Les collaboratrices et collaborateurs de MétéoSuisse ne se contentent pas d'analyser quotidiennement les situations météorologiques actuelles et d'établir des prévisions détaillées, ils se penchent également sur l'évolution passée et future du climat. Les scénarios climatiques CH2018, élaborés par MétéoSuisse en collaboration avec l'ETH de Zurich, montrent où et comment le changement climatique affecte la Suisse et ce que les efforts mondiaux de protection du climat peuvent faire pour le contrer.
A l'occasion de la Journée météorologique mondiale, nous vous emmenons dans les coulisses de MétéoSuisse et demandons à l'équipe « évolution du climat » comment les phénomènes météorologiques extrêmes se produiront à l'avenir. Jan Rajczak, représentant de l'équipe « évolution du climat » au sein de MétéoSuisse, répond à nos questions.
La Journée météorologique mondiale commémore chaque année, le 23 mars, la convention instituant l'OMM (Organisation météorologique mondiale), entrée en vigueur en 1950. L'OMM, en tant qu'organisation spéciale des Nations Unies (ONU), réunit 191 États membres. La Suisse fait partie des Etats membres depuis 1950 et est représentée par l'Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse.
Oui, des hivers comme celui de cette année pourraient bien devenir la règle. Les scénarios climatiques prévoient pour l'avenir moins de jours de chutes de neige par rapport aux conditions climatiques actuelles et une nette réduction de la couverture neigeuse, surtout à basse altitude. Comme le réchauffement climatique continue de faire monter la limite du zéro degré, il tombe plus de pluie que de neige. L'hiver 2022/2023 a en outre été exceptionnellement sec, ce qui a encore renforcé le manque de neige. En principe, nous nous attendons même à une légère augmentation des précipitations hivernales à l'avenir – mais avec le réchauffement, celles-ci tomberont de plus en plus sous forme de pluie.
Le réchauffement climatique est particulièrement sensible en Suisse. Avec plus de 2 degrés par rapport aux conditions préindustrielles, il est même nettement supérieur à la moyenne mondiale d'environ 1,1 degré. Le réchauffement de la planète influe sur le temps et le climat ; dans l'espace alpin en particulier, les conséquences directes du réchauffement sont clairement visibles, notamment le net recul des glaciers. Le changement climatique a en outre pour effet d'intensifier les phénomènes météorologiques extrêmes et de les rendre plus fréquents. Nous élaborons à intervalles réguliers ce que nous appelons des scénarios climatiques – des bases qui décrivent le changement climatique et l'avenir climatique possible de la Suisse.
Les scénarios climatiques CH2018 montrent, de manière comparative, comment le climat pourrait évoluer avec et sans efforts de protection du climat. Ils illustrent, à l'aide de différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre, la valeur ajoutée des efforts de protection du climat et fournissent de précieuses bases pour la définition de stratégies d'adaptation en Suisse. Les scénarios climatiques prévoient quatre tendances claires pour la Suisse : des étés plus secs, des précipitations plus violentes, davantage de jours de canicule et des hivers moins enneigés.
Les extrêmes climatiques sont par définition des événements rares et se caractérisent par un écart important par rapport à la valeur moyenne du climat. Cela est souvent directement perceptible pour le grand public et s'accompagne de conséquences et de dangers pour la société et les infrastructures. Une vague de chaleur extrême en été en est un exemple. L'une des tâches centrales de MétéoSuisse est donc d'avertir la population des événements météorologiques extrêmes.
Comme nous l'avons dit, les conditions météorologiques extrêmes sont rares et, en règle générale, de nombreux facteurs se combinent pour engendrer un événement extrême. Les vagues de chaleur et les sécheresses, par exemple, durent toujours plus longtemps que ce que nous avons pu observer jusqu'à présent dans nos séries de mesures. Les vagues de chaleur concernent généralement de grandes régions et durent plusieurs jours et sont donc plus faciles à prévoir. Alors que les fortes précipitations ou les chutes de grêle extrêmes sont dans de nombreux cas des phénomènes très locaux, leurs processus déclencheurs ont été jusqu'à présent représentés de manière très généralisée dans les modèles climatiques et n'ont parfois pas encore été complètement compris.
Depuis le début des mesures, qui remontent parfois à 1864, nous constatons des changements significatifs de certains paramètres climatiques, notamment la température qui a augmenté et qui augmente de plus en plus rapidement ces dernières années. Les vagues de chaleur ont nettement augmenté au cours des dernières décennies. En outre, nous constatons que les épisodes de fortes précipitations s'intensifient et sont plus fréquents. Le même constat peut être fait pour les épisodes de sécheresse, surtout pendant le semestre d'été. L'été dernier est un exemple d'été "normal" à venir en termes de chaleur et de sécheresse. Nous devrons donc nous attendre à des saisons exceptionnelles de ce type plus souvent à l'avenir.
Cela montre avant tout à quel point les processus sous-jacents sont complexes. D'une part, nous avons une augmentation de l'évaporation liée au réchauffement. D'autre part, nous constatons une augmentation de l'intensité et de la fréquence des fortes pluies, c'est-à-dire par exemple de l'intensité du plus fort orage de l'année. Une atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d’eau, de sorte que les pluies sont plus intenses. Selon les lois de la physique, la capacité de l'air à absorber l’eau augmente d'environ 7% par degré de réchauffement. Nous pouvons déjà mettre en évidence de tels taux d'intensification dans nos séries de mesures à long terme.
Oui, en 2022, nous avons enregistré 16 journées tropicales (température maximale supérieure ou égale à 30 °C) à la station de mesure de Zurich Fluntern. Vers 2060, nous prévoyons, avec une protection climatique efficace, 8 à 18 journées tropicales dans les années normales et, si les mesures de protection climatique échouent, 14 à 32 dans une année normale. De même, le nombre de nuits tropicales, au cours desquelles la température ne descend pas en dessous de 20°C, augmente. En été 2022, nous avons enregistré trois nuits de ce type à la station de Zurich Fluntern. A cela s'ajoute le fait que la chaleur dans les zones urbaines est renforcée par l'effet d'îlot de chaleur urbain. Depuis peu, nous tenons également compte de cet effet dans nos scénarios. Ainsi, les scénarios climatiques pour le centre-ville de Zurich montrent que, dans un scénario pessimiste, 28 nuits de ce type seraient la règle lors d'un été normal en 2060 environ.
Oui, mais bien que la tendance se poursuive, elle peut être atténuée jusqu'à deux tiers par rapport à nos scénarios les plus pessimistes grâce à des efforts coordonnés au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique. Néanmoins, nous devrons nous adapter fortement au changement climatique observé et projeté à l'avenir.