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Les couleurs existent-elles ?

MétéoSuisse-Blog | 06 janvier 2023
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La météorologie est une science très intéressante car elle touche à plusieurs domaines. Lorsque l'on s'intéresse aux couleurs par exemple (arc-en-ciel, coucher de soleil, bleu du ciel, etc...), on confine presqu’à la philosophie. En effet, un des grands questionnements du philosophe, c'est de connaître la chose « en soi », ou l' « essence » des choses. Posons-nous donc la question de l' « essence » de la couleur...

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Si vous regardez un rideau de pluie à l'horizon, il vous apparaîtra blanc, peut-être gris ; mais que le soleil sorte des nuages dans votre dos et vous verrez un arc-en-ciel apparaître dans le rideau de pluie.

Le lac Léman qui hier était bleu est aujourd'hui turquoise, presque vert ; l'autre jour il était noir. C'est pourtant le même lac.

Une barre de fer habituellement noire devient rouge sous l'effet de la chaleur.

Ces quelques exemples d'objets changeant de couleur au gré des circonstances nous laisse entrevoir que la couleur n'est pas intrinsèquement liée à un objet, mais qu'elle en est plutôt une propriété conditionnelle. Pour savoir pourquoi, il importe de se pencher sur l'origine de la couleur.

Le spectre solaire

Le soleil émet du rayonnement électromagnétique dans une gamme de longueur d'onde extrêmement large (de moins de 250 à plus de 2500 nanomètres). L'intensité maximale de ce rayonnement se fait dans la gamme de rayonnement dite « visible », soit entre 400 et 800 nanomètres environ. Cette portion du spectre solaire est ainsi appelée parce que notre œil est capable de percevoir ces ondes (à l'inverse du rayonnement ultra-violet ou du rayonnement infrarouge).

Or une onde, en soi, n'a pas de couleur. Il s'ensuit que la couleur que nous percevons est le résultat d'une « interprétation » complexe que notre système œil-cerveau fait de la longueur d'onde qui le stimule, provenant d'une lumière quelconque, laquelle peut être émise directement par une source lumineuse, ou réfléchie, diffusée, diffractée, etc...

Les couleurs correspondent donc aux différentes longueurs d'onde de la gamme visible du spectre solaire. Elles sont réparties selon le schéma ci-dessous (domaine visible) ; les gammes UV (Ultra-violet) et IR (infrarouge) ne sont pas perceptibles par notre oeil :

Ainsi donc, si un objet vous apparaît de telle ou telle couleur, c'est uniquement parce que la longueur d'onde qui provient de cet objet (émise directement ou retransmise) correspond à ladite couleur dans l'interprétation qu'en fait votre système œil-cerveau. Si toutes les longueurs d'onde de la gamme visible touchent votre œil simultanément, la couleur sera blanche ; à l'inverse, si aucun rayonnement visible n'atteint votre œil, l'objet sera noir. Le noir n'est donc pas une couleur, mais l'absence de couleur.

Quelques exemples

Prenons le cas du ciel par exemple. Lorsque la lumière solaire aborde l'atmosphère terrestre, toutes les longueurs d'onde sont présentes (même les ultra-violets, heureusement absorbés par la couche d'ozone). Au contact des molécules d'azote et d'oxygène constituantes de l'air, ce rayonnement va toutefois être dévié dans toutes les directions ; on appelle ce phénomène la diffusion. Or il se trouve que le rayonnement de courte longueur d'onde correspondant à la lumière bleue-violette sera davantage diffusé que le rayonnement de longueur d'onde plus longue, qui traversera l'atmosphère plus facilement. Ainsi, si vous regardez le ciel loin du soleil, il vous apparaîtra bleu sous l'effet du rayonnement diffus ; en vous rapprochant du soleil, il vous apparaîtra de plus en plus blanc en lumière directe. Si vous étiez sur la lune, le soleil vous apparaîtrait blanc (pour autant que vous osiez le regarder en face…), mais le ciel lui-même, en plein jour, serait totalement noir à l'exception des étoiles visibles.

Autre exemple : une barre de fer chauffée et plongée dans le noir émet un rayonnement infrarouge invisible, mais que vous pouvez sentir avec votre main sous forme de chaleur. Si l'on continue à chauffer la barre de fer, l'énergie transmise à ses molécules se traduira par un rayonnement infrarouge de plus courte longueur d'onde. Chauffons-là encore un peu, et le rayonnement émis par la barre de fer atteindra la limite entre la gamme infrarouge et la gamme visible du spectre. Dès lors, vous commencerez à voir la barre de fer, laquelle prendra une couleur rouge, correspondant aux longueurs d'onde les plus grandes de la gamme visible.

Dernier exemple : le pull que je porte aujourd'hui est rouge, alors même qu'il est éclairé par une lumière blanche. Cela signifie que les longueurs d'onde autres que celles correspondant à la couleur rouge sont absorbées par la matière constituant mon pull, et que seule la longueur d'onde correspondant au rouge est réfléchie jusqu'à mon oeil. Il s'ensuit que si mon habit était éclairé par une lumière exclusivement bleue, il m'apparaîtrait noir, le bleu étant absorbé.

Il existe mille manières pour la lumière d'interférer avec la matière pour livrer des couleurs variées et souvent chatoyantes. Les plumes d'un paon sont un excellent exemple d'une interaction riche mais excessivement complexe.

Conclusion

Revenons à la question posée en début d'article : les couleurs existent-t-elles ?  A l'évidence, il n'existe aucune entité dans l'univers qui puisse se définir par le terme « rouge » ou « bleu ». Mon pull n' « est » pas rouge, il m'apparaît rouge, de même que le ciel n' « est » pas bleu (la nuit, il est du reste transparent). Il est intéressant de noter que les couleurs n'existent pas indépendamment d'un système oeil-cerveau capable de les révéler, donc indépendamment de la vie. Si la vie disparaissait de l'univers, un caillou continuerait d'exister, mais pas sa couleur. Bien sûr, la façon dont il interagirait avec la lumière serait toujours la même, mais on pourrait très bien imaginer un système oeil-cerveau différent du nôtre, qui à cette même longueur d'onde associerait une couleur différente. La vision d'un objet par deux personnes différentes n'est du reste pas strictement identique, et certains animaux ont une vision des couleurs différente de la nôtre. Si vous y êtes attentifs, il est même probable que vos deux yeux aient une vision des couleurs légèrement différente.

Ainsi, si la couleur existe, elle est dans l'œil qui regarde et non dans la chose observée.

Dès lors, lorsqu'un peintre donne vie à un tableau, il le fait en le peignant bien sûr, mais plus encore en le regardant. Dès qu'il cesse de le regarder, ses couleurs disparaissent...