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Orages hivernaux, c'est inhabituel ?

MétéoSuisse-Blog | 10 janvier 2023
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L’activité orageuse qui s’est produite au passage du front froid dans la nuit de dimanche à lundi en a surpris certains, même si les orages ne sont pas si rares que ça en saison froide… voici quelques explications.

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Activité orageuse dans la nuit de dimanche à lundi

Comme mentionné dans le blog d’hier, le front froid qui a traversé le pays dans la nuit du 8 au 9 janvier a occasionné des précipitations parfois orageuses, surtout le long du front lui-même sur l’ouest du pays entre Fribourg et Genève en passant par les Préalpes et le Jura. Cette ligne orageuse délimitant l’arrivée de l’air maritime polaire à l’arrière a également produit de fortes rafales de vent avec des valeurs atteignant régionalement les 70 à 85 km/h en région de plaine. Bien que cela puisse surprendre en plein hiver, il n’est pas si rare de rencontrer ce genre de phénomène lorsque le régime météorologique est caractérisé par un courant d’ouest dynamique comme ce fut le cas ces derniers jours.

Ingrédients nécessaires pour générer des orages

Les ingrédients atmosphériques nécessaires pour produire des orages en hiver sont les mêmes qu’en été, bien qu’ils soient souvent présents en plus faible quantité.

Pour rappel, ces ingrédients sont :

  • Une instabilité de la masse d’air
  • Suffisamment d’humidité
  • Un mécanisme de soulèvement

L’instabilité : pour produire de l’instabilité, cela nécessite un profil atmosphérique où de l’air froid se superpose sur de l’air plus chaud ou plus doux. En saison froide, il n’est pas très difficile de faire affluer de l’air plus froid en altitude. En revanche, il est plus compliqué de réchauffer le sol car l’insolation à cette époque de l’année est souvent déficitaire. Par conséquent, afin de radoucir les basses couches en hiver, il faut aller chercher la douceur où elle existe, c’est-à-dire soit depuis les régions subtropicales (régions des Açores) ou depuis le Nord Atlantique où réside le courant marin doux du Gulf Stream. Le courant d’ouest à sud-ouest dynamique que nous avions en place dimanche dernier a permis de faire affluer cet air doux dans les couches basses de l’atmosphère pendant qu’un couloir dépressionnaire rempli d’air froid en altitude s’approchait depuis le nord-ouest.

L’humidité : sans humidité il est impossible de produire des nuages et encore moins des orages. En météorologie, plus la masse d’air est chaude, plus elle peut contenir de l’humidité. Avec un courant d’ouest à sud-ouest dynamique faisant affluer de l’air maritime tropical le week-end dernier sur nos régions, l’air doux et humide était en place. Des températures de l’ordre de 7 à 10 °C se mesuraient en plaine dans la nuit de dimanche à lundi et les points de rosée (mesure de l’humidité de l’air) atteignaient les 5 à 8 °C, ce qui est particulièrement élevé à cette époque de l’année. Cette haute teneur en humidité de la masse d’air peut favoriser des orages en hiver si l’instabilité est au rendez-vous.

Un mécanisme de soulèvement : l’air a beau être humide et instable, s’il n’existe pas un moyen de soulever la masse d’air au départ, il est souvent difficile de favoriser une activité orageuse. Ceci provient du fait que la masse d’air est souvent instable seulement à partir d’une certaine altitude. Les parcelles d’air doivent donc souvent d’abord atteindre cette altitude avant de pouvoir poursuivre leurs montées de leur propre gré. Le front froid qui a traversé le pays à partir du nord-ouest dans la nuit de dimanche à lundi a fourni ce soulèvement de l’air proche du sol, nécessaire à la production d’orages.

Donc, pour résumé, si les ingrédients atmosphériques pour produire des orages sont réunis, il est tout à fait possible de générer une activité orageuse même en saison froide. En hiver, ce genre d’évènements est plus susceptibles de se produire lors de courant d’ouest dynamiques faisant affluer de l’air doux et humide dans les basses couches à l’avant de fronts froids dans des masses d’air instables.

Cisaillement vertical du vent – facteur aggravant

De surcroit, puisqu’en hiver les passages frontaux dynamiques sont souvent accompagnés de vents particulièrement forts en altitude, des lignes orageuses très dynamiques peuvent se produire, occasionnant de fortes rafales et parfois même des tornades. Un des derniers cas en date, s’est produit le 17 février 2022 sur le nord de l’Allemagne et le centre de la Pologne au passage de la perturbation « Dudley » qui avait généré une ligne de grain orageuse dynamique avec de fortes rafales de vent, accompagnée de 24 tornades. Cette série de tornades avait causé 2 décès et 5 blessés. Un article en anglais résumant cet évènement peut être consulté sur le site de l’ESSL.

Le courant d’ouest dynamique qui nous concerne actuellement peut donc être particulièrement propice à une activité orageuse ponctuelle le long des passages frontaux en Suisse ou ailleurs en Europe. Cette configuration météorologique est souvent favorisée lors de la phase positive de l’Oscillation Nord-Atlantique (NAO+) que nous vivons en ce moment. Pour les plus intéressés d’entre vous, n’hésitez pas à consulter le dernier article de Philippe Jeanneret de la RTS qui traite de ce sujet particulier.