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Précipitations attendues et incertitude
MétéoSuisse-Blog | 30 avril 2023
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Des précipitations conséquentes sont attendues d’ici à lundi soir en Valais et dans les Préalpes, associant une composante convective à un environnement dépressionnaire assez profond et une vitesse de déplacement très faible. Cet article fait le point sur les cumuls attendus et sur les régions de plus grande incertitude.

Carte de danger de MétéoSuisse
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Les entre-saisons sont des périodes de prévision toujours assez compliquées car tout est possible, mais rien n’est jamais vraiment sûr, à part le grand beau temps. Prenez ce dimanche par exemple : il y a du stratus, mais en principe à cette période de l’année il devrait se dissiper sans problème et rapidement. Et bien non ! Il se fait prier et traîne les pieds. D’un autre côté, l’approche d’une perturbation, la configuration des pressions et la nature de la masse d’air pourraient être favorables à des développements orageux, mais tous ces ingrédients sont nettement moins marqués qu’ils le seraient en juin ou juillet, d’où une appréciation difficile et beaucoup d’incertitude.

Ce préambule destiné à couvrir nos arrières étant fait, passons à la prévision.

Dynamisme atmosphérique

Si la présence du jet-stream fera défaut ce dimanche et lundi, en revanche une zone de tourbillon assez marquée se positionnera progressivement à la verticale des Alpes, favorisant grandement le soulèvement à grande échelle de la masse d’air et partant, les précipitations. Cette zone est visible ci-dessous en orange :

Vorticité potentielle à 300 hPa (environ 9'000 m) à 15 UTC dimanche, 00 UTC et 12 UTC lundi respectivement. Source : NinJo@MétéoSuisse
Vorticité potentielle à 300 hPa (environ 9'000 m) à 15 UTC dimanche, 00 UTC et 12 UTC lundi respectivement. Source : NinJo@MétéoSuisse

À basse altitude, une zone dite « de convergence » poussera l’une contre l’autre deux masse d’air de provenance différente, l’une de Méditerranée et l’autre de l’Atlantique. Dans cette zone de convergence, ces masses d’air n’auront d’autre possibilité que de s’échapper vers le haut, générant ainsi des précipitations.

Températures potentielle à 850 hPa (environ 1500 m) lundi à 06 UTC. La couleur jaune à vert clair représente de l’air d’origine méditerranéenne ; la couleur bleue à vert foncé représente l’air d’origine Atlantique. En traitillé, la zone de convergence. Source : NinJo@MétéoSuisse
Températures potentielle à 850 hPa (environ 1500 m) lundi à 06 UTC. La couleur jaune à vert clair représente de l’air d’origine méditerranéenne ; la couleur bleue à vert foncé représente l’air d’origine Atlantique. En traitillé, la zone de convergence. Source : NinJo@MétéoSuisse
Convergence des vents à 3000 m au-dessus des Alpes lundi à 06 UTC. On remarque qu’à la sortie de la zone de convergence, le flux s’accélère vers le nord-est pour atteindre des vitesses moyennes de 60 km/h. Source : NinJo@MétéoSuisse
Convergence des vents à 3000 m au-dessus des Alpes lundi à 06 UTC. On remarque qu’à la sortie de la zone de convergence, le flux s’accélère vers le nord-est pour atteindre des vitesses moyennes de 60 km/h. Source : NinJo@MétéoSuisse

Cette situation donnera de fortes précipitations d’ici à lundi soir en Valais, dans les Préalpes et l’Oberland bernois. Des cumuls de 30 à 50 mm sont attendus et un avis de degré 2 a été émis pour ces régions :

Cumuls de précipitations prévus par Cosmo-2E entre dimanche 15h et lundi 19h (à gauche) et carte de danger de MétéoSuisse.
Cumuls de précipitations prévus par Cosmo-2E entre dimanche 15h et lundi 19h (à gauche) et carte de danger de MétéoSuisse.

Humidité et instabilité

Si les zones de convergence et le tourbillon d’altitude sont en général bien prévus par les modèles, l’instabilité et le risque d’orage en revanche sont nettement plus difficile à évaluer car ils sont le fruit d’une multitude de facteurs tels que le taux d’humidité dans les basses couches, le taux de décroissance de la température avec l’altitude, le cisaillement du vent, etc…

En l’occurrence, pour dimanche après-midi et dimanche soir, ce sont essentiellement les Préalpes, le sud du Jura et le bassin lémanique qui devraient être concernés par le risque orageux. Pourquoi ? car c’est là que tous les ingrédients seront réunis simultanément. Les cartes ci-dessous montrent ces ingrédients séparément :

Carte du point de rosée dimanche à 18 UTC, soit la température à laquelle il faut refroidir une masse d’air pour atteindre la saturation. Une vaste zone à plus de 10 °C s’étend à l’ouest du Jura et autour du Léman, dans la plaine du Pô et à proximité de la Méditerranée. Source : Modelbrowser-Cosmo1@MétéoSuisse.
Carte du point de rosée dimanche à 18 UTC, soit la température à laquelle il faut refroidir une masse d’air pour atteindre la saturation. Une vaste zone à plus de 10 °C s’étend à l’ouest du Jura et autour du Léman, dans la plaine du Pô et à proximité de la Méditerranée. Source : Modelbrowser-Cosmo1@MétéoSuisse.
Energie potentielle de convection (CAPE) dimanche à 18 UTC ; ces valeurs seraient considérées comme faibles durant le plein été. A cette période de l’année, elles ne sont toutefois pas négligeables. On retrouve les valeurs de CAPE les plus élevées aux endroit de plus grande humidité, notamment la région lémanique.
Energie potentielle de convection (CAPE) dimanche à 18 UTC ; ces valeurs seraient considérées comme faibles durant le plein été. A cette période de l’année, elles ne sont toutefois pas négligeables. On retrouve les valeurs de CAPE les plus élevées aux endroit de plus grande humidité, notamment la région lémanique.
Profil atmosphérique de la région lémanique pour dimanche en fin de journée. La zone en rouge représente l’énergie potentielle de convection (CAPE). A noter que les vents très faibles présents jusqu’à 400 hPa, (environ 7000 m) signifient que les éventuels orages seront stationnaires et synonymes de gros cumuls ponctuels. Source : NinJo@MétéoSuisse
Profil atmosphérique de la région lémanique pour dimanche en fin de journée. La zone en rouge représente l’énergie potentielle de convection (CAPE). A noter que les vents très faibles présents jusqu’à 400 hPa, (environ 7000 m) signifient que les éventuels orages seront stationnaires et synonymes de gros cumuls ponctuels. Source : NinJo@MétéoSuisse
Convergence dans le bassin lémanique entre la bise du Plateau et l’afflux d’air Atlantique en nord-ouest sur la France voisine. Ici encore, une zone de convergence devrait favoriser le soulèvement initial jusqu’au niveau de convection libre. Source : NinJo@MétéoSuisse
Convergence dans le bassin lémanique entre la bise du Plateau et l’afflux d’air Atlantique en nord-ouest sur la France voisine. Ici encore, une zone de convergence devrait favoriser le soulèvement initial jusqu’au niveau de convection libre. Source : NinJo@MétéoSuisse

L’approche de la zone de tourbillon d’altitude par l’ouest en soirée agira comme un facteur supplémentaire pour favoriser la formation des orages dimanche soir.

Si les orages se déclenchent simultanément dans les Préalpes et le sud du Jura, leurs courants descendants respectifs pourraient également agir comme une nouvelle zone de convergence en début de nuit pour générer des orages de « seconde génération » sur le Plateau ou le Chablais français en soirée. C’est en tous les cas ce que suggèrent certains membres de la prévision d’ensemble.

Prévision d’ensemble de COSMO-1E. A gauche, proposition de cumul sur 1h du membre 13 pour 15 UTC (plus de 20 mm sont localement prévus) ; à droite, proposition du run de contrôle pour 20 UTC. Les courants descendant des orages de l’après-midi génèrent une nouvelle série d’orages sur le Plateau en soirée.
Prévision d’ensemble de COSMO-1E. A gauche, proposition de cumul sur 1h du membre 13 pour 15 UTC (plus de 20 mm sont localement prévus) ; à droite, proposition du run de contrôle pour 20 UTC. Les courants descendant des orages de l’après-midi génèrent une nouvelle série d’orages sur le Plateau en soirée.

Comme dit en préambule, une telle situation en été ne laisserait quasiment aucun doute sur l'occurrence des orages en soirée. En cette fin avril, les ingrédients présents - bien que simultanés - présentent des valeurs relativement faibles de nature à diminuer assez notablement la fiabilité. A cela s'ajoute un ennuagement de haute altitude dense limitant fortement le réchauffement diurne (sans parler du stratus...), lequel aiderait à atteindre les températures de déclenchement des orages. Bref, tout est possible sur le front des orages, ainsi que son contraire...

Pour plagier un célèbre présentateur du TJ de l’époque, « telle sera cette soirée de dimanche et la journée de lundi en Suisse romande à notre connaissance » : une confiance à presque bomber le torse pour la région alpine ; une incertitude à rougir de la prévision pour le bassin lémanique et le Plateau.

Si les orages se produisent, vous vous souviendrez que nous les avions évoqués, s’ils ne se produisent pas, merci de vous rappeler que nous avions émis de gros doutes…

Rendez-vous mardi pour le bilan !

Bon début de semaine à tous.