Un front chaud gagnera nos régions dans la nuit de jeudi à vendredi avec des précipitations parfois soutenues sur le quart sud-ouest de la Suisse. Le refroidissement causé par ces précipitations devrait conduire à une situation d'isothermie, faisant descendre la neige à très basse altitude.
Lorsque les précipitations sont soutenues et prolongées, il se produit une baisse progressive de la température dans toute la colonne d'air. Ce processus de refroidissement est causé par trois mécanismes :
- Le premier est lié à l'évaporation des précipitations, surtout au début lorsque l'air est encore relativement sec.
- La deuxième source de refroidissement est la fonte des flocons de neige. En effet, la fusion est un processus qui soutire de la chaleur à l'air ambiant. Les milliards de flocons qui franchissent simultanément l'isotherme du zéro degré poussent lentement celui-ci vers le bas.
- Le troisième mécanisme est celui que l'on pourrait nommer "entraînement". Ces milliards de flocons ou de gouttes possèdent une température propre. Ceux-ci tombent en venant de régions d'altitude plus froides. Ils sont donc presque systématiquement plus froids que les couches d'air qu'ils traversent en tombant. Ce faisant, ils refroidissent par contact l'air ambiant, entraînant une baisse de la limite pluie-neige parfois jusqu'en plaine.
Les processus décrits plus haut ont lieu lorsque le vent est très faible dans toute la colonne d'air, depuis l'isotherme du zéro degré jusqu'au sol. La présence de vent serait susceptible de mélanger les différentes couches d'air en atténuant fortement le refroidissement. Le "Niederschlagsabkühlung", comme le nomment nos collègues de Zurich, ne peut donc être pleinement efficace que par vents faibles sur l'ensemble des basses couches.
Le refroidissement causé par des précipitations soutenues et prolongées par vents faibles tend à former une couche ayant pratiquement la même température sur toute son épaisseur, généralement proche du zéro degré ou très légèrement au-dessus. Les flocons de neige qui tombent au travers d'une telle couche proche de la limite de fusion, tendent à s'humidifier et à s'agréger plus facilement (neige "collante") formant ainsi des flocons de grande dimension.
La perturbation encore sur les Pyrénées ce jeudi vers la mi-journée atteindra nos régions dans le courant de la nuit. Les précipitations devraient surtout concerner le quart du sud-ouest de la Suisse. Les différentes sorties de modèles, ainsi que leurs membres laissent entrevoir des cumuls très disparates (Figures 2 et 3). Cela suppose donc des différences d'intensité de précipitations significatives, susceptibles d'avoir un impact crucial sur l'efficacité du phénomène d’isothermie et sur la probabilité de voir la neige tomber jusqu'en plaine. Au moment où nous publions ce blog, le scénario le plus vraisemblable est de voir les précipitations débuter sous forme de pluie en plaine aux alentours de minuit, pour passer progressivement à de la neige mouillée quelques heures plus tard au moment où les précipitations deviendront les plus soutenues. Avec l'atténuation des précipitations prévue vendredi dès la fin de la matinée, la neige mouillée devrait à nouveau faire place à de la pluie. Dans l’après-midi, d’autres précipitations pourront se produire en faible quantité et dans de l’air un peu plus doux. Ainsi, la limite pluie-neige devrait remonter jusque vers 1000 m.
A ce stade, le risque de voir la neige tenir au sol n’est pas négligeable avec des quantités très disparates d’un secteur à un autre. Vendredi matin, on pourrait bien avoir une couche de papètche, pètche ou patiôque selon les termes locaux. C’est la raison pour laquelle MétéoSuisse a émis un avis neige de degré 2 vendredi entre 0h00 et 12h00.
Les dernières sorties du modèle COSMO-1 donnent des quantités de neige plus importante qui correspondraient à des seuils d’alerte de degré 3. Cependant, l’incertitude engendrée par le phénomène d’isothermie reste importante. Ainsi, nous restons encore prudents, quitte à élever en degré 3 plus tardivement.
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