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Jusqu'où peut-on prévoir le temps?

MétéoSuisse-Blog | 24 novembre 2022
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A quel horizon temporel peut-on prévoir le temps ? Quelle est la limite de prévisibilité et d'utilité des phénomènes et paramètres météorologiques tels que les orages, le stratus, la vitesse du vent, la pluie ou la température à l'aube ?

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L'incertitude

De nos jours, les prévisions du temps se basent sur des modèles mathématiques et numériques qui se sont développés depuis le milieu du 20e siècle. La prévision numérique du temps consiste à prévoir l’état futur de l’atmosphère projeté sur une grille de calcul grâce à des modèles mathématiques et physiques, en s'appuyant sur les connaissances des lois de la physique de l'atmosphère et la connaissance des conditions initiales.

La limite de prévisibilité, qui repésente le délai pour lequel une prévision est utille, a déjà été étudiée notamment par Edward Lorenz, un météorologue, qui a mis en évidence en 1963 l’aspect chaotique de la météorologie (par hasard!). Il a ainsi montré qu’une une modification minime des données initiales (de l'ordre de un pour mille) entraîne des résultats très différents à un temps plus éloigné. Il a ainsi démontré la grande sensibilité des modèles météorologiques aux conditions initiales. En résumé, il explique que “des états qui ne diffèrent que par d’infimes quantités peuvent évoluer vers des états totalement différents.” (Ce que l'on représente souvent par l'effet papillon).

En 2019, une étude de l’université de Pennsylvanie réunit le professeur Fuqing Zhang et de nombreux scientifiques sur la question, en se basant sur des modèles à haute résolution (le modèle de l’ECMWF - Centre Européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme -  avec une résolution de 9km et le modèle américain avec une résolution de 3km).

Les prévisions météorologiques se sont considérablement améliorées depuis l'introduction de la prévision numérique. Ceci a été réalisé grâce à une puissance de calcul sans cesse croissante, à des modèles de prévision numérique du temps qui sont améliorés et fonctionnent à une résolution toujours plus grande.  La représentation des processus physiques atmosphériques est plus précise et les algorithmes d'assimilation de données quadridimensionnelles sont plus sophistiqués (ce sont ces processus qui fournissent les conditions initiales auxquelles les modèles sont sensibles) et qui peuvent ingérer des volumes toujours plus importants d'observations in-situ et acquises à distance .

La qualité des modèles de prévision est constamment mesurée, notamment au ECMWF. On estime aujourd’hui qu’un modèle de prévision déterministe apporte des informations pertinentes jusqu’à 10 jours. Il y a 30 ans, on estimait que ce délai était de 7 jours.

L'amélioration des modèles peut avoir d'importants avantages socio-économiques en permettant de mieux prévoir l'occurrence des catastrophes naturelles, de sauver des vies et de protéger les biens. Par exemple, l'amélioration de la prévision des cyclones tropicaux est largement due à de meilleurs modèles numériques. La précision des prévisions de trajectoire des cyclones tropicaux du National Hurricane Center des États-Unis s’est améliorée en moyenne d'un jour par décennie ;  l'erreur annuelle moyenne de prévision de trajectoire à 5 jours pour le bassin atlantique en 2016 est inférieure à celle de 2 jours en 1990.

Limite intrinsèque et limite pratique

Pourtant, l'amélioration des modèles a des limites.  Selon Lorenz et Zhang le concept de " limite de prévisibilité atmosphérique " peut être divisé en deux catégories : la prévisibilité intrinsèque et la prévisibilité pratique : la prévisibilité intrinsèque fait référence à " la capacité de prédire - étant donné une représentation presque parfaite du système dynamique (par un modèle de prévision) et des conditions initiales quasi parfaites -  une limite inhérente en raison de la nature chaotique de l'atmosphère et qui ne peut être étendue par aucun moyen ". La prévisibilité pratique, aussi appelée communément capacité à prévoir le temps, est "la capacité de prévoir, compte tenu des incertitudes réalistes du modèle de prévision et des conditions initiales ".

La prévisibilité pratique peut être étendue par la réduction des principales erreurs : la mauvaise connaissance des conditions initiales et les erreurs du modèle. Elles ont été déjà considérablement réduites et pourraient l'être encore davantage avec de meilleurs modèles, ingérant des observations de haute précision, une meilleure assimilation de données et une plus grande puissance de calcul.

Néanmoins, il est naturel de se demander s'il existe une prévisibilité intrinsèque du temps aux latitudes moyennes. Dans l'affirmative, quelle est cette limite inhérente (calculée avec des modèles presque parfaits avec des conditions initiales presque parfaites)?

Pour estimer de cette limite de prévisibilité intrinsèque d’une prévision déterministe, on fait appel à des ensembles, soit des simulations qui sont exécutées plusieurs fois avec des conditions initiales très proches. La limite sera atteinte lorsque l'écart entre ces simulations presque identiques deviendra aussi important que l'écart entre certains états choisis au hasard, mais dynamiquement et statistiquement possibles.

Jusqu'à 15 jours

La conclusion prometteuse de l’étude est que, en supposant que les modèles actuels de prévision puissent saisir les processus physiques les plus essentiels, on peut améliorer la précision des prévisions des événements météorologiques quotidiens jusqu'à cinq jours, en réduisant les incertitudes des conditions initiales. Il y a cependant beaucoup moins de possibilités d'améliorer la prévision des phénomènes à petite échelle comme les orages. L’étude suggère que la limite ultime de la prévisibilité est encore lointaine, et qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la prévisibilité météorologique quotidienne.

L’étude se concentre sur la question de savoir si une limite de prévision déterministe supérieure à deux semaines peut être atteinte, en se concentrant sur le temps quotidien. Si l'on définit l'" horizon utile de prévision" comme le délai auquel les prévisions d'ensemble cessent d'être, statistiquement, plus habiles qu'une distribution climatologique, l'horizon de prévisibilité peut dépasser deux semaines pour certaines variables à grande échelle synoptique et planétaire.