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Précipitations hivernales et variabilité

MétéoSuisse-Blog | 18 avril 2023
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Alors que les scénarios climatiques CH2018 prévoient des hivers globalement plus humides, ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé au cours de la dernière saison hivernale. La variabilité de la pluviométrie d’un hiver à un autre peut cacher le signal.

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Scénarios climatiques CH2018

Les scénarios climatiques CH2018 simulent une augmentation des précipitations en hiver de l’ordre de 10 % par rapport à la période de référence 1981-2010 et ce à partir de 2035 (période regroupant les années 2020 à 2050). La figure 1 ci-dessous montre l’évolution des cumuls de précipitations par saison pour un scénario d’émission intermédiaire (entre une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre et l’absence de mesures pour réduire les émissions). L’incertitude est toutefois marquée avec certains scénarios ne modélisant peu ou pas de changement en hiver.

Des variations sont prévues selon les régions avec une augmentation plus importante de la pluviométrie au Sud des Alpes (Figure 2). Toutefois, la plupart des régions devrait connaître une augmentation des précipitations.

Comme les températures devraient également augmenter de 0,5 à 2 °C en hiver selon les scénarios d’émission, il ne neigera pas forcément plus en montagne, car une partie des précipitations se produira sous forme de pluie à des altitudes plus élevées que de nos jours.

Un hiver 2022/23 plutôt sec

L’hiver 2022/23 a accusé un déficit de précipitations de l’ordre de 20 % par rapport à la période de référence 1991-2020 au Nord des Alpes (Figure 3) et même d’un peu plus de 50 % au Sud des Alpes. Seules les régions de Fribourg, de la Riviera vaudoise et du Chablais valaisan n’ont pas observé de déficit de précipitations.

Variabilité au sein de l’hiver 2022/23

Cette saison hivernale 2022/23 a été caractérisée par un manque de neige dans les Alpes, notamment en moyenne montagne et par le mois de février le plus sec en moyenne suisse depuis 1959.

Décembre 2022 avait pourtant a été plus humide que la normale. Mais le gros des précipitations au Nord des Alpes et dans les Alpes s’est produit lors de la dernière décade du mois dans de l’air très doux, si bien que la limite des chutes de neige a été élevée.

Janvier 2023 s’est également montré un peu plus sec que la normale au Nord des Alpes, nettement plus sec au Sud des Alpes.

A noter que Sion a connu un des mois de février les plus secs avec 0,1 mm. Mais le mois de mars qui a suivi s’est avéré un des plus humides avec 123,6 mm, ce qui est plus de trois fois plus que d’habitude.

Vers des hivers plus humides mais avec une grosse variabilité

Depuis la période préindustrielle 1871-1900, les précipitations hivernales au Nord des Alpes ont déjà augmenté de 42 %. Cependant, depuis les années 1960, il n’y a plus de tendance évidente.

Au Sud des Alpes, la tendance depuis la période préindustrielle est nettement moins significative. Aussi bien au Nord qu’au Sud des Alpes, on retrouve une variabilité importante entre des hivers plus secs que la normale et des hivers plus humides que la normale.

Qu’est-ce qui provoque cette variabilité des précipitations en hiver ?

La raison principale qui explique une hausse des cumuls de précipitations en hiver est la hausse de la température moyenne. Pour chaque degré supplémentaire, l’air peut contenir environ 7 % de plus de vapeur d’eau. On a d’ailleurs observé plusieurs épisodes de fortes précipitations hivernales ces dernières années avec souvent une limite de chutes de neige située à relativement haute altitude. Depuis 1901, une augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de fortes précipitations a été mesurée et l’isotherme du 0 °C est monté de 300 à 400 m depuis 1961 selon les scénarios climatiques CH2018.

Les précipitations dépendent toutefois principalement de la circulation atmosphérique, c’est-à-dire de la fréquence des situations anticycloniques et dépressionnaires plus ou moins favorables à l’apport d’humidité dans les Alpes.

Il y a toujours eu et il y aura toujours une alternance entre hivers favorables aux précipitations abondantes et d’autres plus secs avec des situations anticycloniques persistantes. Cette variabilité est influencée par de nombreux facteurs différents. Cela dépend de facteurs internes et externes au système terrestre.

Les facteurs internes incluent des phénomènes comme El Niño/La Niña ou la variabilité de la température de l’Atlantique (oscillation atlantique multi-décennale). Les facteurs externes comprennent les éruptions volcaniques, la variabilité de l’activité solaire (par exemple le cycle de 11 ans) et les émissions de gaz à effet de serre anthropiques. Tous ces facteurs modulent la variabilité météorologique et climatique à différentes échelles (mensuelles à multi-décadaires).

Il est par conséquent difficile de savoir de quelle manière le réchauffement climatique influence la circulation atmosphérique, on observe toutefois une extension des hautes pressions subtropicales vers le nord (par ex. Cresswell-Clay et al. 2022, Li et al. 2012). Cette tendance se vérifie en Suisse avec des situations de haute pression plus fréquentes en hiver.

Une hausse des précipitations hivernales liée à une hausse de la température moyenne est possible malgré une augmentation du nombre de situations anticycloniques. Cela se traduit par une variabilité plus importante d’un hiver à l’autre ainsi qu’au sein d’un même hiver avec des mois très secs pouvant alterner avec des mois très humides. Cette fin d’hiver est un bon exemple avec un mois de février exceptionnellement sec et un mois de mars très humide, notamment en Valais.

Références et liens