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Comparaison des climats hivernaux entre les Etats-Unis et l'Europe de l'Ouest

MétéoSuisse-Blog | 04 janvier 2023
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Comme on a pu le constater durant les fêtes de Noël, les descentes froides en hiver en Amérique du Nord peuvent être particulièrement intenses alors qu’en Europe de l’Ouest, il est souvent plus rare et plus difficile de faire affluer des masses d’air aussi froides depuis les régions polaires. Ce blog tentera de vous apporter quelques éclaircissements à ce sujet.

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Pourquoi les hivers aux Etats-Unis sont-ils souvent plus rigoureux qu’en Europe de l’Ouest ?

Cette question est légitime, d’autant plus qu’en moyenne, comme vous pouvez le constater sur le graphique ci-dessous, les Etats-Unis sont situés en grande partie à des latitudes plus méridionales que la majorité de la masse terrestre de l’Europe de l’Ouest. En effet, la superficie des USA couvre les latitudes qui correspondent en grande partie au pourtour méditerranéen.

Répartition des masses terrestres et océaniques et la présence du Gulf Stream

Pour trouver la réponse à cette question, il faut tout d’abord prendre en considération l’étendue et la localisation des surfaces terrestres et océaniques à proximité de ces deux régions. Au nord et à l’ouest du continent européen se trouvent essentiellement des surfaces océaniques alors qu’au nord et à l’ouest de la moitié est des Etats-Unis on trouve des masses terrestres. Cette différence est pertinente car l’eau se refroidit nettement plus lentement que la terre en hiver en raison d’une capacité calorifique plus importante de l’eau par rapport à la terre. Il est par conséquent possible de générer des masses d’air nettement plus froides au-dessus des plaines canadiennes qu’il n’est possible de produire au-dessus des eaux tempérées de l’Atlantique Nord. Cela explique en grande partie pourquoi les masses d’air continentales polaires d’Amérique du Nord sont nettement plus froides que les masses d’air maritimes polaires résidant au-dessus du nord Atlantique. De plus, l’Atlantique Nord étant traversé par le courant marin chaud du Gulf Stream, cela limite encore davantage le potentiel de refroidissement de ce bassin océanique au nord-ouest de l’Europe. Puisque les courants atmosphériques dans les latitudes moyennes sont en moyenne orientés à l’ouest, cela a tendance à influer fortement sur les températures des masses d’air susceptibles de toucher ces deux régions respectives. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de faire affluer des masses d’air continentales polaires sur l’Europe de l’Ouest. Lorsque les courants atmosphériques s’orientent au nord ou au nord-est, de l’air continental polaire ou même arctique sibérien peut alors atteindre la région alpine (rappelez-vous février 2012)… mais ce type de régime météorologique est plus difficile à mettre en place et donc se rencontre plus rarement.

L’orientation des chaînes montagneuses

Un autre facteur qui limite la pénétration d’air polaire ou arctique sur le continent européen sont les chaînes montagneuses de l’arc alpin et des Pyrénées. Les deux étant orientées « est-ouest », elles tendent à bloquer une partie des mouvements méridionaux des masses d’air. Cela explique en partie pourquoi le pourtour méditerranéen reste aussi doux en hiver alors qu’en Amérique du Nord, les masses d’air continentales polaires et même arctiques peuvent souvent affluer sans entraves depuis les plaines canadiennes jusqu’au Texas, voire parfois jusqu’au Mexique. En effet, la chaîne montagneuse des Rocheuses étant orientée « nord-sud », elle n’entrave en rien le périple des masses d’air polaires vers le sud et les aident même à être canalisées vers des latitudes plus méridionales.

Comparaison de quelques moyennes de températures entre les villes des deux continents

Pour illustrer ces différences de climats entre l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest, il est intéressant de comparer les températures moyennes en hiver entre des lieux sur les deux continents à des latitudes semblables. Or, on constate que les villes de Londres, Amsterdam, Berlin et Dublin se trouvent toutes au nord de la ville de Calgary au Canada mais il fait en moyenne nettement plus froid en hiver à Calgary (moyenne max. en janvier 0°C) que dans ces villes européennes (moyenne max. en janvier : 8 °C pour Londres et Dublin, 5 °C pour Amsterdam et 3 °C pour Berlin). Montréal se trouve au sud de Paris mais rencontre des températures nettement plus froides en hiver que la capitale française (moyenne max. janvier -5 °C à Montréal contre +7 °C à Paris). La température moyenne au mois de janvier à Reykjavik est de -0,6 °C et est plus douce que la température moyenne de Boston pour ce même mois qui est de -1,7 °C malgré le fait que la ville islandaise se situe à plus de 20° de latitude plus au nord. La ville de Missoula dans le Montana est à peu près à la même latitude que Genève mais la température maximale moyenne au mois de janvier est d’environ 0 °C dans la ville américaine alors qu’elle est d’environ 5 °C dans la ville suisse.

L’effet de balancier des flux atmosphériques

Il a souvent été question ces dernières semaines d’entendre dire que c’est normal qu’il fasse doux en Europe puisqu’en Amérique du Nord il faisait très froid durant les fêtes de Noël. Il s’agit de l’effet de balancier qui ferait que lorsque vous avez un profond couloir dépressionnaire rempli d’air froid au-dessus d’une région, en amont et en aval de ce couloir dépressionnaire se trouvent des crêtes de hautes-pressions remplies d’air doux. Ce phénomène, similaire à ce qui se passe lorsqu’on secoue une corde pour produire des vagues, se rencontre bel et bien. Toutefois, les longueurs d’ondes de ces ondes synoptiques atmosphériques (dites de Rossby) sont souvent plus courtes que la distance qui sépare le continent nord-américain de celui de l’Europe. Par conséquent, cet effet de balancier aura plutôt tendance à se faire ressentir à l'échelle du continent lui-même, soit entre l’ouest et l’est du continent nord-américain ou entre l’ouest et l’est du continent européen, c'est-à-dire sur des distances moins éloignées l’une de l’autre que celles qui séparent les deux continents. La preuve en est, alors que la douceur se poursuit actuellement en Europe, le froid arctique nord-américain qui était présent à Noël s’est depuis résorbé et a été remplacé par de l’air également très doux d’origine maritime tropical au passage de la nouvelle année.