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Risque de microrafales sèches
MétéoSuisse-Blog | 18 juin 2023
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Ce dimanche et au début de la semaine à venir, le risque orageux va progressivement augmenter. Dans un premier temps, l’air sec près du sol pourra favoriser le phénomène de microrafales sèches sous certaines cellules orageuses. Ce blog tente d’expliquer ce phénomène plus en détail.

Schéma conceptuel d'une microrafale orageuse. Source : wikipedia.org
Schéma conceptuel d'une microrafale orageuse. Source : wikipedia.org
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Changement de régime météorologique

Dès ce dimanche, et comme expliqué dans le blog du vendredi 16 juin, un changement de régime météorologique se met en place avec le décalage progressif vers l’est de la dorsale (crête de haute pression) qui nous a protégé ces derniers jours. Elle sera remplacée progressivement par un creusement dépressionnaire sur le proche Atlantique. Ce dernier fera affluer de l’air plus chaud, plus humide et plus instable vers les Alpes entre aujourd’hui et jeudi. Lors de la phase de déstabilisation initiale de la masse d’air aujourd’hui dimanche et demain lundi, les basses couches de la troposphère seront encore passablement sèches. En témoignent les points de rosée (mesure de l’humidité) de nos différentes stations de mesure en région de plaine qui sont encore relativement bas, entre 8 à 12 °C. Il y a quelques jours encore, nous enregistrions sous la dorsale par courant de bise des points de rosées en plaine de l’ordre et 0 à 5 °C, voire régionalement des valeurs ponctuellement négatives.

Figure 1: valeurs des températures du point de rosée mesurées à nos différentes stations de mesure au sol aujourd'hui dimanche 18 juin 2023 à 14 heures locales. Les valeurs en région de plaine (entre 8 et 12°C) sont particulièrement basses pour la saison.
Figure 1: valeurs des températures du point de rosée mesurées à nos différentes stations de mesure au sol aujourd'hui dimanche 18 juin 2023 à 14 heures locales. Les valeurs en région de plaine (entre 8 et 12°C) sont particulièrement basses pour la saison. (Source : MétéoSuisse)

Conséquence de la présence d'air sec dans les basses couches sur le risque orageux

Dans de telles conditions, exacerbées par la sécheresse actuelle et compte tenu de la topographie environnante, l’humidification de la masse d’air à l’avant du couloir dépressionnaire sur l’Atlantique tend à se faire plus facilement et en premier lieu en altitude. Il reste donc dans les basses couches un air relativement sec, ce qui a deux conséquences pertinentes par rapport au risque orageux. Premièrement, cet air sec proche du sol tend à limiter l’instabilité de la masse d’air et à reléguer le risque orageux en montagne. On parle ainsi d’un risque d’orages « basés en altitude » dont les bases se situent le plus souvent au-dessus de 2500 à 3000 m. Deuxièmement, cet air sec dans les couches basses de la troposphère tend à évaporer les précipitations d'éventuels orages qui se seraient déclenchés sur le relief et auraient débordé en plaine. L'évaporation de précipitations dans la couche sèche engendre un refoidissement de l’air sous la base orageuse, ce qui rend l'air plus dense et tend à l’accélérer vers le sol. Les sondages aérologiques dans de tels environnements ont souvent une signature de « V inversé » (inverted V) témoignant de l’air sec et chaud proche du sol, un profil vertical que l’on retrouve régulièrement dans les régions désertiques.

Figure 2 : sondage/profil vertical prévisionnel de température et de l'humidité (points de rosées) en forme de "V inversé" (inverted V) dans les basses couches, favorable au phénomène de microrafales sèches sous les orages. Sondage prévisionnel valide pour le mardi 20 juin 2023 à 17h locales.
Figure 2 : sondage/profil vertical prévisionnel de température et de l'humidité (points de rosées) en forme de "V inversé" (inverted V) dans les basses couches, favorable au phénomène de microrafales sèches sous les orages. Sondage prévisionnel valide pour le mardi 20 juin 2023 à 17h locales. (Source : MétéoSuisse)

Les microrafales sèches

En fonction des vitesses de rafales de vent enregistrées dans ces courants descendants sous l’orage, on parle alors de rafales descendantes sèches ou de « microrafales sèches ». On les nomme « dry microbursts » en anglais. Ces dernières frappent le sol à la verticale ou en biais en fonction de la dynamique interne de l’orage et arborent une signature divergente, en éventail. Les vitesses dans ces microrafales varient en fonction de l’intensité de l’orage et de l'ampleur de l’évaporation qui se produit sous la base orageuse. Elles peuvent parfois atteindre les 90 à 120 km/h, voire dépasser les 150 km/h dans les cas extrêmes.

Figure 3 : schéma conceptuel d'une microrafale (à gauche) avec rafales atteignant le sol verticalement avec le flux d'air partant en éventail. Les parties en éventail sont parfois nommées les "pieds de pluie". Les microrafales peuvent également frapper le sol diagonalement, on les désigne alors sous le nom de "traveling microbursts" et peuvent être particulièrement dangereuses. A droite, illustration de la différence entre une microrafale humide et et une microrafale sèche. La microrafale humide provient souvent d'une base orageuse relativement proche du sol et s'accompagne de beaucoup de précipitations. La microrafale sèche est le plus souvent associée à une base orageuse élevée et contient peu ou pas de précipitations puisque ces dernières se sont en grande partie évaporées dans la couche sèche. Les 2 types peuvent provoquer de violentes rafales de vent.
Figure 3 : schéma conceptuel d'une microrafale (à gauche) avec rafales atteignant le sol verticalement avec le flux d'air partant en éventail. Les parties en éventail sont parfois nommées les "pieds de pluie". Les microrafales peuvent également frapper le sol diagonalement, on les désigne alors sous le nom de "traveling microbursts" et peuvent être particulièrement dangereuses. A droite, illustration de la différence entre une microrafale humide et et une microrafale sèche. La microrafale humide provient souvent d'une base orageuse relativement proche du sol et s'accompagne de beaucoup de précipitations. La microrafale sèche est le plus souvent associée à une base orageuse élevée et contient peu ou pas de précipitations puisque ces dernières se sont en grande partie évaporées dans la couche sèche. Les deux types sont susceptibles de provoquer de violentes rafales de vent. (Source : Wikipedia.org, comet.ucar.edu)
Figure 4: sondage prévisionnel du mardi 20 juin 2023 à 17h locales pour un point proche de Payerne montrant le profil vertical en "V inversé" pouvant favoriser une microrafale sèche en cas d'orage. La base nuageuse (LCL) est modélisée autour de 2800 m ce qui est élevé. La couche d'air sèche sous la base nuageuse favorise l'évaporation des précipitations. La valeur de CAPE représente l'énergie positive disponible dans la troposphère pour provoquer un orage si l'altitude de convection libre est atteinte (autour de 3000 m).
Figure 4: sondage prévisionnel du mardi 20 juin 2023 à 17h locales pour un point proche de Payerne montrant le profil vertical en "V inversé" pouvant favoriser une microrafale sèche en cas d'orage. La base nuageuse (LCL) est modélisée autour de 2800 m ce qui est élevé. La couche d'air sèche sous la base nuageuse favorise l'évaporation des précipitations. La valeur de CAPE représente l'énergie positive disponible dans la troposphère pour provoquer un orage si l'altitude de convection libre est atteinte (autour de 3000 m). (Source : MétéoSuisse)

Les microrafales sont bien connues par l'aviation

Ce phénomène est bien connu dans le domaine de l’aviation et les pilotes évitent ces microrafales le plus souvent possible. En effet, chaque avion de ligne est muni d’un détecteur de « windshear » ou de « cisaillement de vent » permettant aux pilotes d’effectuer des manœuvres spécifiques afin de limiter leurs effets turbulents sur l’aéronef. Le phénomène de « microrafale sèche » se distingue de celui de « microrafale humide », qui lui génère ses rafales tempétueuses essentiellement à travers l’écroulement de la colonne de précipitations (pluie, neige, grésil, grêlons) vers le sol, dont la majeure partie ne s’évapore pas avant de frapper terre. Par conséquence, les microrafales sèches sont un peu plus pernicieuses car elles sont plus difficiles à repérer, vu que la majeure partie de la colonne de précipitations s'évapore sous l’orage. Ces dernières sont dès lors peu visibles, sinon par la poussière qu’elles soulèvent une fois qu’elles ont touché le sol.

Figure 6 : schémas conceptuels de l'effet des microrafales sur l'aviation. Lorsqu'une microrafale survient à proximité d'un aéroport, les pilotes effectuent des manœuvres spécifiques d'évitement grâce aux détecteurs de cisaillement de vent à bord de l'appareil. Les pilotes sont bien exercés à réagir rapidement et d'effectuer des "overshoots" ou "remises de gaz" afin de contrer leurs effets turbulents le mieux possible et puis pour tenter une nouvelle approche une fois l'orage évacué.
Figure 6 : schémas conceptuels de l'effet des microrafales sur l'aviation. Lorsqu'une microrafale survient à proximité d'un aéroport, les pilotes effectuent des manœuvres spécifiques d'évitement grâce aux détecteurs de cisaillement de vent à bord de l'appareil. Les pilotes sont bien exercés à réagir rapidement et d'effectuer des "overshoots" ou "remises de gaz" afin de contrer leurs effets turbulents le mieux possible et puis pour tenter une nouvelle approche une fois l'orage évacué. (Source : Wikipedia.org ; WMO)
Figure 7 : photo d'une microrafale humide vue des airs. On repère la base orageuse relativement basse et l'importante colonne de précipitations composée de pluie, de grésil et de grêlons frappant le sol en éventail (pieds de pluie).
Figure 7 : photo d'une microrafale humide vue des airs. On repère la base orageuse relativement basse et l'importante colonne de précipitations composée de pluie, de grésil et de grêlons frappant le sol en éventail (pieds de pluie). Elles sont souvent responsables de violentes rafales de vent au sol. (Photo : Merry Hardy)
Figure 8 : photo d'une microrafale sèche vue des airs frappant le sol du désert namibien. On repère une base orageuse relativement élevée et l'absence visuelle de précipitations sous celle-ci. Il s'agit vraisemblablement de la présence de "virga", précipitations qui s'évaporent avant de toucher le sol. Le seul indice visuel de la microrafale sèche est la bague de poussière qu'elle soulève en frappant le sol. Contrairement à l'apparence "anodine et faible" du signal, les microrafales sèches peuvent produire de violentes rafales et sont également redoutées par l'aviation.
Figure 8 : photo d'une microrafale sèche vue des airs frappant le sol du désert namibien. On repère une base orageuse relativement élevée et l'absence visuelle de précipitations sous celle-ci. Il s'agit vraisemblablement de la présence de "virga", précipitations qui s'évaporent avant de toucher le sol. Le seul indice visuel de la microrafale sèche est la bague de poussière qu'elle soulève en frappant le sol. Contrairement à l'apparence "anodine et faible" du signal, les microrafales sèches peuvent produire de violentes rafales au même titre que les microrafales humides et sont également redoutées par l'aviation. (Photo : Avron Tal)