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Les turbulences sont des mouvements d’air d’intensité variable qui secouent un aéronef en vol. Les causes dépendent de différents facteurs météorologiques. Elles peuvent avoir lieux aussi bien à basse qu’à haute altitude.
Les turbulences sont des mouvements d’air d’intensité variable qui secouent un aéronef en vol. Les causes dépendent de différents facteurs météorologiques. Elles peuvent avoir lieux aussi bien à basse qu’à haute altitude.
En aéronautique, le terme de turbulence s’applique aux mouvements de l’air qui chahutent et secouent un aéronef en vol, mais aussi ceux qui peuvent affecter les avions dans les plus basses couches de l'atmosphère, lors des phases plus délicates de décollage et d’atterrissage. Ces mouvements sont de l’ordre de 1 m à 1 km environ et d’une durée de l’ordre de la seconde ou de plusieurs minutes. Les turbulences de très petites échelles génèrent des secousses, qui ne peuvent pas se corriger. Elles ne gênent pas beaucoup l’évolution de l’aéronef et ne représentent qu’une source d’inconfort pour les passagers. Dans le cas de mouvements d’air de grande taille (grande longueur d’onde), c’est tout l’aéronef qui bouge, sans secousses et sans contraintes exagérées sur sa structure. Le pilote aura le temps de monter, de descendre ou de changer de cap et ainsi d’éviter des effets indésirables. Entre ces deux extrêmes, la taille des turbulences provoque du tangage et des roulis qui augmentent les risques de dégâts de la structure. Le type de mouvements qui peut exercer une force violente et non-uniforme sur la surface des aéronefs est à peu près de la taille des aéronefs. À noter qu’en aéronautique, les hauteurs s'expriment usuellement en pieds (ft). Pour la force des mouvements turbulents et des ascendances thermiques, on utilise des mètres par seconde (m/s).
Les effets des turbulences sur un aéronef vont dépendre de sa taille, de son poids et de sa vitesse. Il existe une échelle d’intensité des turbulences (échelle OACI) qui décrit les effets ressentis, la variation de vitesse de l’avion et l’accélération verticale subie par l’aéronef.
Les turbulences atmosphériques apparaissent subitement et souvent de manière imprévue lorsque le vent change brusquement de force et/ou de direction. Ces changements sont appelés cisaillement du vent (en anglais « wind shear »). Le cisaillement du vent produit des volutes et des tourbillons qui génèrent des turbulences pour les aéronefs. Dans ces situations les composantes verticales du vent (ascendances, mouvements descendants) jouent un rôle important dans la production de turbulences. Ces écoulements turbulents sont le plus souvent liés aux vitesses élevées du vent et surtout aux variations importantes de la vitesse et ou de la direction vent sur de courtes distances verticales. C'est notamment le cas en altitude à proximité du jet stream (ou courant jet).
Les écoulements turbulents sont aussi liés à la présence d’obstacles comme des montagnes (formation d'ondes orographiques sous le vent des Alpes en situation de foehn), mais aussi à plus petite échelle liés à la présence de bâtiments ou de collines.
La turbulence a aussi des origines thermiques. Les mouvements verticaux d’origine convective (convection orageuse) peuvent produire des turbulences fortes, voire extrêmes en altitude, à l'intérieur et autour des orages, mais aussi près du sol avec l'arrivée subite de violentes rafales.
Dans les basses couches de l’atmosphère, les turbulences peuvent être associées aux vents de gradient tempétueux (bise, foehn, …), parfois aussi à des variations subites de masse d’air (joran au passage d'un front froid) mais aussi plus subtilement au voisinage des inversions de basses couches en hiver.
Les turbulences mécaniques se produisent en basses couches (entre le sol et 3000-5000 ft), c’est-à-dire dans la couche où les frottements dus à la rugosité du sol et où l’instabilité liée au surchauffement du sol la journée ont une influence sur l’écoulement de l’air. Cette couche est appelée couche limite ou de friction. Par temps instable, cette couche peut facilement monter jusque vers 5000 ft et par temps stable, notamment en hiver, faire moins de 300 ft (inversion de basse couche).
Le cisaillement au passage de l’inversion (entrée dans la couche limite) induit une perte d’altitude des aéronefs. Ce type de cisaillement peut être important en situation de foehn, lorsque des rafales de foehn ricochent sur une couche d’inversion. Dans ce type de situation, l’inertie des gros avions se traduit par une perte d’altitude bien plus importante que dans le cas de petits avions (risque d’atterrir avant la piste ou de percuter un obstacle).
Le vent dans la couche limite, surtout près du sol, fluctue en direction (+/-20°) et en vitesse (~25 % de part et d’autre du vent moyen) toutes les minutes. Les turbulences sont essentiellement liées à des vents forts à tempétueux et aux forces de frottement sur la surface terrestre, et sont parfois accentuées par la présence d’obstacles (relief accidenté, bâtiment, forêt, ...). En Suisse, ce type de turbulence peut être associé à des situations de bise tempétueuse, de joran, de rafales de foehn ou de tempête d’ouest.
Une bise ou un vent tempétueux d’ouest avec des rafales à plus de 60 km/h peuvent générer des turbulences modérées à fortes en basse couche. La canalisation du vent entre les reliefs du Jura et des Préalpes, mais aussi dans les vallées alpines contribue notamment à augmenter le niveau des rafales et donc le risque de turbulences de basses couches.
Dans le cas du joran qui souffle au pied sud du Jura depuis le nord-ouest, cela peut générer de fortes turbulences notamment sur les aéroports de Genève et Granges, car leur piste a une orientation sud-ouest/nord-est. Le joran souffle donc perpendiculairement par rapport aux avions qui atterrissent et décollent de ces aéroports.
Ces turbulences sont liées aux importants mouvements thermiques ascendants et descendants associés aux nuages d'orage (cumulonimbus, codés CB). Ces turbulences peuvent affecter des avions en vol et en phase de décollage et d'atterrissage.
En principe en dessous de 1000 ft (~300 m), le risque de courants descendants est plus probable que celui de courants ascendants. Des accélérations verticales de 2 g à 3 g sont possibles en vol horizontal au travers d’un orage. Les vitesses verticales peuvent atteindre des valeurs extrêmes supérieures 30 m/s. Dans les masses d’air tropical (lorsque la tropopause est haute) les CB s’étendent jusque vers 10 ou 13 km (maximum jusqu’à 18 km), alors que dans les masses d’air polaire, ils ne montent que jusque vers 5 à 7 km. Si le sommet d’un orage dépasse 35'000 ft (~11 km) il doit être considéré comme extrêmement dangereux.
Les turbulences convectives peuvent être relativement limitées dans le cas d’orages isolés. En revanche elles peuvent concerner des régions plus vastes lors de passage de lignes orageuses multicellulaires ou de fronts orageux. Dans ce cas, un front de rafales peut balayer presque l’entier d’un pays comme la Suisse. Dans le cas d’orages violents (supercellules), ces turbulences peuvent être extrêmes.
Les turbulences autour des orages sont plutôt des courants descendants. La cellule orageuse agit comme une barrière vis-à-vis du vent dominant. Dévié, le vent ondule et tourbillonne. Ce type de turbulence est surtout associé à des situations produisant de puissantes cellules orageuses (orages préfrontaux, supercellules) avec de forts vents en altitude. En cas d’orage violent (« severe thunderstorm »), il ne faudrait pas voler dans un rayon d’au moins 30 à 40 km autour de la zone orageuse.
À des altitudes élevées, les aéronefs sont en général au-dessus de la zone nuageuse principale et peuvent contourner les CB. Les techniques d’évitement reposent sur l’observation visuelle et les images radar. L’interaction de puissantes cellules orageuses dépassant la tropopause et interagissant avec de forts vents stratosphériques (atmosphère stable) peuvent provoquer des ondes de gravité et des turbulences dans la partie sous le vent du sommet de l’orage (sous le dôme), très similaires aux ondes orographiques en région montagneuse. Des vols au voisinage des sommets de CB et sous l’enclume doivent être évités. L’altitude devrait être au moins de 1000 ft au-dessus du sommet du CB pour chaque 10 kt de vent mesuré au sommet d’un CB. Par exemple, si le vent souffle à 50 kt près du sommet du CB, l’altitude de vol devrait être au moins de 5000 ft au-dessus du sommet du CB.
Les downbursts sont des courants descendants rapides et violents produits par des cumulonimbus. Ils se produisent dans des régions sèches et chaudes (par exemple en Australie et aux États-Unis) avec ou sans précipitations. L’évaporation des précipitations (a) joue un rôle important dans la genèse des microbursts. Ces derniers se produisent également en Europe, notamment lors de longues périodes chaudes et sèches. Dans ces situations, des orages à base élevée, donnant peu de précipitations mais de fortes rafales ont déjà été constatés.
Les downbursts de grandes tailles sont appelés macroburst. La zone de vents destructeurs s’étend alors horizontalement sur une région de plus de 4 km. Les violents macrobursts peuvent occasionner des dégâts similaires aux tornades. Les vents peuvent durer 5 à 50 minutes avec des pointes jusqu'à 60 m/s (~200 km/h).
Les microbursts sont en revanche des downbursts de petite taille dont la zone de vent destructeur (au moins 60 kt, ~110 km/h) ne dépasse pas 4 km. Malgré sa plus faible extension horizontale, les vents peuvent atteindre 75 m/s (270 km/h). En générale, une zone de rotor (tourbillon horizontal) se forme et s’écarte de manière concentrique à partir du moment où le microburst arrive rapidement près du sol. Ce tourbillon principal se désintègre en donnant naissance à d’autres tourbillons. Le phénomène peut durer 3 à 5 minutes. Un microburst peut passer de 10'000 ft (3000 m) au sol en près de 2 minutes. Les microbursts peuvent se produire notamment quand les précipitations n’atteignent pas le sol (virga).
L’évaporation des précipitations (a) crée une zone d’air froid, plus dense qui file rapidement vers le sol. Les microbursts peuvent être associés à des CB ayant des bases proches du sol (b), à des CB à bases élevées (base entre 5000 et 15000 ft), et aux régions sous les enclumes (c). Dans ces deux derniers cas l’évaporation est un mécanisme important.
Lorsqu’un fort vent souffle perpendiculairement à la ligne de crête d’une montagne, il se met à onduler dans la zone « sous le vent » du relief. Ces sortes de vagues atmosphériques peuvent monter très haut dans la troposphère, à une hauteur environ de 10 km, voire pénétrer la stratosphère. Ces mouvements ascendants et descendants « sous le vent » appelés ondes orographiques (« mountain wave ») sont responsables de turbulences. Ces ondes orographiques augmentent en intensité lorsqu’un vent tempétueux, comme un par exemple un courant jet traverse les Alpes.
Ces ondes sont d’autant plus développées lorsque le vent est perpendiculaire à la chaîne montagneuse sur une grande épaisseur d’atmosphère, que la force du vent moyen soit au moins de 25 kt dans le cas de grandes chaînes montagneuses, mais seulement de 15 kt dans le cas d'une colline. Idéalement, le vent doit aussi augmenter avec l'altitude ou au moins être constant.
La présence d'une couche d'air stable (isothermie ou inversion) proche ou au-dessus du relief, là où justement l'air est perturbé par la montagne, permettra de rabattre l’air initialement soulevé et de favoriser ainsi la formation des ondes. Il est d'ailleurs assez fréquent de rencontrer une stabilité vers 4-5 km (moyenne troposphère).
Dans les Alpes les situations de vent du sud et du vent du nord produisent des ondes orographiques (situations de foehn). Il n’est également pas rare de voir de telles ondes au-dessus du Jura. Ces ondes orographiques peuvent s’étaler jusqu’à 200 km au-delà de la crête alpine, en direction de l’Allemagne par vent du sud et de l’Italie par vent du nord.
Exception faite des turbulences qui accompagnent les cumulonimbus, les turbulences en altitude (> à 5-6 km / > 15000 ft) sont appelées turbulences en air clair (« Clear Air Turbulence » CAT). En altitude, le cisaillement vertical du vent est principalement associé aux courants jet. La vitesse aux abords du jet variant rapidement sur de courtes distances verticales, il s’ensuit un fort cisaillement générant des turbulences en air clair (CAT).
En fréquence, la turbulence en altitude décroît lentement avec l’altitude. On note en revanche une augmentation de la fréquence des turbulences au voisinage des courants jet et de la tropopause, qui sont à la fois des zones de fort gradient de température et de fort cisaillement vertical et horizontal du vent. Les CAT en altitude sont discontinues et les secousses sont rapides (effets de pavé). L’extension horizontale des CAT d’altitude est de l’ordre de 80-100 km, mais peut atteindre 300 à 500 km. L’épaisseur moyenne est de 600 m, mais peut faire moins de 30 m. Mais l’épaisseur des zones de CAT prévues est souvent supérieure à 2 km. Les risques de turbulences augmentent rapidement quand le cisaillement vertical du vent dépasse 5 kt par tranche de 1000 ft. Les discontinuités thermiques et du vent (cisaillement) aux limites de masse d'air, au passage d’un front, mais aussi au niveau d'inversion peuvent aussi générer de la turbulence en air clair. Les CAT peuvent aussi se produire dans les basses couches (exemple fortes rafales de joran).
Les principales sources de turbulences sont donc naturelles. Il existe une source non-naturelle, les turbulences de sillage générées par le bout des ailes des aéronefs. L’intensité et la force de ces turbulences de sillage (« wake turbulence ») est fonction du poids de l’aéronef, de sa vitesse et de la forme de ces ailes (maximum lorsque les dispositifs hypersustentateurs sont déployés). Les turbulences de sillage les plus violentes sont engendrées par de gros avions commerciaux lourdement chargés, volant à faible vitesse.
Près du sol ces tourbillons de sillage se forment à l’approche juste avant l’atterrissage ou immédiatement après le décollage. Les zones de dangers en phase d’atterrissage se situe en amont du « point de toucher » et en phase de décollage en aval du « point de rotation ». Un aéronef suiveur doit repérer ces points.
Les turbulences de sillage ont un diamètre de 70 à 150 m et peuvent persister plusieurs minutes (2 minutes en moyenne) avant de se dissiper et ne plus produire d’effets turbulents sur un autre aéronef. La persistance des tourbillons sera d’autant plus forte que le vent est faible. Le respect de distance horizontale entre deux aéronefs en phase de décollage ou d’atterrissage permet de réduire au minimum la rencontre de turbulence de sillage par l’avion suiveur : d'où la marge nécessaire de 1 à 3 minutes entre les décollages successifs.
Les tourbillons de sillage sont parfois visibles : quand l’air est assez humide à basse altitude, la vapeur d’eau se condense dans la zone de fort vent près du centre du tourbillon et matérialise ce dernier. La vitesse tangentielle de ces tourbillons peut être extrême. L’intensité décroît lentement avec la distance derrière l’aéronef.
Une étude menée par l'université de Reading montre que les avions volent dans un ciel plus agité aujourd'hui qu'il y a quarante ans. C'est ce qu'ont découvert des scientifiques après avoir réalisé une nouvelle analyse montrant que les turbulences (CAT) ont augmenté avec le changement climatique.
Selon les conclusions de l'étude, pour la zone Atlantique Nord – l'une des routes aériennes les plus fréquentées au monde – la durée annuelle totale des fortes turbulences a augmenté de 55 %, passant de 17,7 heures en 1979 à 27,4 heures en 2020. Les turbulences modérées ont augmenté de 37 %, passant de 70,0 à 96,1 heures, et les turbulences légères ont augmenté de 17 %, passant de 466,5 à 546,8 heures. Cette tendance devrait s'accentuer avec le réchauffement en cours.