Petit rappel sur le principe des saisons
Si l’axe de rotation de la terre était « vertical » (perpendiculaire au plan orbital), il n’y aurait tout simplement pas de saisons, pour la simple et bonne raison que l’élévation du soleil dans le ciel serait strictement identique chaque jour de l’année ; en d’autres termes, le trajet apparent du soleil dans le ciel serait toujours le même (en l’occurrence il suivrait le chemin qui est le sien dans le ciel durant les équinoxes d’automne et de printemps). Sachant que l’énergie reçue du soleil en un point sur la Terre dépend de l’angle que les rayons solaires font avec la surface en ce point, les climats seraient en revanche très contrastés entre les différentes régions du globe puisque les rayons du soleil seraient perpétuellement rasants aux pôles (apportant donc peu d’énergie par mètre carré), alors que le soleil serait constamment au zénith à l’équateur (donnant le maximum d’énergie par mètre carré).
Le fait que l’axe de rotation terrestre ne soit pas vertical mais légèrement incliné fait que la Terre « penche » vers le soleil, et lui présente alternativement son hémisphère nord et son hémisphère sud en fonction de son parcours autour de lui. Entre mai et août, lorsque la Terre incline vers le soleil son hémisphère nord, le trajet apparent du soleil dans le ciel y est plus haut, et par conséquent l’énergie reçue par cette portion du globe est plus élevée ; c’est l’été. Entre novembre et février au contraire, lorsque la Terre incline son hémisphère sud vers le soleil, le trajet apparent du soleil au nord de l’équateur et y plus bas et moindre est l’énergie reçue ; c’est l’hiver. Ce principe explique bien sûr que les hémisphères nord et sud aient des saisons différentes. Le site d'où est tiré l'illustration ci-dessous est ici (chaudement recommandé aux amateurs d'astronomie).

Les saisons sur une Terre dont l’axe de rotation a basculé à l’horizontale
Forts de ces considérations, projetons-nous maintenant dans un monde ou l’axe de la Terre aurait basculé à l’horizontale, et essayons d’imaginer les saisons en Suisse dans une telle configuration.

Nous commençons notre voyage dans le temps le 21 juin ; c’est le solstice d’été et l’axe de rotation de la Terre pointe en direction du soleil. Au pôle nord, le soleil est au zénith ! Chez nous, il se situe à 45 degrés au-dessus de l’horizon en direction du nord (à l’endroit exact où vous observez l’étoile polaire par les belles nuits dégagées). Il ne s’est pas levé ce matin et ne se couchera pas ce soir ; il a été parfaitement immobile durant toute la journée (peut-on d’ailleurs vraiment parler de « matin » et de « soir », ou même de « journée » ?). Cette élévation est assez classique pour nous, mais les températures sont sans doute élevées en l’absence de nuit.
Environ 5 jours plus tard, notre Soleil n’est plus immobile, mais effectue chaque jour un tout petit cercle autour du point où il se trouvait le 21 juin (sur Uranus dont la révolution autour du Soleil dure 84 ans, il aurait fallu à peu près une année pour avoir le même mouvement apparent du Soleil).
Autour du 5 août, le cercle du Soleil dans le ciel s’est agrandi. A minuit, il frôle désormais l’horizon nord, et monte jusqu’au zénith (à la verticale au-dessus de nos têtes, il n’y a plus d’ombre au sol) à midi. Cette période est remarquable à deux points de vue :
Sur Uranus, cette période correspondrait à la 10ème année.
Nous sommes maintenant le 21 septembre, soit le jour de l’équinoxe d’automne. Le soleil se lève exactement à l’est, se trouve à midi à 45 degrés au-dessus de l’horizon sud et se couche exactement à l’ouest. Nuits et jours durent chacune 12 heures. Cette période également est remarquable à deux points de vue :
Sur Uranus, notre voyage durerait déjà depuis 21 ans !
45 jours ont passé, nous voici déjà le 5 novembre (comme le temps passe vite avec vous !). A présent, les nuits durent plus de 23 heures et le soleil n’a émergé que brièvement ce midi au-dessus de l’horizon en direction du sud. A partir de demain, nous ne le verrons plus ; nous devinerons encore sa présence à midi grâce à la lueur diffuse vers le sud, laquelle s’estompera en quelques semaines pour faire place à une nuit profonde et très froide.
Sur Uranus, nous serions maintenant à la 30ème année.
Cette nuit totale durera jusqu’au 5 février, soit 3 mois (21 ans sur Uranus). Le retour du soleil au-dessus de l’horizon du sud ce jour-là aura été annoncée, les semaines précédentes, par la lueur signalant sa présence quelques degrés sous l’horizon à midi. A partir de ce jour, le trajet apparent du soleil dans le ciel fera le chemin en sens inverse.
A noter qu’à partir du 5 mai environ, le soleil ne se couchera plus, marquant le début de la période du « Soleil de minuit » qui durera également 3 mois, soit jusqu’au 5 août.

L'angle de 45° que l'on voit sur ce dessin correspond à la latitude de l'observateur en Suisse. Ainsi, si vous le remplacez par un angle de 90°, vous vous retrouvez au pôle nord et constatez que le soleil se trouve au zénith au solstice d'été, sur l'horizon aux équinoxes et qu'il fait nuit entre les équinoxes et le solstice d'hiver.
A l'inverse, un angle de 0° vous transportera à l'équateur, avec le soleil sur l'horizon aux solstices d'été et d'hiver, et une alternance nuit-jour le reste de l'année, et le soleil au zénith aux équinoxes.
Les angles dessinés en brun vous montrent l'amplitude possible de la position du soleil dans le ciel en fonction de l'inclinaison de l'axe de rotation. Ainsi, pour un angle de 23.3° (qui est celui de la Terre), le soleil oscillera au maximum entre une élévation de 22° (solstice d'hiver) et 68° (solstice d'été) au-dessus de l'horizon du sud. Avec une inclinaison de 45° de l'axe de rotation, le soleil serait au zénith au gros de l'été, mais se lèverait à peine au solstice d'hiver (en fait, le tropique du Cancer et le cercle polaire se toucheraient). Enfin, une inclinaison de 90° correspond au sujet du présent blog.
Conclusion
L’évolution des étoiles dans le ciel d’une planète est toujours circulaire autour d’un point fixe situé dans le prolongement de l’axe de rotation planétaire (pour la Terre, l’étoile polaire). Le soleil est une étoile comme les autres, mais elle a la particularité de ne pas être fixe dans le ciel (en réalité, c’est bien sûr la planète qui se déplace). Si les hasards de la nature font que le soleil peut occuper cette place particulière dans le prolongement de l’axe de rotation (le 21 juin dans notre voyage ci-dessus), alors il apparaîtra comme immobile dans le ciel pour tous les observateurs, quelle que soit leur position sur la planète. Dans le système solaire, seul Uranus est presque dans ce cas.
L’une des particularités d’un axe de rotation incliné à l’horizontale est de faire remonter les tropiques (limite de latitude à laquelle le soleil peut être au zénith) jusqu’aux pôles et de faire descendre le cercle polaire (limite de latitude à laquelle le soleil ne se couche pas durant au-moins une journée) jusqu’à l’équateur. Cela signifie que la totalité des points de la planète – dont le 45ème degré de latitude nord correspondant à l’emplacement de la Suisse – bénéficient à la fois du soleil de minuit et du soleil au zénith. Contrairement aux pôles qui ne connaissent pas l’alternance jours-nuits (si ce n’est une alternance unique et de très longue durée) et à l’équateur qui ne connaît pas le soleil de minuit, les latitudes intermédiaires connaissent toute la palette des alternances.
L’inclinaison de l’axe de rotation détermine donc les climats et les saisons d’une planète comme suit :
N'est-ce pas merveilleux ?