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Anticyclone et pollution de l’air

MétéoSuisse-Blog | 09 septembre 2023
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Dans l’imaginaire collectif, anticyclone rime avec « beau temps ». On peut débattre de l’utilisation du terme subjectif « beau temps » en météo, mais dans tous les cas, des conditions anticycloniques persistantes conduisent souvent à une augmentation de la pollution de l’air et là on s’accordera à dire, plus objectivement cette fois, qu’on ne peut plus parler de « beau temps ».

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Accumulation de la pollution au sein d’un anticyclone

Une des particularités d’un anticyclone est que l’air y est stagnant. Cela a pour conséquence que la pollution tend à s’accumuler dans les basses couches et à diminuer la visibilité. L’image ci-dessus montre bien que la visibilité était encore bonne le 1er septembre juste avant l’établissement de l’anticyclone actuel, mais qu’aujourd’hui elle est bien moins bonne, de sorte à ce qu’on ne voit même pas Lausanne sur la partie droite de l’image (correspondant à aujourd’hui), alors qu’on voit bien Thonon et Évian sur la partie de gauche (correspondant au 1er septembre).

Quels polluants diminuent la visibilité ?

Quand on parle de pollution de l’air, il faut distinguer les particules en suspension des gaz. Dans le premier cas, il s’agit de particules solides en suspension dans l’air émises soit directement par les industries, les sites de constructions et les véhicules ou formées par des réactions chimiques avec des gaz (oxydes d’azote ou de soufre, NOX et SOX) émis par les mêmes sources. On classe ces particules en deux catégories de taille : les PM10 et PM2.5 pour particulate matter < 10 micromètres et < 2.5 micromètres. À titre de comparaison, un cheveu fait en moyenne 70 micromètres de diamètre. Plus ces particules sont petites, plus elles pénètrent en profondeur dans nos voies respiratoires. Ce sont principalement ces particules qui diminuent la visibilité.

Dans le cas des gaz, il s’agit surtout du dioxyde d’azote NO2 et de l’ozone O3 qui peuvent enflammer les voies respiratoires. Alors que le dioxyde d’azote est directement émis par les véhicules, l’ozone se forme par interaction entre le rayonnement ultraviolet et des composés organiques volatils et des oxydes d’azote émis par la combustion d’énergies fossiles.

Mais finalement l’ozone, c’est bien ou c’est pas bien ?

Vous avez sûrement entendu parler de la couche d’ozone qui nous protège en grande partie du rayonnement ultraviolet du soleil. Maintenant vous lisez dans ce blog, si vous ne l’avez déjà pas entendu ailleurs, que l’ozone est néfaste pour les voies respiratoires. Mais alors l’ozone, c’est bien ou c’est pas bien ? Ça dépend où il se trouve. En soit, respirer de l’ozone est néfaste pour la santé. Heureusement, la majorité de l’ozone dans l’atmosphère se trouve entre environ 30 et 35 km d’altitude dans la stratosphère et forme la couche d’ozone. Cet ozone se forme dans un cycle de réactions chimiques faisant intervenir l’oxygène O2 et le rayonnement ultraviolet du soleil. La couche d’ozone permet la vie sur terre telle que nous la connaissons, car elle protège les espèces vivantes de la partie la plus néfaste du rayonnement ultraviolet du soleil. Avant environ 600 millions d’années, la couche d’ozone n’était pas présente et la vie n’existait que dans les océans à des profondeurs suffisantes pour que le rayonnement ultraviolet soit suffisamment absorbé. La couche d’ozone aurait donc permis à la vie d’apparaître en dehors des océans. Vous savez maintenant l’essentiel (ou presque) sur l’ozone stratosphérique. Cependant, il y a également de l’ozone dans la troposphère (la couche de l’atmosphère entre le sol et environ 10-12 km d’altitude). Cet ozone est produit proche du sol par interactions entre des gaz émis par la combustion d’énergie fossile et le rayonnement ultraviolet du soleil. Cet ozone est néfaste, car il se trouve dans l’air que nous respirons ! La problématique de la pollution de l’air par l’ozone troposphérique est particulièrement présente en été, car le rayonnement ultraviolet est intense et les températures sont hautes.

Concentrations actuelles

La Figure 2 montre les concentrations de PM10, NO2 et O3 des 4 derniers jours à Lausanne. La concentration de PM10 est autour de 20 microgramme par mètre cube (μg/m3), ce qui est considéré comme faible à modéré. C’est surtout la concentration en ozone qui est plus significative et plus néfaste actuellement avec des valeurs autour de 150 μg/m3 en fin de journée. On remarque un fort cycle diurne dans la concentration d’ozone. En effet, comme sa production dépend énormément de l’intensité du rayonnement ultraviolet et de la température, elle commence à augmenter le matin et ne diminue que dans la nuit. Nous rappelons que vous pouvez trouver des cartes de pollutions de l’air sur notre App sous Sport et santé > Qualité de l’air.

Inversion de température marquée en hiver

En hiver, les conditions anticycloniques conduisent généralement à une inversion de température marquée :  le sol se refroidit beaucoup pendant la nuit, refroidissant ainsi l’air directement en dessus, alors qu’à plus haute altitude en dessus du sol, la température de l’air n’a pas de cycle jour/nuit. Comme les jours sont courts, l’ensoleillement en journée ne permet souvent pas de réchauffer suffisamment le sol et un lac d’air froid se forme en plaine : il fait alors plus chaud en montagne qu’en plaine. Cela veut aussi dire que les polluants sont piégés proche du sol, car l’inversion de température agit comme un couvercle qui bloque l’air en dessous (du stratus se forme souvent juste sous l’inversion). L’ozone n’est plus trop un problème en hiver, car le rayonnement ultraviolet est plus faible, mais les concentrations de PM10 et PM2.5 peuvent être importants en cas de situations anticycloniques durables.

Et ces prochains jours ?

L’arrivée progressive d’une masse d’air moins chaude avec des précipitations et un vent de sud-ouest va permettre de nettoyer la masse d’air actuelle qui s’est « encrassée » dans l’anticyclone. On peut s’attendre à une meilleure visibilité et moins de pollution en plaine dès mercredi, mais avec un temps assez nuageux et des averses. Faudra-t-il parler alors de « beau temps » ? Nous vous laissons méditer sur cette question. En attendant, l’auteur de ce blog va quand même profiter du soleil et de ce qui lui reste de son samedi.