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Les différents noms de la Bise

MétéoSuisse-Blog | 04 février 2023
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La bise est ce qu’on appelle un vent de gradient, intimement lié à la présence d’un anticyclone. De ce fait, on la retrouve un peu partout en Europe, sous différentes formes et différents noms selon les pays. L’exemple ci-dessous de mars 2016 nous donne l’occasion de voir la bise et tous ses avatars se lever à tour de rôle sur le pourtour nord de la Méditerranée au gré de l’avancée anticyclonique de l’Atlantique à l’Europe centrale.

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L'appellation « bise » est le nom donné en Suisse et dans le nord de la France à un vent bien particulier, résultant d'une situation météorologique de large échelle, englobant généralement une bonne partie de l'Europe occidentale, voire centrale et orientale. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'un vent local, mais bel et bien d'un phénomène se manifestant simultanément ou successivement dans plusieurs pays et ayant une même origine.

L'origine de la bise et des vents de la même « famille »

Comme tous les vents, la bise résulte de l'établissement d'un gradient de pression. En l'occurrence, lorsque l'anticyclone des Açores s'étend de l'Atlantique en direction du nord de l'Europe, un tel gradient s'établit entre la zone de haute pression en formation et une basse pression généralement située en Méditerranée. L'image ci-dessous donnant la répartition des pressions à haute altitude illustre cette situation (crête de haute pression de l'Atlantique aux Îles britanniques et dépression en Méditerranée).

A ce stade de l'évolution de l'antiyclone, le gradient de pression est particulièrement marqué dans la région des Pyrénées. En Espagne, le vent de nord-ouest qui souffle dans la vallée de l'Ebre est appelé « Cierzo » ; dans le sud-ouest de la France, ce même vent s'engouffre entre les Pyrénées et le massif central et porte judicieusement le nom de « Tramontane » - cher à Georges Brassens – et qui signifie « entre les montagnes ». L'image ci-dessous montre la trajectoire de ces deux vents, canalisés par le relief.

Poursuivant sa progression vers le nord et l'est, le centre anticyclonique va peu à peu desserrer son étreinte dans la région des Pyrénées pour la renforcer dans la région des Alpes. C'est à ce moment-là que la Bise se renforce vraiment sur le Plateau suisse. Poursuivant sa course en direction de la basse pression méditerranéenne, le courant de bise s'accélère par effet Venturi entre le massif central et les Alpes et prend dans ces régions le nom de « Mistral ». Tramontane et Mistral soufflent souvent simultanément et dépassent régulièrement les 100 km/h. Ci-dessous les rafales de Mistral et Tramontane prévues par le modèle IFS pour le 12 mars 2016 dans l’après-midi.

Le renforcement du gradient de bise en Suisse peut être facilement visualisé par la différence de pression entre Genève et Bâle. Un gradient négatif signifie en l'occurrence une surpression à Bâle. L'illustration ci-dessous montre l’évolution de ce gradient entre le 9 et le 12 mars.

Ce gradient de 3 à 4 hPa est relativement modeste ; c'est une des raisons pour lesquelles la bise n’a pas été en mesure de dépasser les 50 km/h en rafales lors de cet épisode. En comparaison, voici ci-dessous la carte des pressions en Europe et le gradient Bâle - Genève (jusqu’à 8 hPa) lors de la plus forte tempête de bise à ce jour, celle du 14 novembre 2004, ayant donné 95.4 km/h à Genève.

L'expression de la Bise en Europe centrale et orientale peut être associée soit à un basculement de l'anticyclone des Açores sur l'est européen, soit à une extension de l'anticyclone thermique centré sur la Russie en direction de l'ouest. Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, le gradient de pression se renforce considérablement dans la région des Balkans, notamment sur la côte croate ou ce vent prend le nom de « Bora ». La Bora est un phénomène intéressant car l'accélération du vent en lien avec le gradient de pression est couplée à une accélération catabatique (de gravité) liée au plongeon de la masse d'air froid et dense depuis les hauts plateaux bosniaques (entre 500 et 1000 m) en direction de l'Adriatique ; c'est donc un vent turbulent et facilement tempétueux. C'est un peu comme si, en Suisse, la Bise était associée au Joran tombant des crêtes du Jura. Une telle situation s’est produite en Croatie le 13 mars avec le déplacement du centre anticyclonique en direction de la mer Baltique, comme l'illustrent les quelques images ci-dessous.

Pour info, lorsque l’anticyclone se déplace vers le sud-est et que la dépression se centre sur la Turquie ou la Méditerranée orientale, le vent de gradient associé (qui peut atteindre les 10 hPa) prend le nom de « Meltem ». Froid, turbulent et souvent violent, ce vent qui souffle principalement de juin à septembre peut faire le malheur des vacanciers en villégiature en Grèce.

Les caractéristiques de la bise

La bise associée à l'extension d'un anticyclone est toujours orientée de secteur nord-ouest (région des Pyrénées) à nord-est (Europe centrale et orientale). Il s'agit donc d'un vent modérément froid, s'il vient de l'Atlantique nord, à très froid, voire glacial (en hiver du moins), s'il vient des plaines d'Europe centrale ou du bouclier scandinave.

La configuration européenne étant ce qu'elle est, la bise et les vents de même nature sont quasiment toujours des vents de terre (soufflant de la terre vers la mer) ; ils sont par conséquent généralement secs et responsables d'un temps froid et souvent plutôt ensoleillé (si l'on excepte les stratus et d'éventuels effets orographiques régionaux, notamment sur le versant nord des Pyrénées ainsi que dans les Balkans). Ceci est particulièrement vrai pour le Mistral et la Bora qui subissent l'un et l'autre un phénomène de subsidence régionale, le Mistral par étalement de la masse d'air dans le delta du Rhône, la Bora par compression adiabatique en perdant de l'altitude.

L'image ci-dessous représente l'advection d'air froid de l'Europe central vers l'ouest opérée par la bise le 12 mars à OO UTC. Une situation assez comparable prévaudra ces prochains jours.

D'autres formes de bise

Les vents que nous venons de mentionner étant provoqués par un gradient de pression marqué entre un anticyclone et une dépression, il arrive que l'influence dépressionnaire soit prédominante (à l'exception peut-être du Mistral). Dans ce cas, le type de temps sera différent. En Suisse, lors de telles situations, la bise est responsable d'un temps couvert en Suisse romande et pluvieux en Suisse alémanique et au Tessin. Elle porte le nom de "bise noire".

Mais c'est là un autre chapitre, que nous ouvrirons sans doute un jour pour le lire plus en détails...