Dans un récent blog, nous évoquions les températures anormalement élevées de la Méditerranée et du potentiel de phénomènes violents qui pouvait en résulter pour la fin d'été, mais à la condition qu'une synoptique favorable se mette en place. L'arrivée d'une dépression venant de l'ouest et de sa forte dynamique d'altitude a été l'élément déclencheur d'orages d'une extrême violence.
A la faveur de cet été extrêmement chaud et ensoleillé, la température des eaux de surface de la Méditerranée est de 4 à 6 degrés au-dessus des normes de saison. Ainsi, la masse d'air séjournant au-dessus de ces eaux chaudes devient rapidement chaude et très humide. Cette chaleur moite est le carburant essentiel pour la convection, qui va du simple orage isolé aux systèmes convectifs de méso-échelle en passant par les orages supercellulaires. Mais avoir le carburant, aussi abondant soit-il, n'est pas tout. Il faut un ou plusieurs éléments pour allumer la mèche et ainsi "libérer" l'énergie convective:
Pour donner le jour à un orage, il faut disposer d'une bonne quantité d'énergie convective. Mais pour que l'air instable puisse "s'exprimer" librement, il est indispensable d'avoir un élément déclencheur, qui va soulever cet air instable.
Ici, c'est une dépression d'altitude, ou cut-off, qui vient donner le coup d'envoi des feux d'artifice célestes. Celle-ci vient se positionner à l'ouest de la région, provoquant ainsi un fort courant du sud-ouest. Ce courant de sud-ouest en altitude est animé par des segments de jet dont la dynamique est source de soulèvements et donc de déstabilisation de la masse d'air.
En réponse à cette dynamique de jet à haute altitude, des zones de convergence se développent au niveau du sol. C'est sur ces zones ou lignes de convergence que les foyers orageux vont se développer, puis se propager vers le nord-est, entraînés par les vents fort en altitude.
Une fois formées, ces cellules convectives vont se nourrir de l'air humide et instable tout en assumant un haut degré d'organisation grâce au fort cisaillement de vent entre 0 et 6 km d'altitude.
En raison de la présence d'air humide et instable associée au passage de petites ondes courtes en altitude, des orages parfois accompagnés de trombes marines se sont développés dès la fin du mois de juillet sur les eaux de la Méditerranée. Cependant, l'impact de ces quelques orages est demeuré plutôt limité.
Ce n'est qu'à partir du 16 août que les choses sérieuses ont débuté avec l'approche par l'ouest d'un talweg évoluant en cut-off. Ce même système a d'ailleurs aussi provoqué des orages en Suisse ces derniers jours. Le premier événement significatif fut la formation d'orages virulents entre l'Hérault et le Var dans la nuit du 16 au 17 août accompagnés d'un intense foudroiement, de violentes rafales de vent et de grêle.
Dans la nuit du 17 au 18 août et notamment en début de matinée du 18 août, la situation a réellement dégénéré avec la formation de plusieurs supercellules violentes ainsi que d'échos en arcs virulents entre la Corse et les côtes italiennes de Ligurie et Toscane.
Le bilan est très lourd, notamment en Corse, avec 5 morts, de nombreux blessés et d'énormes dégâts matériels.
L'écho en arc qui s'est développé à proximité de la Corse en début de matinée du 18 août 2022 a généré des rafales allant jusqu'à 224 km/h à Marignana en Corse et de nombreuses rafales entre 150 et 200 km/h.
Les orages se sont ensuite dirigés vers l'Italie voisine, provoquant des rafales de 120 à 140 km/h sur les côtes toscanes et du sud-est de la Ligurie.
Il convient de souligner que ces puissantes rafales de vent ne sont pas l'oeuvre de tornades ou trombes marines, mais de vents linéaires appelés "macrorafales".
Ces orages ont aussi généré de fortes chutes de grêle qui ont provoqué de gros dégâts.
Quant aux trombes marines, la situation beaucoup trop dynamique du 16 au 18 août n'a pas favorisé leur développement. Par contre, avec l'affaiblissement de la dépression, des trombes marines ont été signalées ce matin dans les Cinque Terre en Ligurie.