelle d'un point de vue climatique. Même si pas plus tard qu'il y a deux semaines, on mesurait un isotherme du 0 °C en dessus de 5000 m et que cela n'a été atteint seulement 3 fois depuis 1954, ça reste exceptionnel. La Table 1 montre les records de l'altitude de l'isotherme du 0 °C. Comme les prévisions montre une altitude entre 5100 et 5300 m entre lundi et mardi, cela constituerait au moins un top 4 tout mois confondus. Le record du 21 août dernier pourrait même avoir chaud (et c'est le cas de le dire). Dans tous les cas, une valeur en dessus de 4903 m battrait le précédent record pour un mois septembre qui date de 2016. On remarque également que toutes les valeurs dans le top 10 ont été mesurées après 1992 et 4 d'entre elles dans les 4 dernières années. Nous rappelons que l'altitude de l'isotherme du 0 °C est mesurée quotidiennement depuis 1954 par le radio-sondage de Payerne. Comme beaucoup de records témoignant du réchauffement climatique en cours, on constate qu'ils sont très récents et que la probabilité que chaque année batte un record d'indice de chaleur est élevée.

Qu'en sera-t-il des températures en plaine ?

Bien que l'air en haute altitude sera aussi chaud que durant la récente canicule, les températures en plaine seront 5 à 8 °C plus basses. D'une part, la température dans les basses couches de l'atmosphère sera environ 4 °C plus basse que durant la canicule d'août. D'autre part, l'intensité du rayonnement solaire étant plus basse et la durée du jour plus courte qu'en août, les températures en plaine ne pourront pas grimper aussi haut pendant la journée et descendront d'autant plus pendant la nuit. Finalement, qui dit situation anticyclonique en automne, dit stratus ou brouillard. En effet, durant les nuits plus longues, le refroidissement radiatif en surface est suffisant pour former une inversion de température (c'est-à-dire une couche d'air proche du sol où la température augmente avec l'altitude jusqu'à atteindre le sommet de l'inversion). L'humidité dans les basses couches est ainsi piégée en dessous de cette inversion, qui agit comme un couvercle, et forme une couche de brouillard ou de stratus. Ces grisailles matinales devraient se dissiper facilement en journée à la faveur d'un rayonnement solaire quand même conséquent en début septembre, mais seront suffisantes pour réduire l'ensoleillement et donc les températures maximales. Pour faire simple, on peut s'attendre dans les régions les plus chaudes (p.ex. l'ouest lémanique) à des minimales entre 16 et 18 °C et des maximales entre 28 et 31 °C en milieu de semaine prochaine. Cela reste 7 °C en dessus des normes pour septembre, mais loin des records (35.0 °C record de température maximale pour un mois de septembre à Genève).

En résumé : situation exceptionnelle en haute altitude et bien au-dessus des normes en plaine, mais loin des records.

Combien de temps cela va durer ?

Comment souvent dans ces situations de blocage anticyclonique, le début est facile à prévoir, mais la fin plus difficile. Le pic de température en haute altitude est attendu entre lundi et mardi et l'isotherme du 0 °C devrait redescendre en fin de semaine prochaine. En plaine, le pic de température pourrait durer plus longtemps. La Figure 3 montre la distribution de la température maximale prévue à Genève jusqu'au 14 septembre. On voit que des maximales de 30 °C sont possible entre mercredi et dimanche, mais deviennent moins probables par après. On voit également que l'incertitude de la prévision augmente sur la fin de la période (l'intervalle entre les quantiles 10 % et 90 % augmente). Dans tous les cas, les températures maximales seront en dessus des normes toute la semaine prochaine (la prévision se situe toujours au-dessus de la médiane de la climatologie du modèle). Vous trouverez plus d'informations sur les notions de probabilités utilisées en prévision sur cette page de notre site. Les prévisions mensuelles de MétéoSuisse sont disponibles sur ce lien.